Certaines idées reçues sur l’euthanasie restent tenaces. © Getty Images

Droit à l’euthanasie, dernières volontés non respectées… 10 mythes sur la fin de vie

Ann Peuteman Ann Peuteman est rédactrice pour Knack

De plus en plus de personnes tentent de préciser dans les moindres détails à quoi devraient ressembler les derniers mois, semaines et jours de leur vie. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que certaines de ces volontés risquent de ne pas être respectées.

Souhaitez-vous être transféré à l’hôpital en fin de vie? Qui pourra décider de votre lieu de résidence et des médicaments que vous recevrez si vous ne pouvez plus vous exprimer? Et que doit-il advenir de votre corps après votre décès?

Ils sont de plus en plus nombreux à formaliser ces décisions dans une déclaration anticipée ou une procuration de soins, pensant ainsi avoir tout bien organisé. Mais ce n’est pas toujours le cas. Sans le savoir, certains rédigent des documents contradictoires, formulent des souhaits impossibles à faire respecter, ou interprètent mal la loi.

Mythe 1: «Ce n’est que lorsqu’on est vraiment vieux qu’il faut préparer sa fin de vie»

Puisque nul ne sait de quoi l’avenir sera fait, mieux vaut anticiper certaines décisions à temps. Par exemple, de nombreuses personnes rédigent très tôt une déclaration anticipée sur le don d’organes. D’autres attendent la retraite, voire ne prennent jamais de telles dispositions. Mais si un imprévu survient et qu’elles deviennent incapables de décider elles-mêmes, la responsabilité incombera alors à leur partenaire, leurs enfants majeurs ou d’autres membres de la famille. Dans certaines situations, comme un divorce ou un conflit familial, il peut donc être judicieux de désigner un représentant plus tôt au cours de l’existence. «Quoi qu’il en soit, il est crucial de mettre régulièrement à jour ses déclarations anticipées», explique Tom Goffin, professeur de droit de la santé à l’UGent. «Si, à 50 ans, vous indiquez vouloir être réanimé dans toutes les circonstances, vous pourriez penser très différemment 30 ans plus tard».

Mythe 2: «J’ai indiqué que l’on devait me mettre sous respiration artificielle si je suis dans le coma»

Dans une déclaration anticipée, il est possible de préciser quels traitements ne doivent plus être initiés lorsqu’on n’est plus en mesure de décider, mais aussi ceux que l’on souhaite maintenir. «Si vous détaillez précisément dans quelles situations vos volontés s’appliquent, les médecins doivent en tenir compte, explique Tom Goffin. Les traitements et examens que vous refusez ne seront normalement pas effectués. En revanche, pour les thérapies que vous souhaitez, c’est plus complexe. Un médecin doit en tenir compte, mais il a aussi la responsabilité professionnelle d’évaluer ce dont le patient a réellement besoin.» Autrement dit, un médecin n’est pas tenu de mettre en place des traitements jugés inutiles ou contraires à l’intérêt du patient.

Si vous détaillez précisément dans quelles situations vos volontés s’appliquent, les médecins doivent en tenir compte

Tom Goffin

professeur de droit de la santé à l’UGent

Mythe 3: «Une procuration de soins coûte très cher, car il faut passer chez le notaire»

Une procuration de soins permet de désigner une personne qui pourra prendre des décisions à votre place concernant vos affaires personnelles ou financières, si vous n’êtes plus en état de le faire. De nombreuses administrations communales et associations (notamment pour les seniors) fournissent des informations sur la procuration de soins ou aident à la rédiger. Il est faux de croire qu’un notaire est obligatoire. Un notaire peut bien sûr accompagner dans la rédaction de la procuration, mais ce n’est pas une obligation. Seules les donations et transactions immobilières nécessitent un passage chez le notaire. Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’enregistrer la procuration de soins auprès du tribunal de paix, dans le Registre central des mandats (CRL). Frais d’enregistrement: 24 euros.

Mythe 4: «Si je perds mes capacités mentales, mes enfants n’auront aucun droit de regard»

Même ceux qui détaillent précisément ce qui doit se passer en cas d’incapacité mentale n’ont jamais la garantie absolue que toutes leurs volontés seront respectées. Il arrive, par exemple, que des proches s’opposent au don d’organes, ou que des enfants appellent une ambulance, alors que leur mère a clairement indiqué dans sa déclaration anticipée qu’elle ne voulait plus être hospitalisée. Dans de rares cas, des membres de la famille s’opposent même physiquement à une euthanasie. «La loi sur les droits des patients régit la relation entre un patient et son médecin, explique Tom Goffin. L’avis de la famille n’a pas à être pris en compte. Mais en pratique, les médecins doivent bien sûr faire face à des proches qui voient leur être cher souffrir et veulent avoir leur mot à dire sur les décisions médicales.»

Mythe 5: «Il vaut mieux conserver les documents relatifs à sa fin de vie dans un coffre-fort»

Les personnes qui rédigent une procuration de soins ou une déclaration anticipée en discutent généralement avec leur partenaire et leurs enfants. Mais d’autres choisissent délibérément de ne pas en parler. «Souvent, c’est parce qu’elles craignent que leurs proches ne soient pas d’accord avec leurs décisions, ou que cela entraîne des conflits familiaux, explique Sien Duquennoy, psychologue spécialisée dans le grand âge, employée par la ville de Gand. Elles rangent alors ces documents en lieu sûr, dans un coffre-fort ou au fond d’une armoire. Ce n’est évidemment pas une bonne idée. Si personne ne sait que ces papiers existent, ils ne ressortiront pas au moment où des décisions cruciales devront être prises.» Celles et ceux qui rédigent une déclaration anticipée ou une procuration de soins ont donc intérêt à en informer leurs proches.

© Nicolas Messyasz

Mythe 6: «Recevoir des soins palliatifs signifie que mes jours sont comptés»

Beaucoup pensent que bénéficier de soins palliatifs signifie que la mort est imminente. Mais ce n’est pas le cas. «Les soins palliatifs ne sont pas synonymes de soins de fin de vie, explique Nele Van Den Noortgate, professeure, gériatre et spécialiste en soins palliatifs à l’UZ Gent. Les soins palliatifs consistent à chercher des moyens d’ajouter encore des jours, des semaines ou des mois de qualité à la vie du patient. Cela peut passer par un traitement ou des médicaments qui apportent du confort et soulagent les symptômes, mais aussi par un accompagnement psychologique». Pourtant, beaucoup de patients attendent trop longtemps avant d’y recourir. «En réalité, il faudrait contacter une équipe de soins palliatifs dès qu’il est clair qu’il n’y a plus d’espoir réel de guérison, ajoute Nele Van Den Noortgate. Cela permettrait au patient et à ses proches de mieux comprendre les options disponibles. Si son état se dégrade soudainement, les soins palliatifs pourraient alors être mis en place plus facilement.»

Les soins palliatifs ne sont pas synonymes de soins de fin de vie

Nele Van Den Noortgate

Professeure, gériatre et spécialiste en soins palliatifs à l’UZ Gent.

Mythe 7: «La sédation palliative, c’est la même chose que l’euthanasie»

La sédation palliative, qui consiste à plonger un patient en phase terminale dans un état de sommeil profond pour soulager ses souffrances, est souvent perçue comme une forme atténuée d’euthanasie. «Cela s’explique par le fait que la pompe sous-cutanée utilisée pour administrer les médicaments est généralement mise en place en toute fin de vie, explique Wim Distelmans, oncologue et professeur de médecine palliative à la VUB. Si le patient décède peu après, la famille associe souvent – à tort – la pompe à son décès.» Pourtant, contrairement à l’euthanasie, la sédation palliative n’a pas pour but de provoquer la mort du patient. «Cela n’empêche pas certains médecins d’y voir une échappatoire pour éviter d’avoir à pratiquer une euthanasie, ajoute Wim Distelmans. Ils augmentent alors progressivement la sédation jusqu’à ce que le patient décède. Dans ce cas, il ne s’agit plus de sédation palliative, mais bien d’une fin de vie médicalement accélérée sans demande explicite.»

Mythe 8: «Je suis gravement malade, donc j’ai droit à l’euthanasie»

En Belgique, toute personne a le droit de demander l’euthanasie si elle est atteinte d’une maladie incurable et souffre de manière insupportable. Mais cela ne signifie pas que les médecins sont obligés d’accéder à cette demande. «Ils ont toutefois l’obligation d’orienter le patient vers un autre médecin, explique Tom Goffin. En pratique, presque tous les patients qui remplissent les conditions finissent par trouver un médecin prêt à les aider.» Mais certains doivent chercher longtemps. C’est particulièrement le cas depuis que trois médecins ont dû comparaître en justice il y a quelques années, pour l’euthanasie de Tine Nys, une trentenaire souffrant de graves troubles psychiques. «Les médecins qui étaient déjà réticents avant ce procès l’utilisent désormais comme argument face à leurs patients pour refuser leur demande d’euthanasie», explique Wim Distelmans.

Mythe 9: «Si je ne reconnais plus mes enfants, on me fera une piqûre»

C’est sans doute l’un des plus grands malentendus. Beaucoup de Belges pensent avoir signé un document stipulant qu’ils bénéficieront d’une euthanasie s’ils ne sont plus capables d’en faire la demande eux-mêmes, en raison d’une démence avancée. C’est faux. Dans une déclaration anticipée d’euthanasie, il est uniquement possible de préciser que l’on souhaite une euthanasie en cas de coma irréversible. Cela ne s’applique donc pas en cas d’incapacité mentale due à un AVC, une tumeur cérébrale ou une démence. Dans ces cas, l’euthanasie n’est possible que si la personne est encore en mesure d’exprimer sa volonté. Pour ces situations, mieux vaut rédiger une «déclaration négative de volonté», car elle est valable en cas de démence.

Mythe 10: «Quand j’estimerai que ma vie est finie, je demanderai simplement l’euthanasie»

De nombreuses personnes âgées pensent qu’elles peuvent demander l’euthanasie lorsqu’elles ont le sentiment d’être arrivées au bout de leur existence. Ce n’est pourtant pas un motif légalement valable. Cependant, il arrive souvent que les personnes âgées accumulent une série de pathologies irréversibles, qui, ensemble, entraînent des souffrances insupportables. C’est aujourd’hui la deuxième raison la plus fréquente de demande et d’octroi de l’euthanasie en Belgique. «Beaucoup dépend de la personnalité de chacun, explique Wim Distelmans. Perdre la vue, par exemple, aura un impact bien plus important sur quelqu’un qui passe ses journées à lire que sur une personne âgée ayant d’autres centres d’intérêt.» C’est pourquoi certains gériatres considèrent qu’il est difficile d’évaluer quand une combinaison de pathologies liées à l’âge constitue un motif légitime d’euthanasie.

 

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