Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Plus les femmes gagnent de l’argent, plus elles se barrent

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Selon une récente étude, les risques de séparation seraient de 11% à 40% supérieurs dans les couples… où la femme gagne davantage que l’homme. Deux hypothèses permettraient de l’expliquer.

Une rupture, il y a maintenant fort longtemps. Et cette phrase, répétée par plusieurs copines en apprenant la nouvelle: «Tu as de la chance! Si je pouvais, je partirais aussi.» Et chacune d’énumérer pourquoi elle ne «pouvait» pas. Un job à mi-temps, des enfants, une maison à rembourser, pas d’argent de côté…

L’«amour» ne tiendrait donc qu’à un fil argenté? A un confort matériel impossible à s’offrir seule? A une fiche de paie trop peu garnie? Apparemment, oui. C’est une étude qui le dit. Très sérieuse, l’étude, genre avec tellement de tableaux et de graphiques qu’il faut trois heures pour la lire, en anglais en plus, et publiée (1) dans l’European Journal of Population. Ça s’intitule «Are Female-Breadwinner Couples Always Less Stable? Evidence from French Administrative Data». Ça se traduit grosso modo comme ceci: «Les couples où la femme gagne le plus sont-ils toujours moins stables? Preuves issues des données administratives françaises.» Et ça se résume plus ou moins comme cela: oui.

En d’autres termes, «lorsque la part des revenus de la femme dépasse 55% du revenu total du couple, le risque de séparation augmente significativement, [avec] un risque de rupture supérieur de 11% à 40% (selon l’ampleur de la contribution de la femme) par rapport aux couples dont les revenus sont équitablement répartis».

Donc, plus elles gagnent, plus elles se barrent. «Quel que soit l’âge.» Surtout si elles sont mariées, précise l’analyse (les unions de fait ou les «pacsages», comme ils se pratiquent en France, sont légèrement moins concernés).

Les chercheuses (Giulia Ferrari et Anne Solaz, de l’Institut national d’études démographiques, et Agnese Vitali, de l’université de Trente) avancent deux pistes d’explication. Premièrement, que ces «couples hors norme, qui ne suivent pas le modèle dominant de l’homme « gagne-pain »» subissent «davantage de difficultés conjugales». De quel ordre? Le trio ne se mouille pas davantage. Mais ces turbulences maritales peuvent assez facilement s’imaginer, non? Genre un époux frustré (rabaissant?) parce qu’il se sent €mascul€, des disputes financières sans fin (cf. la frustration), des remarques avilissantes d’un entourage pas tout à fait déconstruit…

«Tu as de la chance! Si je pouvais, je partirais aussi.»

Ou la femme imite-t-elle simplement ce comportement masculin séculaire: puisqu’elle fait davantage bouillir la marmite, elle pourrait s’attendre à ce que son conjoint… la lave. La marmite ou le sol, les toilettes, le linge, qu’importe, sauf que pfff, monsieur n’aime pas trop ça (80% des dames consacrent au moins une heure par jour au ménage, contre 36% des hommes, juste pour rappel).

Ce qui permet de glisser vers la deuxième hypothèse des chercheuses: une résistance féminine moindre en cas «d’insatisfaction conjugale». Ou pourquoi se faire iech à ramasser ses chaussettes sales quand on paie déjà soi-même l’aide-ménagère.

C’est pas pour dire, mais comme les filles sont désormais davantage diplômées que les garçons, donc théoriquement susceptibles d’occuper les postes les plus rémunérateurs, la supériorité économique féminine au sein du couple, ben il faudra bien s’y habituer, messieurs-dames. Et réinventer l’«amour», comme dirait l’autre (2).

(1) En juin, mais qui a fait l’objet d’un communiqué de presse de l’Institut national d’études démographiques le 30 septembre dernier.
(2) A savoir Mona Chollet, autrice de Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles (éditions La Découverte).

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