Grogne des agriculteurs: « Nous avons été entendus mais nous n’avons pas reçu de réponse »

Plus d’un millier de tracteurs ont déferlé dans la capitale à l’occasion d’une manifestation d’ampleur qui paralyse Bruxelles et sa périphérie. Le point sur les perturbations.

Les agriculteurs belges, mais également européens, sont vent debout depuis plusieurs semaines pour dénoncer « l’incohérence des politiques européennes ». Entre surcharge administrative, empilement de règles complexes, lourdeur des normes environnementales et revenus jugés insuffisants, les racines de leur mécontentement se sont multipliées et la colère gronde au sein de la profession.

Le secteur refuse notamment les accords de libre-échange comme le Mercosur, réclame des simplifications administratives, dénonce des « normes incompréhensibles » et exige un prix « juste » pour les produits vendus à l’agro-industrie. Environ 1.300 tracteurs et plusieurs milliers d’agriculteurs ont rallié jeudi la capitale, et le quartier européen, pour faire entendre leurs revendications.

Déception

La Fédération des jeunes agriculteurs (FJA) va poursuivre ses actions, en ciblant les dépôts d’enseignes de la grande distribution, a déclaré son président, Florian Poncelet, à l’issue de la journée de manifestation à Bruxelles et d’une rencontre jugée « décevante » avec des responsables européens. « Nous sommes fortement déçus. Nous avons été entendus mais nous n’avons pas reçu de réponse. Rien« , a réagi Florian Poncelet, à l’issue d’une rencontre avec le cabinet du président du Conseil européen, Charles Michel. « Ils ont trouvé 50 milliards d’euros pour l’Ukraine mais pour l’agriculture, il n’y a pas un milliard », a encore déploré le jeune agriculteur alors que se tient à Bruxelles un sommet européen extraordinaire consacré à l’aide à l’Ukraine. « Notre détermination est plus grande encore ce soir que ce matin », conclut Florian Poncelet, pour qui la motivation dans les rangs de la FJA est « impressionnante. »

Le Premier ministre Alexander De Croo a appelé les agriculteurs manifestant dans la capitale à faire preuve de « bon sens terrien » en évitant la violence contre la police et le vandalisme. « Je demande à chacun de faire preuve de bon sens terrien et d’arrêter d’agiter notre capitale, surtout de ne pas perdre le large soutien qui existe aujourd’hui au sein de la population », a indiqué le chef du gouvernement fédéral. Pour le Premier ministre, une grande partie des préoccupations des agriculteurs sont légitimes, et les décideurs européens et nationaux sont prêts à écouter et à prendre des mesures.

Le point sur toutes les perturbations

Circulation difficile sur le ring de Bruxelles

Bien que des tensions entre certains manifestants – rarement identifiables – et les forces de l’ordre ont émaillé vers 10H puis au départ des tracteurs, entamé vers 15H30, avec des jets d’oeufs et de pétards d’un côté, d’eau et de gaz lacrymogènes de l’autre, l’ensemble de la journée s’est globalement bien déroulée. Les manifestants auront tout de même signé le ciel et l’air de leur présence, en allumant plusieurs brasiers, de pailles mais aussi de pneus. Les commerces de la place du Luxembourg auront pour leur part plutôt tiré profit de l’affluence exceptionnelle de la journée. 

La quasi-totalité des tracteurs avaient quitté la place ixelloise en début de soirée, laissant quelques feux allumés, un parterre partiellement labouré, une statue démembrée et un arbre calciné. La police de Bruxelles-Capitale/Ixelles a délogé les derniers occupants vers 18H15. 

Les embarras de circulation se sont donc déplacés, d’abord les sorties de la capitale, plusieurs trajets de la Stib ont dès lors été écourtés, puis sur les diverses autoroutes qui en partent. La police fédérale de la route notait notamment plusieurs tronçons fermés sur la E19 dans le Brabant wallon et la province de Hainaut ainsi que d’importantes perturbations au nord du pays. 

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Le mouvement de contestation agricole posait encore quelques soucis de circulation, principalement sur le ring de Bruxelles, jeudi aux heures de pointe de fin de journée. Le trafic était ainsi fortement ralenti sur le ring extérieur à hauteur de Grand-Bigard. Le blocage était encore en cours à hauteur de Hal. Le carrefour Léonard n’échappait pas non plus aux embouteillages en raison d’un barrage pour le trafic se dirigeant vers l’E411 et Namur.

Les transports en commun perturbés, la station Parc à nouveau accessible

La station de métro Parc est de nouveau accessible, a indiqué la Stib en début d’après-midi. Depuis environ 11h15, l’arrêt n’était plus desservi sur ordre de police. Plusieurs lignes de bus qui desservent habituellement le quartier européen sont aussi fortement perturbées.

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Dans les provinces wallonnes

En province de Namur, il y aussi un barrage filtrant à Philippeville aux entrées et sorties de la N5 vers la N97 ainsi que sur la N5.

En province du Luxembourg, l’accès au dépôt de l’enseigne Lidl est bloqué sur le zoning de Aye.

En Hainaut, un dépôt de l’enseigne Colruyt est aussi bloqué sur la N57. L’autoroute A7/E19 est en outre encore fermée à Houdeng-Goegnies, avec une déviation vers la A15/E42 en direction de Liège. Le blocage nocturne des accès au nord de l’aéroport de Bierset en province de Liège a toutefois été levé, et la situation est de retour à la normale.

Plan d’urgence à Zeebrugge, Volvo Cars à Gand en partie à l’arrêt

Les camions qui doivent encore se rendre au port de Zeebrugge, bloqué par les contestations agricoles, vont être déviés vers le parking de l’aéroport d’Ostende, a indiqué jeudi soir le gouverneur de Flandre occidentale Carl Decaluwé, après une concertation dans le cadre du plan d’urgence provincial.

Des milliers de camions sont bloqués dans les environs de Zeebrugge en raison des protestations des agriculteurs, qui obstruent les accès au port. D’où l’activation du plan d’urgence provincial et la tenue d’une concertation avec les services compétents. Plusieurs mesures ont été prises, notamment de dévier les camions qui doivent encore se rendre à Zeebrugge, vers l’aéroport d’Ostende, qui dispose de places pour 1.000 poids lourds. Les environs de l’A11 vont par ailleurs être sécurisés par des voitures de signalisation. Des foodtrucks seront également installés dans les environs du port afin de permettre aux camionneurs de se sustenter. Des sanitaires supplémentaires vont aussi être déployés. Le gouverneur appelle les automobilistes à éviter les environs du port tant que la situation ne sera pas résolue.

La production dans l’usine de Volvo Cars à Gand est en partie à l’arrêt en raison du manque de certaines pièces. Celles-ci se trouvent à bord de camions bloqués à Zeebrugge. En conséquence, certaines pièces cruciales à la production de voitures manquent à l’appel chez Volvo Cars à Gand et l’équipe de nuit ne peut temporairement pas travailler.

Flandre

A Anvers, une colonne de tracteurs est partie de l’E313 pour se diriger vers le ring de la métropole et le tunnel Kennedy. L’action provoquait de gros embarras de circulation. Les agriculteurs pourraient se diriger vers le port où des blocages ont déjà été menés plus tôt dans la journée.

En Flandre orientale, les manifestants ont quitté un important rond-point de Gand, mais le R4 est complètement fermé à hauteur de Zelzate-est au nord de Gand.

En Flandre occidentale, l’E40 en direction d’Oostduinkerke était bloquée, mais les automobilistes pouvaient emprunter les bretelles de sortie avant la congestion. L’E17 en direction de la France, à hauteur de Mouscron, était également fermée, tout comme les sorties Bruges-Nord et Bruges-Zeehaven sur l’A11.

Blocages importants dans les dépôts des supermarchés

Les agriculteurs continuent de bloquer les centres de distribution des supermarchés à plusieurs endroits en Belgique, parfois pour la quatrième journée consécutive. Il est de plus en plus probable que les rayons des magasins se vident.

Chez Colruyt, des problèmes se posent dans les centres d’Ollignies, Ghislenghien (Hainaut) et Hal (Brabant flamand). « Les manifestants ne permettent pas aux camions d’entrer ou de sortir du site. Nous n’avons aucune idée de la durée de ces actions », a regretté la société.  Colruyt a dû se résoudre à fermer ses magasins à Hasselt et à Marche-en-Famenne par mesure de sécurité en raison des protestations menées par les agriculteurs, a confirmé l’entreprise.

Chez Lidl, le centre de distribution de Marche-en-Famenne, dans la province de Luxembourg, reste bloqué. Comme mercredi, les agriculteurs autorisent un camion à venir chercher des produits pour les banques alimentaires. D’importants volumes de nourriture risquent toutefois de se retrouver à la poubelle, selon la porte-parole Isabelle Colbrandt. Les agriculteurs qui protestaient devant le centre de distribution de Lidl à Genk ont quitté les lieux, a constaté Belga sur place. « Une conversation constructive » a eu lieu avec les manifestants, selon l’entreprise.

Chez Aldi, des agriculteurs bloquent un dépôt à Vaux-sur-Sûre, également dans la province de Luxembourg, depuis la nuit de dimanche à lundi. À Gembloux, dans la province de Namur, des agriculteurs ont également bloqué un dépôt Aldi. « Dans certains magasins, il peut y avoir des pénuries de certains produits. Plus le blocage dure, plus l’impact est important », regrette Jason Sevestre, porte-parole. Des agriculteurs se sont rendus jeudi soir au centre de distribution d’Aldi à Heusden-Zolder, dans la province du Limbourg.

Autre blocage chez Delhaize, où les agriculteurs font barrage depuis mardi soir devant un centre de distribution à Ninove. C’est à partir de là que les boissons sont principalement transportées vers les magasins. Mercredi soir, le plus grand dépôt de Delhaize, à Zellik, dans le Brabant flamand, a également été bloqué pendant plusieurs heures. Vers 00h00, les agriculteurs sont repartis.

Le vandalisme sera sanctionné

Les forces de l’ordre ont adopté une approche axée sur le dialogue au cours des derniers jours, pour éviter toute escalade, mais les services de police interviendront si nécessaire et les actes de destruction seront sanctionnés, a averti la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V).

Dans le quartier européen de Bruxelles, un monument en l’honneur de l’industriel belgo-britannique John Cockerill a été dégradé et des agriculteurs ont lancé des œufs et des bombes fumigènes en direction de la police. « Notre pays a une culture de la manifestation… Chaque année, nous accueillons un grand nombre de manifestants dans les rues de Bruxelles… Il en va de même pour les agriculteurs qui ont eux aussi cette possibilité, avec leurs tracteurs », a commenté la ministre, en lançant toutefois un avertissement. « Les bons accords font les bons amis. Les services de police interviendront donc également si nécessaire. La destruction de monuments, la démolition de mobilier urbain ou le jeu de chat et de la souris avec nos policiers seront sanctionnés. Il est dans l’intérêt de tous de faire preuve de responsabilité, et cette responsabilité incombe aussi aux agriculteurs qui veulent aujourd’hui montrer leur mécontentement à l’Europe », a précisé Mme Verlinden.

De son côté, le Premier ministre Alexander De Croo a également condamné les actes de vandalisme. « Démonter la statue de John Cockerill, figure emblématique de l’industrie belge, est un mauvais signal. Arrêtons d’opposer agriculture et industrie. Agriculteurs et industriels peuvent s’entendre. Nous avons besoin des deux secteurs pour viser une économie forte et durable », a-t-il commenté sur X.

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