On ne devient pas ce que l’on est uniquement en raison de ses origines
Le sociologue Gérald Bronner explore les vertus et les excès du questionnement sur nos origines.
«Qui suis-je?» n’est pas réductible à «d’où viens-je?». Pourtant, l’idée répandue à travers les romans ou les séries que la personnalité d’un héros ou d’un ennemi est déterminée par des traumatismes subis durant l’enfance a fait du poids des premières expériences une mythologie moderne. Dans Les Origines (1), le sociologue Gérald Bronner démonte cette croyance que «le dolorisme devient le cours normatif de la question des origines». Il est commode, ce dolorisme. Par contraste, il valorise l’«héroïsme social» de ceux qui l’entretiennent. «Le passé nous sert […] souvent à nous exonérer de beaucoup de nos responsabilités», estime aussi l’auteur.
Le grand intérêt de l’essai de Gérald Bronner est de conjuguer son expertise de représentant de la sociologie cognitive et son expérience intime de personnalité «transclasse», garçon issu d’un milieu modeste du nord-est de la France devenu professeur des universités. Ce n’est pas dans la confrontation avec quelque traumatisme que, lui, a trouvé les ressources pour devenir ce qu’il est devenu, mais plutôt dans «le sentiment de différence, d’ennui, l’urgence de trouver une échappatoire» et aussi dans quelques rencontres déterminantes. Les Origines comprend ainsi des pages très touchantes sur l’obsession de la propreté que sa mère a développée comme pour transcender l’assignation de la famille à une classe sociale, ou sur le recours à une certaine violence que la quête d’intégration à son environnement imposait à l’auteur.
Gérald Bronner est persuadé que «le social et le biologique s’entrelacent pour faire de nous ce que nous sommes», des êtres hybrides. Et c’est bien ainsi. Rien ne sert de fantasmer des origines qui ne nous appartiennent pas.
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