Carte blanche
Droits des personnes LGBTQI+: « La Belgique peut encore faire mieux »
Dans quelques jours, la Pride s’élancera dans les rues de Bruxelles afin de donner de la visibilité à la communauté LGBTQI+ et à ses revendications. L’événement coïncide avec la journée mondiale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie. Mais pour le MR, la défense de l’égalité des droits humains doit être un combat quotidien.
Alors que de nombreux pays pénalisent ou condamnent encore à mort les personnes LGBTQI+, notre pays n’a certainement pas à rougir de son bilan en matière de droits et de libertés acquis. Nous célébrons cette année le 20e anniversaire du mariage entre personnes de même sexe, et la Belgique est classée 2e au Rainbow Index défini par ILGA-Europe (International Lesbian and Gay Association), établi sur la base des législations nationales favorables aux personnes LGBTQI+. Il est cependant encore possible de faire mieux, car les mentalités n’ont pas forcément emboîté le pas aux progrès législatifs.
Ainsi, la sécurité des personnes LGBTQI+ dans l’espace public n’est toujours pas garantie aujourd’hui. Dans les grandes villes en particulier, certains quartiers ont été abandonnés au repli identitaire, mettant en péril les droits des femmes, des personnes LGBTQI+ et de celles et ceux qui veulent vivre librement. Les jeunes LGBTQI+ exclus de leur famille représentent par ailleurs une part non négligeable des sans-abris. La prévention doit être accentuée, notamment à travers l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS). Il n’est d’ailleurs pas acceptable que certaines thématiques ne puissent pas être abordées dans certaines écoles en raison de la religion ou des pratiques culturelles des élèves. Nos valeurs sont universelles et non-négociables. En parallèle, il faut continuer à améliorer l’accueil des personnes qui déposent plainte. Les Centres de Prise en Charge des Violences Sexuelles (CPVS) font un travail remarquable, mais doivent mieux prendre en compte les difficultés spécifiques des personnes trans, non-binaires, de genre fluide ou des femmes lesbiennes, pour lesquelles un viol peut équivaloir à une double peine. Nous réclamons également davantage d’empathie dans le cadre du suivi des dossiers, ainsi qu’une formation spécifique et obligatoire pour toute personne habilitée à recevoir une plainte à caractère sexuel.
À travers notre action politique, nous voulons également gommer les discriminations qui subsistent sur le plan législatif. Notre approche se veut résolument universaliste. Il ne s’agit pas d’accorder des droits ou des libertés spécifiques pour certaines personnes ou certains groupes, mais de garantir que chaque personne jouisse des mêmes droits et libertés quelle que soit son orientation sexuelle ou son identité de genre.
Ainsi, en matière de don de sang, il n’est plus acceptable d’imposer une période d’abstinence aux hommes ayant des relations avec des hommes. Cette période a déjà été réduite à quatre mois, mais nous souhaitons la supprimer définitivement. En France, les hommes ayant des relations avec d’autres hommes peuvent depuis 2022 donner leur sang sans condition d’abstinence. L’orientation sexuelle du donneur n’est plus enregistrée. Le questionnaire à remplir avant le don de sang est désormais basé sur des critères d’exclusion généraux, tels que des rapports sexuels avec plusieurs partenaires ou la consommation de drogues. Le formulaire est aussi enrichi de questions sur la prise de médicaments préventifs avant ou après un contact à risque. Dans ce cas, le don de sang n’est possible que quatre mois après la prise du traitement. C’est un exemple à suivre.
Nous appelons également le gouvernement fédéral à prendre rapidement des mesures pour interdire les thérapies de conversion. Ces pratiques, fondées sur des principes considérant les identités LGBTQI+ comme des pathologies, mettent en place des méthodes pour les « corriger ». Celles-ci sont très diverses et souvent moyenâgeuses (exorcisme, viol correctif…), mais relèvent aussi parfois de pratiques soi-disant thérapeutiques. Elles sont inefficaces et dangereuses, en plus d’être contraires aux valeurs d’autodétermination prônées par notre société libérale.
En outre, nous invitons le gouvernement fédéral à assurer le suivi de la proposition de résolution votée à l’unanimité par la Chambre en 2021, afin de reconnaître le droit à l’intégrité physique des mineurs intersexes. Il existerait en effet une quarantaine de variations naturelles, visibles ou invisibles, au niveau des caractéristiques sexuelles. Elles peuvent survenir à l’échelle des chromosomes, des hormones, des glandes génitales, des organes reproducteurs ou d’autres caractéristiques sexuelles. Le cadre législatif doit garantir, sauf nécessité médicale et situation d’urgence rendant impossible le retardement de la décision, l’interdiction de toute modification des caractéristiques sexuelles d’un mineur sans le consentement éclairé de celui-ci. Ces pratiques sont en fait des mutilations génitales, déjà interdites dans notre pays.
Les dernières discriminations subsistant en matière d’adoption par des couples de même sexe doivent également être combattues. Les dossiers des candidats homosexuels sont en effet plus souvent refusés que ceux des couples hétérosexuels. En effet, le système d’adoption belge laisse aux parents de naissance le choix du type de famille à laquelle confier leurs enfants. Selon une étude de 2017, 80% des parents de naissance n’accepteraient pas de confier leurs enfants à un couple de même sexe. Ce refus ne devrait plus être une option pour les parents.
En matière de parentalité, il est également temps que notre pays s’empare du débat sur la gestation pour autrui, lequel ne concerne d’ailleurs pas que la communauté LGBTQI+. Le vide juridique actuel entraîne de nombreuses dérives et des risques pour la mère porteuse comme pour les parents d’intention, sans oublier le véritable marché international dont cette pratique est actuellement l’objet, véritable source de discriminations financières. Un cadre législatif protégeant les droits des différents intervenants sans pour autant compliquer l’accès à la parentalité nous semble indispensable et mettrait fin à une certaine hypocrisie législative.
En mettant un terme à la stérilisation forcée et à la psychiatrisation, la loi « transgenres » de 2017 a été une avancée majeure pour les personnes transgenres, qui peuvent aujourd’hui plus facilement changer d’état civil. Mais un vide subsiste pour les enfants et adolescents concernés. Mis à part la possibilité de changer de prénom dès 12 ans et d’état civil dès 16 ans, aucun cadre légal n’existe en matière de transitions médicales et sociales avant 18 ans. Dans notre entourage, plusieurs cas concrets démontrent que le bien-être de ces jeunes dépend trop souvent de la bienveillance de leur famille, de leur école ou de leur médecin. À tout le moins, il nous semble pertinent d’établir des recommandations, après avoir auditionné des experts et des associations. Il importe également, comme le demande la Cour constitutionnelle, de prendre en compte l’existence des personnes non-binaires et de genre fluide. Au-delà du débat symbolique sur le maintien ou non du genre sur la carte d’identité, c’est ici toute la question de l’enregistrement du sexe/genre à l’état civil qui est posée. Ce débat sensible et lourd d’implication, car il touche à l’identité, se doit d’être mené dans le cadre d’un large débat public.
L’actualité internationale, dans certains pays européens ou aux États-Unis, démontre que les libertés acquises restent fragiles. Et bien souvent, quand les droits des LGBTQI+ sont menacés, les droits des femmes le sont également. À nos yeux, il n’existe en fait que des droits humains, garants de l’égalité des chances, de la démocratie et de la liberté. À travers ces différents dossiers, nous démontrons notre volonté d’accompagner les changements sociétaux, dans le respect et la nuance, comme notre pays l’a toujours fait.
Diana Nikolic, David Weytsman, Christophe Cordier, Amélie Pans, Dominique Ebrant, Laurence de Gobert, Steve Detry et Johanne Moyart (mandataires ou membres du MR)
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