Du Portugal à l’île Maurice: voici les meilleures destinations où prendre sa retraite (pour le soleil ou la fiscalité)

En Thaïlande, une pension belge, même modeste, permet de vivre confortablement. © GETTY IMAGES

De plus en plus de pensionnés, riches ou modestes, sont tentés de s’expatrier. Vers le soleil, mais pas seulement. Quelles sont les destinations intéressantes, et les plus prisées?

Ciel bleu gris, 23 à 30 degrés, en moyenne, toute l’année, vitrines aux lettres formées de petites boucles, voitures roulant à gauche… Bienvenue en Thaïlande. C’est là que vivent Philippe Van Roy et son épouse depuis 23 ans. Le couple est venu rejoindre leur beau-fils et fils installé ici. Le pays, ses habitants et ses coutumes n’ont plus de secrets pour eux. Ils sont même actifs dans une association d’aide à la scolarisation de jeunes filles. «Beaucoup de compatriotes viennent ici. Même avec de petites pensions, il est possible de vivre confortablement.»

Retour en Europe. Plus précisément à Torres Vedras, une localité à 50 kilomètres au nord de Lisbonne. Pierre Kirschen et sa femme y habitent depuis 2014. Ils y ont acheté une petite maison, remise au goût du jour. La décision de s’installer là a tenu à plusieurs raisons. «J’ai eu une carrière internationale. Je parle le portugais et mon épouse est brésilienne. Le Portugal s’est donc imposé naturellement. Le climat a achevé de nous convaincre.»

Plus au nord, Philippe de Meulemeester, ancien cadre de banque, coule des jours heureux dans un petit village près d’Aix-en-Provence. «Le Sud de la France, j’y viens depuis l’enfance. Ma mère était originaire d’ici. Je compte beaucoup d’amis français. Pour moi, c’est un pays de cocagne. Mais attention aux idées fausses: le climat peut être extrême et les Provençaux, méfiants. J’ai vu pas mal de retraités belges qui ne se sont jamais intégrés et sont rentrés au pays.»

Une minorité… grandissante

Trois pays. Trois parcours. Et un seul statut: celui de retraité. Aujourd’hui, prendre sa retraite à l’étranger n’a plus rien d’exceptionnel. Ils seraient environ 64.500 dans le cas. C’est le nombre de versements effectués en 2023 par le Service fédéral des pensions (SFPD) à des Belges déclarant résider à l’étranger. Du moins ceux qui ont eu une carrière de salarié ou d’indépendant. Pour les anciens fonctionnaires, on peut rajouter 10.000 personnes (les deux statistiques sont séparées). Sur 2,58 millions de pensionnés au total.

D’autres passent aussi quatre, cinq ou six mois à l’étranger, sans pour autant se déclarer résidents dans ces pays. Eux sont encore plus nombreux. Confirmation à l’Union francophone des Belges à l’étranger (UFBE), une association qui aide et conseille les expatriés depuis plus de 50 ans: «Par rapport au 64.500 recensés officiellement, on peut certainement multiplier ce chiffre par deux ou trois», estime son représentant à Bruxelles, Diego Angelini.

Hors UE, attention à l’exclusion bancaire

De nombreux retraités expatriés disposent de comptes bancaires en Belgique. Or, depuis 2019, les banques belges ferment les comptes de ceux résidant hors UE. La raison? Elles se disent tenues par les règles antiblanchiment. Ces exclusions restent tout de même discriminatoires. Après interpellation, le gouvernement fédéral a réagi. Depuis le 10 juin, les banques sont obligées par loi d’offrir un service bancaire universel aux expatriés hors UE qui ont moins de dix ans de résidence. Pour les anciens, les exclusions restent toutefois d’actualité.

Leur nombre est en légère hausse. Toujours selon les chiffres du SFPD, en 2013, ils étaient 37.471 bénéficiaires belges d’une pension de salarié ou d’indépendant à résider à l’étranger. Quasi deux fois moins. Evidemment, en dix ans, le nombre total de pensionnés a lui aussi progressé. Mais les rangs des «seniors-expats» ont quand même grossi un peu plus vite.

«Beaucoup achètent pour passer des vacances. Retraités, ils finissent par rallonger leurs séjours, puis par s’établir.»

Sur le terrain, l’évaluation est confirmée. «A l’UFBE, nous recevons de plus en plus de demandes d’information, poursuit Diego Angelini. Certes, tous ces candidats ne font pas le grand saut. Mais l’intérêt est notable. La raison est simple: s’implanter dans un autre pays est plus facile qu’avant.» En effet, les voyages en avion se sont démocratisés. Les appels vidéo permettent de rester en contact plus facilement avec la famille. Et en Europe, l’intégration administrative et la monnaie unique ont depuis belle lurette facilité les déménagements.

Pourquoi ils partent

Grosso modo, pour cinq grandes raisons. Il y a la famille. L’un des conjoints est d’une autre nationalité ou un enfant a fait sa vie à l’étranger. Il y a ceux qui ont toujours vécu dans un environnement international. Habitués aux us et coutumes d’ailleurs, ils n’ont guère envie de rentrer en Belgique au moment de la retraite.

La fiscalité, bien souvent, achève de convaincre. Dans certains cas, il s’agit de la première finalité mais c’est plutôt minoritaire. Et puis, il y a l’incontournable météo. Fuir la grisaille, la pluie et l’humidité de la Belgique. Seul bémol: avec le réchauffement climatique, les canicules et les pénuries d’eau commencent à se multiplier dans plus d’une contrée au sud. De quoi rebattre les cartes –géographiques– à l’avenir?

Cinq destination prisées des expatriés

Les retraités apprécient la France, l’Espagne, le Portugal, la Thaïlande et l’île Maurice. Quelles sont les avantages et inconvénients de ces destinations en matière de fiscalité, soins de santé, immobilier et coût de la vie?

FRANCE

Une langue et une proximité

Fiscalité. L’impôt sur les revenus est beaucoup plus progressif en France. Conséquence: les petites pensions sont peu (voire pas du tout) imposées. Il existe toutefois des taxes complémentaires: sur le foncier, l’audiovisuel… La taxe d’habitation, elle, a été supprimée pour la première résidence.

Soins de santé. L’accès aux soins se fait après inscription à la sécurité sociale du pays et l’obtention de la célèbre carte «Vitale». Le système est bon, probablement un peu moins qu’en Belgique. Les médicaments sont gratuits. Dans les régions rurales, il faut être attentif à la pénurie de médecins.

Immobilier. Prisée de longue date, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est devenue très chère. Une maison quatre façades y vaut entre 500.000 et 800.000 euros. Si on cherche le soleil, mieux vaut privilégier le sud-ouest. Plus près de chez nous, des retraités franchissent simplement la frontière, notamment du Pas-de-Calais, où les logements restent abordables.

Coût de la vie. Il est assez proche de celui de la Belgique. D’un côté, les grandes surfaces sont nettement moins chères. Les restaurants, aussi. D’un autre, les biens et services peuvent vite grimper dans les métropoles. L’essence est un peu plus onéreuse.


ESPAGNE

Un marché immobilier facile d’accès

Fiscalité. En séjournant 183 jours par an, on devient résident fiscal et la pension est imposée par le fisc espagnol. Les taux sur les revenus (de 19% à 47%) sont plus bas qu’en Belgique (de 25% à 50%). Les tranches auxquelles ils s’appliquent aussi.

Soins de santé. Le système ibérique couvre la plupart des besoins médicaux. La disponibilité varie d’une région à l’autre, car il est géré par les 17 communautés autonomes du pays. Comme c’est la règle, il faut s’inscrire au préalable à la «sécu» locale.

Immobilier. Le pays a connu des hauts (une bulle dans les années 2000) puis des bas (l’éclatement de cette bulle lors de la crise de 2008). Après une période très avantageuse à l’achat, les prix sont remontés mais attirent toujours, apparemment. Un appartement deux chambres dans une résidence neuve avec terrasse et piscine près des côtes vaut entre 180.000 et 200.000 euros.

Coût de la vie. Pour bon nombre de biens et services, la vie est moins chère qu’en Belgique: nourriture, téléphonie, électricité… Des économies sont réalisées sur les frais de chauffage. Un restaurant correct coûte entre 25 et 30 euros par personne.


PORTUGAL

un coût de la vie 30% moins cher

Fiscalité. En 2008, pour se relever de la crise financière et attirer des étrangers avec du pouvoir d’achat, le Portugal a instauré un statut de «résident non habituel». Au menu? Une exemption de tout impôt sur les pensions des expatriés pendant dix ans. Mais ce cadeau a été progressivement démantelé pour les nouveaux arrivés. Depuis le 1er janvier 2024, il est carrément passé à la trappe.

Soins de santé. Deux systèmes coexistent: l’un public, l’autre privé. La qualité dans le public est correcte et les remboursements par la sécurité sociale belge fonctionnent bien. Mais il y a des files d’attente et le choix du médecin n’est pas libre. Dans le privé, les rendez-vous sont rapides… et chers.

Immobilier. Les prix ont beaucoup augmenté ces dernières années, notamment dans les grandes villes. Un phénomène de rattrapage est à l’œuvre. Lisbonne lutte contre une crise du logement et un «effet Airbnb».

Coût de la vie. Malgré l’inflation qui a flambé ici aussi, les prix restent 30% moins chers qu’en Belgique. Le salaire minimal tourne autour des 820 euros brut. Par conséquent, avec une pension belge moyenne de 1.933 euros brut par mois, il est possible de mieux vivre qu’à Bruxelles, Liège, Namur, etc.


ÎLE MAURICE

une destination en vogue

Fiscalité. Avec ses plages paradisiaques et son plurilinguisme (anglais, français), l’île de l’Océan indien a décidé de cibler les retraités. Un permis spécial, de «retraité non citoyen», a été instauré. Il faut se prévaloir de revenus d’au moins 1.500 dollars US (1.400 euros) et les faire verser chaque mois dans une banque locale. Le taux d’imposition standard est de 15% (pour des revenus entre 13.000 et 60.000 euros). Une convention fiscale existe avec la Belgique.

Soins de santé. Il faut cotiser localement. Le réseau public de santé est souvent engorgé. Dans le privé, toutes les dépenses sont à charge. Il est recommandé d’avoir une clause de rapatriement dans son assurance, pour les interventions sérieuses.

Immobilier. Les étrangers ne peuvent acheter qu’à des conditions strictes et le plus souvent dans des projets immobiliers ou dans des immeubles de plus de deux étages. L’île connaît une saison de cyclones, de novembre à mai.

Coût de la vie. Ce n’est pas la destination la moins chère. Selon certains guides, ce coût est similaire à l’Europe du Sud. Les salaires sont certes bas mais beaucoup de biens doivent être importés comme les vêtements, les voitures…


THAïLANDE

Le restaurant à 2 euros par personne

Fiscalité. Pour obtenir un visa de retraité et pouvoir y résider, il faut soit prouver des revenus de 1.650 euros par mois, soit bloquer 20.300 euros pendant six mois dans une banque locale. Tous les fonds transférés sont taxés dans le pays. Même si Bangkok n’est pas un paradis fiscal, les taux sont doux (de 0% à 35%).

Soins de santé. Une convention de sécurité sociale est en train d’être négociée avec la Belgique. En attendant, les expatriés doivent souscrire une assurance santé privée auprès d’une compagnie thaïe ou internationale. Il existe deux réseaux de soins: l’un public, souvent saturé, l’autre privé, taillé pour les fortunés du Moyen-Orient.

Immobilier. Acheter une maison ou un appartement est interdit aux étrangers. Sauf si on souscrit un crédit hypothécaire d’une durée de 30 ans ou si on achète au nom d’un conjoint thaï. Les loyers, eux, sont très abordables. Un logement de trois chambres se paie… 120 euros par mois.

Coût de la vie. Il est possible d’y vivre très confortablement. Même avec une petite pension. Un restaurant coûte 2 euros par personne. En revanche, les grandes surfaces pratiquent des prix plus chers qu’en Belgique, car les produits d’importation sont lourdement taxés.

Où est-il possible de payer moins d’impôts?

Certains pays tentent carrément d’attirer les pensionnés avec des régimes spécifiques. Dans d’autres, une expatriation n’apporte rien.

Rappel: en Belgique, les pensionnés sont soumis à l’impôt. Il peut y avoir trois types de retenues: le précompte professionnel, la cotisation à l’assurance maladie invalidité (à partir de 1.997 euros brut par mois pour un isolé) et la contribution de solidarité (à partir de 3.162 euros brut par mois pour un isolé).

Quid lorsqu’on s’expatrie et devient résident ailleurs? «Le traitement fiscal dépend d’abord de la nature de la pension, précise Grégory Homans, associé-gérant au cabinet juridique Dekeyser, à Bruxelles. Si le retraité possède une pension de fonctionnaire, il sera toujours taxé en Belgique. Pour lui, tenter un pays fiscalement plus clément est peine perdue. S’il possède une pension de salarié ou d’indépendant, plusieurs cas de figure existent.»

Cela dépend notamment si la Belgique a signé ou non une «convention de double imposition» avec le pays choisi. Ce type d’accord a pour but d’éviter d’imposer deux fois un même contribuable expatrié. Il détermine quel Etat a le droit de prélever l’impôt pour chaque catégorie de revenus: pension mais aussi rente, dividendes, intérêts, etc. La Belgique a signé de tels traités fiscaux avec 95 pays de par le monde.

«L’OCDE a établi un modèle standard pour ces conventions, poursuit Grégory Homans. La règle générale est que l’Etat de résidence du pensionné peut taxer celui-ci sur sa pension. Exemple: si un pensionné belge s’est expatrié en France, c’est Paris qui le soumettra à l’impôt.» C’est également vrai pour l’Espagne, l’Italie, le Portugal (sauf pour les anciens indépendants), les Pays-Bas (sauf si la pension excède 25.000 euros et coche trois conditions) ou encore la Suisse (sauf les anciens salariés).

Cela étant, des conventions stipulent l’inverse: l’impôt sur la pension est dû en Belgique. C’est le cas pour les retraités expatriés en Allemagne, au Luxembourg, en Grèce, aux Etats-Unis ou au Canada.

«Pour un fonctionnaire, tenter un pays fiscalement plus clément est peine perdue.»

Etre taxable ailleurs peut évidemment être intéressant. Dans certains pays, la progressivité de l’impôt est beaucoup plus douce que chez nous. D’autres Etats ont des régimes spécifiques pour les pensionnés. Par exemple, via une «Flat Tax», c’est-à-dire un taux d’imposition unique quels que soient les revenus. Ailleurs, l’impôt des personnes physiques (IPP) est carrément exempté ou suspendu temporairement. Mais pour avoir accès à ces régimes, il faut en général que les pensions soient versées sur un compte bancaire local ou/et qu’une somme soit bloquée dans le pays.

Concernant les revenus immobiliers, la règle est généralement qu’ils sont imposés là où se trouve le bien. La taxation des pensions complémentaires ou des revenus tirés de placements financiers, quant à elle, varie. De même que les droits de succession. Conclusion? «Il est recommandé au candidat à une expatriation de réaliser préalablement un audit patrimonial et fiscal, estime Grégory Homans. Il lui permettra de définir les opportunités à une telle expatriation, ainsi que les aménagements à réaliser avant son départ.»

Retraite à l’étranger: 6 conseils pour bien organiser son projet

Les démarches ne sont pas très compliquées, mais nombreuses. Elles peuvent donc décourager. D’autant que les administrations, d’ici et là-bas, ont parfois des doutes.

1. Bien choisir son pays

L’étape peut paraître futile mais elle est vitale. «Car si on prend sa retraite dans un pays dont on ne parle pas la langue, où on ne connaît personne et où l’avantage budgétaire ou fiscal n’est pas démontré, le rêve peut tourner à la déception», prévient Diego Angelini, conseiller à l’Union francophone des Belges à l’étranger (UFBE).

2. Prévenir le Service des pensions

Il faut s’assurer que le Service fédéral des pensions continue de verser les indemnités (il peut le faire sur un compte belge ou étranger). Pour cela, une lettre suffit. A signer manuscritement et à envoyer deux mois avant le départ. Le SFPD veut connaître: la date du départ, la nouvelle adresse, si le retraité compte s’inscrire dans un consulat et s’il change –ou non– de mode de paiement.

3. Informer sa mutuelle

Pour être couvert en soins de santé, plusieurs scénarios existent. Un: le pays de destination fait partie de l’Espace économique européen (EEE). Deux: le pays a signé un accord bilatéral de sécurité sociale avec la Belgique. Trois: le pays dispose d’un système santé public ou privé auquel il faut cotiser. Les deux premiers cas de figure sont les plus confortables. Ils nécessitent quand même de s’inscrire à la sécurité sociale étrangère. Pour cela, il faut montrer un formulaire délivré par une mutuelle belge (le «S1»). Dans tous les cas de figure, un pensionné belge qui a cotisé à la sécu belge garde tous ses droits. Il peut donc revenir se faire soigner chez nous.

4. Avertir le fisc belge

Concernant la fiscalité, rebelote: tout dépend du statut fiscal qui sera imposé au retraité expatrié ou que celui-ci retiendra. S’il devient résident fiscal dans un autre pays, c’est plus prudent de prévenir le SPF Finances. Cela évite les mauvaises surprises. Cela permet aussi de clôturer les obligations fiscales avant de partir. Exemple: si le départ a lieu en juillet, l’expatrié sera tenu de régler sept douzièmes de ses impôts dus chez nous.

5. Se désinscrire à la commune

Un pensionné qui va vivre à l’étranger garde toujours sa nationalité belge et son numéro au registre national. Néanmoins, il doit faire radier son ancienne adresse à la commune. Celle-ci lui délivre alors une attestation (le «modèle 8») avec laquelle il pourra s’inscrire dans une ambassade ou un consulat belge au nouveau pays. C’est fortement conseillé.

6. S’enregistrer dans le nouveau pays

Dans l’Union européenne, tout citoyen européen a le droit de s’installer dans un autre Etat membre. Il n’a pas besoin de visa, ni de titre de séjour. Juste une assurance maladie et un revenu suffisant. Dans beaucoup de pays, les formalités de domiciliation n’existent même pas. Hors UE, beaucoup d’Etats acceptent les retraités sous divers statuts. Il faut souvent que la pension arrive sur un compte bancaire local, voire qu’une somme d’argent soit temporairement bloquée dans le pays.

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