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Cofamon, l’association peu transparente de la nouvelle sénatrice cooptée des Engagés (enquête)

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

L’essentiel

Le fonctionnement du Collectif des familles monoparentales (Cofamon, fondé par la nouvelle sénatrice des Engagés Marcie-Claire Mvumbi) pose question.
Le conseil d’administration est composé exclusivement de membres de la famille de la présidente.
Les comptes de l’association n’ont pas été déposés et il n’y a pas d’assurance pour les bénévoles.
La distribution de colis alimentaires a été interrompue et une plainte pour harcèlement a été déposée.

Le collectif des familles monoparentales créé par la nouvelle sénatrice cooptée des Engagés, Marie-Claire Mvumbi, présente un fonctionnement particulier: conseil d’administration exclusivement composé de membres de sa famille, comptes non déposés, assurance obligatoire non contractée pour ses bénévoles…

Elle ne devrait plus présider, à l’avenir, l’association Cofamon qu’elle a créée il y a sept ans. Sa toute récente nomination comme sénatrice cooptée par Les Engagés ne permettra plus à Marie-Claire Mvumbi d’assurer cette tâche, du moins si l’on veut, comme il l’est dit, que cette organisation garde son image de neutralité politique. Quoiqu’il en soit, le fonctionnement de ce Collectif des familles monoparentales (Cofamon), fondé en région liégeoise, soulève plusieurs questions.

Lancé «sans prétention» en 2017 – les statuts officiels n’ont été déposés au Moniteur que le 23 septembre 2021 -, ce collectif a pour objectif de soutenir les familles menées par des parents solos notamment via la distribution de colis alimentaires, jouets en période de fêtes, matériel scolaire, séjours de vacances et autres sacs de pellets durant l’hiver. Il dispose de quatre antennes, à Awans, Flémalle, Fléron et Seraing. Entre 1.500 et 2.000 familles, soit quelque 6000 bénéficiaires au total, s’attacheraient ses services.

Marie-Claire Mvumbi, qui assure la gestion journalière du collectif, en est également la présidente. Outre elle-même, le conseil d’administration ne compte que deux autres membres, son frère et sa soeur.

Dès lors qu’il ne bénéficie pas de subsides publics, Cofamon ne vit que des dons, financiers ou en nature, que lui font les entreprises et les particuliers. Les membres du Collectif sont également invités à lui verser une cotisation de 10 euros «sur base volontaire, pour tout service qui génère un coût», précise Marie-Claire Mvumbi. Il n’est pas possible d’en savoir plus sur les comptes de l’association: depuis sa création officielle, en 2021, aucun compte n’a été déposé auprès du tribunal de l’entreprise à Liège. «Nous devons encore le faire pour 2022 et 2023», confirme la présidente. Ce constat prévaut, il est vrai, pour beaucoup d’asbl. Mais cette absence de transparence financière a créé quelques remous au sein de Cofamon, ces derniers mois.

Ainsi, en janvier dernier, la livraison de colis alimentaires pour les familles membres de l’association a été brutalement interrompue. Selon les informations recueillies par Le Vif, plus aucun représentant de Cofamon ne s’est présenté à la Banque alimentaire de Liège pendant quelques semaines pour y réceptionner les caisses préparées en amont. Questionnée sur le sujet, la présidente a d’abord assuré que la distribution de colis n’avait jamais été suspendue, avant d’indiquer qu’elle l’avait bien été pendant une courte période. «A l’époque, j’ai failli tout arrêter en raison de tensions en interne», dit-elle. La livraison des colis a repris en février.

Dans un long post publié en janvier sur Facebook, la directrice de Cofamon avait pourtant confirmé et justifié la fin de la distribution de colis par l’impossibilité pour elle de contracter une assurance couvrant chacun de ses bénévoles: cette police d’assurance aurait été impayable vu le nombre de volontaires à assurer, affirmait-elle sur ce réseau social. «Mais tout le monde savait qu’il n’était pas couvert et acceptait de venir donner un coup de main en toute connaissance de cause.» Or cette assurance en responsabilité civile est légalement obligatoire, en vertu de la loi du 3 juillet 2005, pour couvrir les risques liés au volontariat. Et selon les coups de sonde effectués par Le Vif dans plusieurs compagnies d’assurance, le montant d’une telle police n’est pas fonction du nombre de bénévoles à couvrir.

Cette absence d’assurance constituait d’ailleurs l’une des critiques formulées par certains membres du Collectif, qui en ont depuis lors été exclus. C’est, de son propre aveu, le seul de leurs reproches que Marie-Claire Mvumbi estimait fondé. Six mois plus tard, les bénévoles de Cofamon ne sont toujours pas couverts. «Une compagnie d’assurances a été contactée et un dossier est en voie de constitution», assure Marie-Claire Mvumbi, interrogée par Le Vif.

L’interruption de la livraison de ces colis est aussi intervenue après qu’une plainte pour harcèlement a été déposée entre les mains de la police liégeoise. Cette plainte, que Le Vif a pu consulter, évoque «des malversations» ainsi qu’un manque de transparence dans la gestion des comptes de Cofamon.

Les 10 euros payés par les familles doivent ainsi impérativement l’être en cash, comme on peut le lire dans les consignes transmises par Marie-Claire Mvumbi, sur Facebook toujours: «Pas de cash, pas de colis. (…) Zéro exception pour personne.»

Il n’est pas interdit, indique la Banque alimentaire, de demander une petite contribution aux familles qui bénéficient des colis. Habituellement, cette contribution ne dépasse pas 5 euros. «Cette cotisation n’est pas une contrepartie à la livraison des colis, assure Marie-Claire Mvumbi: elle permet de payer le loyer, les charges, les frais bancaires, le nettoyage, les assurances obligatoires, le lobbying politique exercé, etc. Elle permet aussi de fabriquer des tee-shirts au nom du collectif, par exemple. Il faut bien que l’argent vienne de quelque part.» En l’absence de toute comptabilité transmise au tribunal de l’entreprise, il est impossible de prendre connaissance des recettes et dépenses de l’asbl.

Les familles membres de Cofamon sont également «invitées à comprendre que leur aide bénévole est nécessaire au fonctionnement du collectif.»

Selon les informations publiées sur la page Facebook de Cofamon, une nouvelle présidence devrait être prochainement nommée pour le Collectif, dont les activités ne s’arrêteront pas. Mais «il est difficile de trouver quelqu’un qui a une vue générale sur l’ensemble des activités de Cofamon, insiste Marie-Claire Mvumbi, qui répète que le but est bien pour elle de faire un pas de côté. Je n’ai reçu que deux candidatures à ce jour. Il faudra du temps pour dénicher le candidat idéal.»

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