Les femmes portant des vêtements religieux sont particulièrement affectés par le racisme anti-musulman. © Getty

Discrimination à l’embauche, violences: le racisme anti-musulmans en forte hausse en Europe

Au sein de l’Union européenne, une personne musulmane sur deux indique souffrir de racisme, selon une étude menée entre 2021 et 2022.

Une personne musulmane sur deux en Europe vit du racisme, ressort-il d’une enquête menée notamment en Belgique par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les jeunes nés dans l’UE ainsi que les femmes portant des vêtements religieux sont particulièrement affectés. La situation s’est détériorée depuis 2016.

L’enquête a été menée entre octobre 2021 et septembre 2022 auprès de 9.600 répondants s’identifiant comme musulmans à travers 13 pays européens. Les résultats montrent une aggravation du phénomène depuis le précédent rapport de 2016. Le nombre de personnes victimes de racisme au cours des cinq années précédant l’enquête est ainsi passé de 39% en 2016 à 47% en 2021-2022.

Les discriminations lors de la recherche d’un emploi (vécues par 39% des sondés) et sur le lieu de travail (35%) ont augmenté depuis 2016 (31% et 23%), avec une plus forte incidence sur les femmes portant des vêtements religieux comme le voile, surtout si elles sont jeunes.

Les discriminations ont aussi empêché plus d’un tiers des personnes interrogées (35%) d’acheter ou de louer un bien immobilier, contre un cinquième en 2016 (22%).

Le rapport cite l’origine ethnique ou immigrée et les convictions religieuses comme motifs de discrimination les plus souvent mentionnés. Pour les personnes provenant de pays d’Afrique sub-saharienne, la couleur de peau est citée en premier. Les discriminations se basent bien souvent sur plusieurs motifs.

En ce qui concerne la violence physique, 4% des personnes interrogées ont déclaré avoir subi une agression raciste au cours des cinq dernières années, et 2% au cours des 12 derniers mois.

Selon l’ADF, plusieurs facteurs pourraient expliquer l’augmentation des discriminations. D’une part, ces comportements ont tendance à augmenter lorsque le discours public à l’égard de certains groupes est négatif, explique l’agence, qui cite la montée de la rhétorique anti-migrants ces dernières années. D’autre part, les jeunes musulmans nés dans l’UE – qui ont rapporté davantage de discriminations – sont mieux sensibilisés et conscients de leurs droits, tout en étant davantage exposés. Le niveau élevé de discriminations à leur égard suggère qu’ils ne peuvent pas jouir des mêmes droits que la population générale, notamment sur le marché du travail.

La plupart des discriminations restent invisibles, note l’Agence pour les droits fondamentaux. Seuls 6% des répondants discriminés ont dénoncé les faits, que ce soit à leur employeur, à la police ou à un syndicat. La raison la plus souvent citée est que « rien ne se passerait ou changerait en le dénonçant ».

En réalité, les discriminations envers les personnes immigrées ou les descendants d’immigrés, les Roms ou gens du voyage, les juifs, les musulmans, les personnes LGBTI à travers l’Europe ne sont que rarement signalées. « Ce constat reflète un problème sociétal plus large de discrimination institutionnalisée et structurelle », affirme l’Agence.

Le rapport s’intéresse d’ailleurs à la relation des répondants avec la police et aux perceptions de profilage ethnique, en augmentation par rapport à 2016. Un tiers des sondés ont été contrôlés par la police au cours des cinq années précédent l’enquête. Près de la moitié attribuent ces contrôles à leur origine.

Le rapport ne couvre pas les développements en Europe depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et le conflit au Moyen-Orient qui a suivi. « Au cours de l’année écoulée, des signes de divisions croissantes au sein de la société sont apparus, se traduisant souvent par des actes d’intolérance à l’égard des musulmans », déclare Sirpa Rautio, directeur de l’ADF, constatant une montée de l’antisémitisme et de la haine anti-musulmans. « Les peurs et les idées fausses alimentent la discrimination et la haine. »

Une enquête sur les droits fondamentaux de 2020 avait mis en évidence les stéréotypes et préjugés au sein de la population non musulmane, tout comme une « rhétorique hostile des médias, des politiques et d’autres figures publiques » en Europe. D’après les résultats, avoir un voisin musulman rendrait « mal à l’aise » une personne sur cinq parmi la population générale, tandis qu’une sur trois serait dérangée de voir une personne de sa famille se marier avec un musulman et 21% jugent acceptable de ne pas embaucher une femme musulmane qui porte le foulard.

La haine anti-musulmans est reconnue en tant que forme spécifique de racisme. L’incitation à la haine et l’appel à la violence à l’encontre des musulmans constituent un délit. En Belgique, la législation anti-discrimination (loi antiracisme, loi anti-discrimination, loi sur le genre) interdit toute discrimination fondée sur certaines caractéristiques individuelles ou collectives dans des domaines comme l’emploi, l’offre de bien et de services, l’enseignement, le logement, etc.

Mais selon l’ADF, il reste encore beaucoup à faire pour assurer une application efficace de la loi. Elle appelle notamment les pays européens qui n’ont pas encore adopté de plan anti-racisme à le faire. Elle demande aussi à ce que des actions spécifiques pour contrer le racisme anti-musulmans soient incluses dans le plan européen contre le racisme qui doit être renouvelé pour la période 2024-2029.

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