Des militantes d’Extinction Rebellion, mouvement social écologiste, manifestent à Londres à l’occasion du 8 mars 2022. Il n’est plus rare de voir des slogans qui entrecroisent les luttes féministe et écologiste. Pour la chercheuse Aurélie Aromatario (ULB), la convergence des luttes a toujours existé mais «lire l’exploitation des terres et de l’environnement de la même façon qu’on lit celle des femmes et des minorités de genre est une approche plus récente». © getty images

De «Ras le viol» à «Je te crois»: 40 ans de slogans féministes

Les slogans féministes ont évolué avec la lutte. Mais certains traversent les âges, s’avérant toujours d’une cruelle actualité, 40 ans après.

Un slogan est bien plus qu’une phrase. Il relève du symbole. «Dans le mouvement féministe, précise Aurélie Aromatario, chercheuse en sociologie du genre à l’ULB, les slogans sont le reflet d’un travail militant, du cadrage de l’action collective.» Le mouvement féministe n’ayant jamais connu de véritable mobilisation de masse, il a dû se faire remarquer par le biais, entre autres, de formules interpellantes. Pour Béatrice Fraenkel, anthropologue française et coautrice de 40 ans de slogans féministes. 1970-2010 (éd. iXe, 2011), « l’humour y est très courant, un tas de messages sont provocateurs ». Ainsi, un slogan d’époque, « Crie plus fort, les voisins sont sourds », dénonçait cyniquement les violences conjugales. Aujourd’hui encore, ton mordant et jeux de mots piquants demeurent : au « Ras le viol » des années 1980 répondent les « La cup est pleine » et « Patriarcrame » de 2023…

1979, des femmes manifestent à Paris quand la loi Veil, légalisant l’avortement, fait l’objet de débats parlementaires. Quarante-quatre ans plus tard, dès que le droit à l’avortement est remis en cause, les slogans revendiquant la liberté à disposer de son corps resurgissent sur les pancartes. «Mon corps, mon choix» est un incontournable des marches féministes. Parfois, même pas besoin de mots: les militantes brandissent un cintre, symbole percutant de l’avortement clandestin. © getty images
En 1980, à Paris, « Ras le viol », jeu de mots très évocateur de l’exaspération sur le manque de mesures pénales, titrait des affiches d’appel au rassemblement. 43 ans plus tard, ce slogan est toujours autant présent dans les pays francophones et dénonce avant tout le classement sans suite des plaintes pour agressions sexuelles et viols. Photo © AGIP.
Cette photo d’archive datée du 24 octobre 1985 concerne une manifestation de l’Association des femmes au foyer à Bruxelles. Elles demandaient une amélioration de leur statut social, une allocation de l’Etat et des protections sociales. La reconnaissance du travail gratuit, assuré par les femmes, est toujours une préoccupation actuelle. BELGA PHOTO ARCHIVES

Il y a quarante ans, les revendications portaient sur le droit de disposer de son corps ou de crèches gratuites et dénonçaient déjà les violences. Certains thèmes sont, hélas, toujours d’actualité: « Les slogans sur le corps, les droits politiques et sexuels. Les thèmes les plus récurrents touchent aux violences sexistes et sexuelles », précise Valérie Piette, professeure d’histoire contemporaine à l’ULB. Car la lutte féministe colle par principe à l’actualité. Ainsi, les slogans féministes défendant le droit à l’avortement, un des grands combats des années 1980, sont revenus battre le pavé à chaque fois qu’il a été mis en péril. Du haut de ses cinquante ans, « Un homme sur deux est une femme », est toujours utilisé lorsqu’il est question de parité. Seules certaines méthodes, comme les collages, et certains termes, comme féminicide, sont plus récents.

D’après Valérie Piette (ULB), à l’époque, « certains slogans appelaient déjà à une forme de violence mais c’est peut-être plus fort aujourd’hui. Malgré les lois, la compréhension du féminicide, les manifestations… Les chiffres de violences, de viols, de féminicides restent extrêmement préoccupants. Il y a, dans la parole, une vraie libération, y compris dans l’insulte qui est normalement réservée aux hommes. ». (Photo de Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP)
Bruxelles, 8 mars 2022. Certaines phrases historiques sont récupérées par les féministes. Ainsi, la célèbre phrase de Simone de Beauvoir, « On ne naît pas femme, on le devient », tirée de son livre Le Deuxième Sexe, est transformée en « On ne nait pas femme, mais on en meurt » pour dénoncer un féminicide, le meurtre d’une femme à cause de son genre. BELGA
Au départ, les collages féministes, apparus au cours des cinq dernières années, dénonçaient les féminicides. Ils se sont vite étendus aux luttes convergentes, droits des minorités, antiraciste, LGBTQ+… Pour l’autrice Béatrice Fraenkel, «ces collages sont une grande innovation, dans la forme, dans les techniques. C’est particulier et cela crée une rupture.» © Julien RENSONNET
Slogans féministes humorisqtiques sur des pancartes lors de la manifestation du 8 mars 2022 à Bruxelles : "lachez-nous l'utérus" et ovaires et contre tous"
8 mars 2022 à Bruxelles, les slogans et symboles sur les corps revendiquent avec humour une avancée très sérieuse : les droits sexuels. Le dessin de vulves et de clitoris font écho à un slogan bien antérieur : « Notre plaisir est révolutionnaire ». (Photo de Valeria Mongelli / Hans Lucas via AFP)
Des militantes dénoncent les féminicides lors d’un rassemblement organisé par le collectif #NousToutes, à Paris, en 2022. Un prénom, un âge, un moyen minimaliste et symbolique de visibiliser les victimes de violences patriarcales. Si le mot «féminicide» n’est utilisé que depuis peu, les militantes ont toujours dénoncé les violences systémiques, dont les meurtres des femmes en raison de leur genre. © getty images

Zoé Leclercq

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