Agriculture: malgré les crises, les États doivent engager la transition climatique (OCDE)
L’accumulation de crises qui affectent les systèmes agricoles, de l’épidémie de Covid-19 à la guerre en Ukraine, ne doit pas faire perdre de vue aux États la nécessité d’engager des réformes de long terme pour lutter contre le dérèglement climatique, estime l’OCDE.
« En plus des réponses immédiates aux crises mondiales actuelles, les politiques agricoles doivent apporter des solutions aux défis du moment et favoriser des réformes au long cours pour lutter contre le changement climatique », résume l’Organisation de coopération et de développement économiques dans un rapport publié jeudi.
À l’origine de 22% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (méthane, CO2), « l’agriculture est l’un des premiers émetteurs, mais aussi l’une des victimes les plus immédiates du changement climatique », a souligné Marion Jansen, directrice des échanges et de l’agriculture de l’OCDE, lors d’une conférence de presse.
L’assouplissement des restrictions environnementales pour augmenter la production ne doit pas se faire « au détriment de la durabilité », souligne l’organisation.
Plusieurs experts se sont interrogés sur l’opportunité « d’abandonner ou de repousser » certaines mesures du Pacte vert de l’Union européenne, citant notamment l’autorisation de culture des jachères donnée fin mars par la Commission. Représentant environ 4% des terres agricoles de l’UE, ces jachères rendent des services environnementaux en favorisant la biodiversité ou la fertilité des sols.
Quatre mois après le début du conflit en Ukraine, l’OCDE appelle à la vigilance concernant les pays les plus pauvres, la guerre générant « d’énormes incertitudes sur les marchés agricoles et ayant immédiatement conduit à des hausses de prix pour des denrées essentielles », ajoute Marion Jansen.
Dans cette volumineuse étude sur les politiques agricoles de 2019 à 2021, l’organisation s’est penchée sur la manière dont 54 États, dont 11 économies « émergentes » (Chine, Inde, Brésil…), ont dépensé leur argent pour soutenir l’agriculture.
Pendant cette période, quelque 817 milliards de dollars annuels ont été consacrés au secteur agricole, un soutien atteignant des « niveaux record » avec une hausse de 13% par rapport à 2018-2020.
Mauvaise direction
L’OCDE relativise toutefois cette augmentation, qui est principalement due à des politiques temporaires des États pour protéger « les consommateurs et les producteurs des répercussions de la pandémie de Covid-19 ».
La part des budgets consacrée à l’amélioration des infrastructures ou à la recherche agricole a aussi « diminué au fil du temps, passant de 16% des dépenses publiques il y a 20 ans à 13% aujourd’hui », regrette Marion Jansen, qui estime que cela « ne va pas dans la bonne direction ».
L’OCDE note notamment la faiblesse des investissements en faveur de l’innovation – 26 milliards de dollars, soit « 0,7% de la valeur de la production agricole » -, et appelle à réorienter les financements vers ce segment pour transformer industries et systèmes alimentaires.
Par ailleurs, sur les 54 pays étudiés, « seuls 16 pays ont fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre propres au secteur agricole », a-t-elle relevé lors de la conférence de presse.
L’OCDE prévient aussi que les aides publiques peuvent fausser les règles des marchés internationaux et ainsi contribuer à l’augmentation des émissions sans pour autant bénéficier aux paysans.
Dans le détail, 500 milliards de dollars ont été apportés au secteur agricole via des fonds publics, le reste ayant été injecté au travers de politiques de soutien des prix (droits de douane, subventions à l’exportation).
La Chine a massivement contribué à ces dépenses avec 285 milliards de dollars investis sur la période 2019-2021, soit plus d’un tiers du total.
Fragilisé par l’épidémie de peste porcine africaine, le pays a fortement soutenu le prix du porc en achetant des volumes de viande conséquents pour alimenter ses réserves nationales, et ainsi aider les éleveurs à reconstituer le cheptel décimé par la peste porcine africaine.
Alors que plusieurs pays ont mis en place des embargos temporaires à l’exportation – comme l’a fait l’Indonésie pour son huile de palme ou l’Inde pour son blé – l’OCDE met en garde contre des restrictions « contre-productives », qui selon elle « amplifient les tensions mondiales sur les prix et sur l’offre ».
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