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3 mesures décisives réclamées par les agriculteurs pour un déblocage: « Sans cela, nous continuerons »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Des grands moyens pour des grandes mesures : les agriculteurs belges sont bien décidés à se faire entendre dans toute la Belgique. Sans décisions concrètes, leurs tracteurs continueront à bloquer les grands axes routiers. Jeudi, Bruxelles passera au laboureur, en marge du sommet européen. « Il faut que les citoyens comprennent qu’on agit dans leur intérêt ».

Ils ont été les premiers à dégainer. A Daussoulx ou à Hal, les membres de la FJA (Fédération des Jeunes Agriculteurs) ont investi le bitume avec une rapidité qui en a surpris plus d’un. Si bien que les autres syndicats agricoles belges (FWA, FUEGA) n’ont pas tous directement suivi le mouvement, qui se cantonnait alors de l’autre côté de la frontière française. Il désormais plus qu’implanté en Belgique, dont la capitale européenne, Bruxelles, sera au centre des « tractations » jeudi. Guillaume Van Binst, Secrétaire général de la FJA, dresse les conditions posées par les agriculteurs pour envisager un déblocage.

La prochaine action coup de poing, c’est le blocage de Bruxelles ?

Les blocages se poursuivent à plusieurs endroits en Belgique, notamment à Hal. Les agriculteurs souhaitent y rester jusqu’à jeudi. Date à laquelle on prévoit de rejoindre Bruxelles, en marge du Conseil européen. La FWA (Fédération Wallonne de l’Agriculture) et la FUGEA (Fédération Unie de Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs) vont à Namur aujourd’hui/mardi, mais de notre côté, il n’y a rien d’autre de prévu. La volonté est d’aller à Bruxelles avec tous nos collègues belges, flamands et wallons. Mais également nos voisins français et allemands, voire italiens et espagnols. L’intention de plusieurs collègues européens de se rendre dans la capitale est bien là.

Jeudi, la volonté est de se rendre à Bruxelles avec nos collègues belges et européens.

Guillaume Van Binst

Vous avez rencontré (ou allez rencontrer) plusieurs ministres responsables (De Croo, Clarinval, Borsus, Tellier). Que demandez-vous et quels sont les éléments principaux qui peuvent débloquer la situation ?

Des propositions concrètes doivent arriver rapidement. Certaines peuvent être mises en place à court terme.

On demande d’abord une position ferme de la Belgique dans le cadre des accords commerciaux du Mercosur (Marché commun du Sud, une communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l’Amérique du Sud, NDLR.). Ainsi qu’un engagement du gouvernement belge pour que l’agriculture ne soit plus la variable d’ajustement.

Deuxièmement, par rapport à la chaîne agroalimentaire, on aimerait que l’Etat propose des mesures pour rééquilibrer les forces en présence entre les différents maillons : distribution, industrie et agriculture. A l’instar de ce qui se fait en France avec la loi Egalim. Dans les négociations entre ces différents acteurs, c’est toujours le pot de fer contre le pot de terre (l’agriculteur), qui n’a pas suffisamment de marge de négociation. On souhaite que les pouvoirs publics encadrent et rééquilibrent ce rapport de force.

Dans les négociations, c’est toujours le pot de fer contre le pot de terre. On souhaite que les pouvoirs publics encadrent et rééquilibrent ce rapport de force.

Guillaume Van Binst

Troisièmement, à moyen terme, nous souhaitons que le Premier ministre Alexander De Croo discute avec ses collègues européens en vue d’une refonte complète de la PAC (Politique agricole commune), qui a montré ses limites. On est arrivé dans une véritable usine à gaz où plus personne ne s’y retrouve, et certainement pas les agriculteurs. On demande plus de lisibilité pour pouvoir faire du revenu l’objectif principal, avec des mesures agronomiquement applicables.

Le gouvernement français a montré la voie, même si ce n’est pas suffisant. Pour l’instant, en Belgique, il y a beaucoup de belles paroles politiques, mais peu d’actes. Des promesses de soutien, de mise en place de groupe de travail… très bien, mais à la fin du mois, l’agriculteur n’aura pas un euro en plus. Sans mesures concrètes, on ne sera pas satisfaits et on continuera nos actions.

Ne craignez-vous pas de perdre le soutien de la population en bloquant les axes routiers ? La grande distribution n’est-elle pas une cible plus « logique » ?

L’objectif n’est pas de pénaliser ou de bloquer les citoyens. Mais nous n’avons pas beaucoup d’autres possibilités pour se faire entendre. Il faut que les gens comprennent qu’on agit dans leur intérêt. S’ils veulent s’assurer de pouvoir encore manger de la nourriture européenne à des prix raisonnables, il faut absolument garder une base d’agriculteurs sur notre continent. Sans quoi, la situation se rapprochera de celle que l’on connaît avec l’énergie, c’est-à-dire une dépendance vis-à-vis d’autres pays. Ce qui implique évidemment des risques d’approvisionnement et des hausses de prix non maitrisées.

Lundi, la ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo) a été copieusement huée lors de sa rencontre avec certains de vos membres. Est-ce la traduction d’un rejet des agriculteurs de la politique écologique actuellement prônée pour le secteur ?

On rejoint les Ecolo sur leurs positions concernant les accords commerciaux. En revanche, il y a une déconnexion entre les réalités sur le terrain et les idées de certains élus Ecolo, qui relèvent plus du dogmatisme vert que du bon sens paysan. C’est pourquoi les agriculteurs n’ont pas toujours une bonne image du parti écologique. On a parfois l’impression qu’ils veulent nous faire laver plus blanc que blanc, par rapport à d’autres pays du monde. Les agriculteurs ont du mal à l’accepter parce qu’ils voient cela comme une concurrence déloyale. D’autant plus que ces mesures ne sont même pas applicables sur le terrain. Tout le monde y perd.

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Guillaume Van Binst (à droite), Secrétaire général de la FJA, à la sortie du gouvernement wallon.

La FJA est particulièrement en vue lors des dernières actions actions de blocage. Vous avez été les premiers à agir en Belgique. Comment l’expliquez-vous ?

On sentait cette colère et ce ras-le-bol chez les membres. Ils avaient envie de faire entendre leur voix via le syndicat. On a donc naturellement mis en place des actions pour soutenir leurs revendications, mais aussi pour les encadrer. Il n’y avait pas vraiment de « stratégie » pour devancer les autres syndicats belges. On a juste répondu à une demande de nos membres, et on a avancé. J’ignore pourquoi les autres ne se sont pas directement joints au mouvement. Chez nous, la tension et la colère étaient palpables.

Y aurait-il eu le même soulèvement en Belgique sans le mouvement en France ?

On était dans une situation telle que qu’il y avait un sentiment de résignation. Le mouvement français a été un élément déclencheur, oui. On a vu qu’en Allemagne et en France, il était possible de se faire entendre et de faire bouger les choses. Cela nous a poussés à reprendre notre sort en main.

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