2015 en 15 mots: Climat (14/15)
Dix-huit ans après le Protocole de Kyoto, le monde a trouvé un accord ambitieux pour lutter contre le réchauffement de la Terre au-delà de 2020. L’année marque une prise de conscience planétaire des enjeux climatiques qui menacent l’humanité. Mais la Belgique reste à la traîne.
Pendant qu’à Paris, les représentants de la planète étaient engagés début décembre dans d’intenses négociations sur les mesures à prendre pour ralentir le réchauffement climatique, 21 millions de Pékinois restaient confinés chez eux. Noyés dans un irrespirable brouillard toxique qui a conduit les autorités à décréter, pour la première fois dans l’histoire du pays, l’alerte rouge à la pollution sur sa capitale. Pour l’occasion, les médias ont inventé un néologisme évocateur : » airpocalypse « .
Le smog qui enveloppe les mégapoles chinoises n’est pas un nuage de dioxyde de carbone, ce gaz à effet de serre dont les émissions sont en grande partie responsables du réchauffement de la Terre et des océans. Il se compose essentiellement de monoxyde de carbone (CO), de dioxyde de soufre (SO2) et de particules fines qui restent en suspension dans l’air. Le CO2, lui, se concentre beaucoup plus haut dans l’atmosphère. Mais la source de tous ces polluants est la même, c’est l’activité humaine.
Plus spécifiquement, pour ce qui concerne la Chine : la production d’électricité à base de charbon (la moitié de la consommation mondiale), l’explosion de la circulation automobile, le chauffage urbain et la quasi-absence de contraintes environnementales imposées à l’industrie. Et l’Empire du Milieu, responsable à lui seul de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, en a pris conscience. A son tour.
Différents effets climatiques, mêmes causes. Peser, à l’échelle de la planète, sur les facteurs qui contribuent à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, tel était l’enjeu de la COP21 réunie à Paris du 30 novembre au 12 décembre, sous l’égide des Nations unies. La 21e Conférence annuelle des Parties sur le climat s’est fixé un objectif plus qu’ambitieux, carrément historique : obtenir un accord universel visant à maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C à l’horizon du siècle, en essayant même de » tendre vers » les 1,5°C, à la demande des pays du Sud, notamment insulaires.
Le précédent accord du genre datait de 1997 et engageait principalement les nations industrialisées : le fameux Protocole de Kyoto, signé à l’issue de la COP3 au Japon, il y a 18 ans ! Depuis, plus aucune grand-messe onusienne n’est parvenue à accorder les 195 pays membres (plus l’UE) sur une position commune pour l’après-Kyoto, fixant des objectifs annuels de réduction des émissions de CO2 à partir de 2020 et, surtout, les mesures à prendre pour y arriver. Il y va pourtant de la survie des générations futures, arguent les scientifiques. Preuve de l’importance de l’enjeu, 150 chefs d’Etat se sont déplacés à Paris pour l’ouverture de la COP21 (Poutine, Xi Jinping, Obama, Modi). Et ce en plein état d’urgence post-attentats de Paris. Du jamais-vu pour une conférence internationale.
Une telle montagne pouvait difficilement accoucher d’une souris. Au terme de quinze jours d’un processus de négociations intenses, huilé par vingt mois de préparation intensive à porter au crédit de la diplomatie française, un accord a émergé au bout de la nuit. Salué par les applaudissements nourris, parfois les larmes, des délégués présents à Paris, ministres pour la plupart.
Même si, de l’avis général, il est loin d’être parfait, la symbolique est forte et la voie est tracée : l’accord de Paris (on ne parle pas encore de protocole) définit un cadre général à l’action des 196 » parties prenantes » pour les 15 à 20 prochaines années, décisives pour l’avenir de la planète. En donnant un coup d’accélérateur à la lutte contre les émissions de CO2 qui passe par le développement massif des énergies renouvelables et l’abandon progressif des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), une gestion durable des forêts et des terres agricoles, un effort différencié entre pays industrialisés et en développement – pour ne pas entraver ce dernier – et un soutien financier des plus riches aux plus pauvres dans leur lutte contre le réchauffement. L’engagement porte sur 100 milliards de dollars au moins par an, montant qui sera revu à la hausse au plus tard en 2025.
La Belgique peut mieux faire
Avancée majeure, espoir pour la planète… La question qui demeure consiste à savoir si et comment les pays signataires mettront en oeuvre les mesures nécessaires pour tenir le cap négocié. Et sur ce plan, le seul exemple belgo-belge n’incite guère à l’optimisme. A l’entame du sommet parisien, notre pays s’est vu décerner le titre fort peu honorifique de » fossile du jour » par la coupole des ONG présentes à la COP21. Pas pour l’accord signé le même jour – suprême ironie… – entre l’Etat et Electrabel, visant à prolonger pour 10 ans les deux plus anciens réacteurs nucléaires belges (Doel 1 et 2), non.
Mais bien pour l’incapacité des entités fédérées à s’entendre sur la façon de répartir entre elles les efforts nécessaires pour remplir les obligations climatiques belges d’ici 2020 après des années de discussions stériles. Le Climate Action Network a eu beau jeu d’enfoncer le clou : » La Belgique est le parfait exemple de ce qu’un pays riche industrialisé ne devrait pas faire en venant à des négociations internationales sur le climat « , a-t-il asséné. Soulignant que notre pays est » à la traîne par rapport à ses objectifs de réduction d’émissions de CO2 et de développement du renouvelable. »
C’est sous le regard caustique de la communauté internationale que les ministres fédéral et régionaux concernés ont fini par dégager au forceps un accord minimaliste quelques jours plus tard, avant la fin de la COP. Histoire d’être moins ridicules en y retournant pour les négociations finales. L’accord intrabelge porte sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la production d’énergie renouvelable, le produit des enchères de quotas CO2, un engagement sur le financement international et, surtout, la répartition de ces efforts entre les entités fédérées.
Minimaliste ? L’engagement de la Belgique est limité à 50 millions d’euros par an. Un montant dérisoire au regard des 100 milliards annuels promis par la communauté internationale à Paris. Selon les ONG, la juste contribution belge devrait plutôt viser les 500 millions d’euros. Quant à la transition énergétique, notre pays s’est engagé à atteindre 13 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie brute d’ici 2020. C’est l’un des taux les moins ambitieux d’Europe. A titre de comparaison, il est fixé à 14 % aux Pays-Bas, 18 % en Allemagne, 20 % en Espagne ou 23 % en France. Et 20 % à l’échelle de l’Union européenne.
Une catastrophe planétaire
Les accords de Paris contraindront la Belgique – et le reste du monde – à se montrer nettement plus ambitieux au-delà de 2020. L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°C maximum par rapport à l’ère préindustrielle, soit avant 1880, impose une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d’ici 2050 à l’échelon planétaire et le zéro émission carbone à l’horizon 2100. Si rien n’est fait, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), gendarme onusien du climat dont le Belge Jean-Pascal van Ypersele a loupé de peu la présidence en octobre, estime que le réchauffement devrait s’élever de 4,8°C avant la fin du siècle. Voire plus.
Avec des conséquences dramatiques pour l’humanité. Une hausse de plus de 2°C suffirait à faire disparaître 30 % de la biodiversité, à bouleverser l’ordre alimentaire, à précipiter la fonte des glaciers et des calottes polaires, à modifier l’acidité des océans et à en élever le niveau d’un mètre. Provoquant le déplacement de 400 millions de personnes et une grave crise économique, la moitié des 20 plus grandes villes du monde étant portuaires. La Flandre ne serait pas épargnée. Anvers et Malines seraient sous eau et près de 1,2 million de Belges touchés, selon un rapport publié par l’organisation indépendante Climate Central. Avec une hausse de 1,5°C, ils seront déjà 700 000…
Quoi qu’en disent les rares climatosceptiques qui subsistent ici et là, notamment aux Etats-Unis, cela n’a plus rien d’un scénario de science-fiction. Violents ouragans, sécheresses intenses, inondations dévastatrices, les phénomènes météorologiques extrêmes sont en constante augmentation ces dernières années. Rien qu’en Europe, les pluies diluviennes ont été multipliées par huit en 150 ans. Or, à ce jour, la température moyenne à la surface du globe n’a augmenté que de 0,85°C depuis l’ère préindustrielle. Mais les conséquences des gaz à effet de serre concentrés dans l’atmosphère aujourd’hui se feront sentir jusqu’en 2135. Qui sait s’il n’est pas déjà trop tard ?
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