Domestique chez les très riches : entre attirance et répulsion
«Les relations entre patrons et domestiques fascinent et effraient par leur ambivalence, oscillant entre distance et intimité, harmonie et violence, loyauté et rébellion», énonce Alizée Delpierre dans Servir les riches (1). Une telle «promiscuité statistiquement exceptionnelle entre des individus situés aux antipodes du monde social» méritait à coup sûr une étude approfondie. La sociologue française l’a menée pendant de nombreuses années, s’immergeant comme «employée de maison» et interrogeant de nombreux domestiques et patrons. Son enquête est passionnante.
Lire aussi | Les ultrariches fraudent beaucoup plus
D’un côté, des multimillionnaires et milliardaires disposant de plusieurs propriétés en France et à l’étranger qui souhaitent «se délester de tâches ingrates incompatibles avec une pleine jouissance de leur pouvoir». De l’autre, des employés peu diplômés et issus des classes populaires qui sont attirés par la promesse d’un bon salaire, de primes et de cadeaux. A priori, les conditions d’une exploitation éhontée sont réunies. Ce n’est pourtant pas le sentiment qui prédomine dans les témoignages des domestiques. Elles (puisque ce sont le plus souvent des femmes) se réjouissent de l’ascension sociale, du statut financier et parfois de l’ambiance familiale que leur procure le travail quasi permanent au service des fortunés.
Cette relation paternaliste peut vite devenir ambiguë. «Ce que les riches font au cœur de leur domicile est le reflet d’un système libéral et capitaliste contemporain qui assoit les inégalités sociales, raciales et sexuées sous couvert d’une réussite et d’une liberté individuelles illusoires», analyse Alizée Delpierre. Etre «membre de la famille» a donc ses limites. Les riches savent, le moment venu, invisibiliser leur personnel si dévoué. Autrement dit, les remettre à leur place.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici