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Coaching de vie, la belle arnaque ? « Quelqu’un qui a surmonté une difficulté s’imagine qu’elle peut servir de modèle »

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Coach de vie, coach mental, coach professionnel… Ils sont de plus en plus nombreux à proposer du coaching. Leur travail s’avère souvent bénéfique, mais ce n’est pas toujours le cas.

L’exercice prend quelques secondes à peine et permet de jauger la diversité de l’offre. Ouvrir un moteur de recherche et se mettre en quête d’un coach dans sa région, c’est voir apparaître une myriade de noms, de disciplines et de méthodes. Des coachs sportifs, peut-être, mais aussi des coachs professionnels, des coachs en développement personnel, des coachs de vie, des coachs scolaires, en nutrition, mentaux, artistiques, en cabinet ou à distance. Du coaching individuel ou collectif et sans doute aussi quelques formations pour devenir soi-même coach, avec certification à la clé.

A l’arrivée, il s’avère difficile de saisir les contours précis de ce qu’est le coaching, qui englobe nombre de pratiques, mises en œuvre avec plus ou moins de sérieux. Surtout, le titre est potentiellement accessible au premier venu: apposer un écriteau sur sa façade suffit pour pouvoir se présenter comme coach spécialisé en ceci ou en cela. L’absence de cadre légal ou de reconnaissance de titre contrarie d’ailleurs les tenants d’un coaching professionnalisé. Il faudrait des normes, une définition, éventuellement une appellation officielle, qui font défaut aujourd’hui.

Par le bouche-à-oreille ou sur les réseaux sociaux, les témoignages de clients satisfaits fleurissent. De temps à autre, les récits sont moins reluisants: arnaques, emprise, abus de pouvoir ou prise en charge inadaptée de troubles de la santé mentale peuvent aussi survenir.

De quoi parle-t-on? Il faut se résoudre à accepter une certaine complexité. Chacun se fait une idée de ce qu’est un coach sportif ou un coach vocal. C’est moins évident lorsqu’on aborde la sphère professionnelle, encore moins la vie tout court, sur lesquelles porte ce qu’on appelle souvent «le coaching», de façon générique.

On pourrait être tenté de rapprocher la discipline du développement personnel, mais dont la définition n’est guère plus claire et qui fait aussi l’objet de critiques: approches pseudoscientifiques, manque de cadre, etc.

Que font-ils?

La mission d’un coach consiste à accompagner une personne ou un groupe qui cherche à évoluer, améliorer une compétence ou encore son mode de fonctionnement. On parlera d’objectifs atteignables, réalistes, définis dans le temps, pour lesquels les solutions devront émaner du client. Le coach est censé favoriser l’émergence de questionnements, de réflexions et bien entendu d’actions. Il aide à définir et atteindre l’objectif, sans tracer un chemin prédéfini.

C’est suffisamment vague pour qu’on puisse y mettre des contenus bien différents. Dans le cadre d’un coaching professionnel, il pourra s’agir de développer ses facultés de gestion d’équipe, améliorer les relations entre collègues, aborder une réorientation ou élaborer une stratégie. Le coaching de vie s’attachera plutôt à des objectifs tels que la gestion du stress ou du temps, la confiance en soi, la prise de parole en public, surmonter une peur, l’amélioration de sa communication, l’apprentissage du lâcher-prise, le développement de son assertivité, voire la perte de poids. C’est parfois un peu plus abstrait: se reconnecter à soi, mieux se connaître, etc.

De prime abord, ces diverses démarches devraient être inoffensives et même bénéfiques. Mais tous les coachs ne sont pas aptes à se saisir de ces thématiques, du moins pas toutes, ni avec tout le monde. Fin juin, un article du Het Laatste Nieuws évaluait entre trente mille et quarante mille le nombre de coachs en Belgique en 2021, un nombre qui aurait plus que doublé entre-temps. Parmi eux, il y a forcément à boire et à manger.

Le coaching dans l’air du temps

Il n’est pas rare que des professionnels de la santé mentale expriment des inquiétudes, d’autant plus lorsque le travail des coachs porte sur des thématiques d’ordre psychologique. «Moi-même, j’ai constaté que si je me présentais en tant que coach professionnelle, cela passait parfois mieux», constate Catherine Choque, psychologue clinicienne et ancienne présidente de l’Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones et germanophones (UPPCF). Certains clichés ont la vie dure. «La psychologie fait encore peur à certains, ce serait pour les fous, les malades mentaux», là où le coaching peut jouir d’une image plus positive. «Je n’ai pas envie de faire une thérapie, donc je vais voir un coach…»

© belga image

Des contrevérités circulent, y compris parmi certains coachs: en psychologie, il s’agirait de soigner les souffrances des gens en se plongeant dans leur passé, alors que le coaching partirait du présent pour s’orienter vers des solutions. Il s’agit sans doute d’une généralisation un peu grossière autour de la seule psychanalyse. «Moi, quand j’entends ce genre d’inepties, je m’insurge. C’est du mensonge, dénonce Catherine Choque. Excusez-moi si je semble un peu provocatrice mais dans bien des cas, un coach dit “de vie” serait quelqu’un qui a voulu devenir psychologue sans longue formation, mais en osant demander quand même beaucoup d’argent.»

L’absence de cadre, une fois encore, est au cœur du problème. «Il n’y a aucune reconnaissance, aucun garde-fou, aucune mesure disciplinaire. Les psychologues, eux, ont leur conseil disciplinaire» et un cursus solide pour accéder à la profession. «Nous avons étudié les pathologies et les troubles. Un psychologue ou un psychiatre a une grille d’analyse, doit connaître ses limites, solliciter éventuellement l’expertise d’autres professionnels. C’est cela aussi, l’approche scientifique.»

Il y a également, dans le succès d’un certain type de coaching, quelque chose qui s’explique par l’air du temps. C’est ce que la Miviludes, organisme français chargé d’analyser la menace sectaire, qualifiait dans son dernier rapport d’activité de «marchandisation de l’épanouissement personnel». Alors que l’époque est troublée, un business s’est développé autour du bien-être, de l’accession à «un idéal de soi». Avec cette idée dangereuse selon laquelle chacun disposerait des clés de son propre bonheur.

De belles promesses, des solutions miracles, l’agitation de concepts d’apparence scientifique, ou l’autodésignation d’une personnalité un peu charismatique comme un modèle à suivre peuvent conduire à des situations d’emprise. C’est le scénario du pire, mais la tendance est réelle et inquiète les analystes des dérives sectaires.

Coaching syndrome du sauveur

Les formations et certifications en coaching, elles, sont de toute nature, des plus rigoureuses aux plus fantaisistes. «Si vous avez suivi une formation de deux semaines, cela vous autorise peut-être à devenir un coach, mais vous ne serez vraiment pas du tout outillé pour accompagner une décompensation, par exemple», s’inquiète Catherine Choque.

Or, il n’est guère compliqué de trouver des coachs pour se faire accompagner à la suite de troubles mentaux ou – grand classique – d’un burnout professionnel, sans qu’il y ait une grande transparence sur la formation et les compétences. «On parle aussi beaucoup de burnout parental. Là, je dis qu’il faut faire d’autant plus attention que cela implique une famille, donc des enfants ou des ados.»

Il ne s’agit pas, précise Catherine Choque, d’être corporatiste à l’excès. Les approches peuvent même être complémentaires. «Dans le cas d’un burnout, un coach professionnel pourra être intéressant au début, lors de la phase d’information, ou au moment d’aborder la réintégration», mais pas dans la prise en charge du burnout en tant que tel.

Des coachs inaptes à exercer se trouvent partout, sans qu’on puisse mesurer l’ampleur de la problématique. «Certaines personnes savent très bien se vendre» et ont flairé le bon filon, illustre Elsa Guillier, elle-même psychologue et coach de vie, délivrant des formations certifiées par l’UCLouvain. Cela ne signifie pas forcément qu’ils sont de mauvais coachs, mais le risque existe. «Certains ont ce qu’on appelle le syndrome du sauveur», comme un besoin d’exister en voulant venir en aide aux autres. D’autres ont cette impression d’avoir découvert la panacée. «Ou alors une personne a elle-même surmonté une difficulté et s’imagine qu’elle pourra servir de modèle et fournir ses bons conseils», ce qui n’est en principe pas du coaching.

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Selon Catherine Choque, une bonne part des coachs de vie se situent dans le champ d’action des psychologues cliniciens, sans toujours être armés. «D’aucuns pensent être les seuls à utiliser certains outils, qui sont en réalité bien connus des psychologues.»

Peut-on dès lors tracer une ligne de démarcation nette entre la psychologie et le coaching, même lorsqu’il est bien pratiqué? Difficilement, en réalité. La formation, les garde-fous et l’approche scientifique peuvent constituer des indicateurs. «On est dans le registre de l’humain, avec une part de subjectivité, reconnaît Catherine Choque. Les deux se situent dans une posture d’accompagnement. Le degré de souffrance doit sans doute être pris en compte.» Entamer un processus de coaching suppose d’être équilibré sur le plan de la santé mentale, sans quoi il faut faire appel à un professionnel dans ce domaine. Mais franchir le seuil d’un psy n’indique pas forcément qu’on est en souffrance, naturellement.

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Quelques conseils

La Miviludes, chargée d’analyser les dérives sectaires en France, formule une série de questions utiles avant de s’engager dans une procédure de coaching ou une formation. Il ne s’agit que d’indices susceptibles d’indiquer une dérive, s’ils s’accumulent, mais constituent sans doute un premier filtre intéressant. En voici quelques éléments.

• Sur l’organisme de formation: se fonde-t-il sur des préceptes pseudoscientifiques ou le discours d’un personnage emblématique? Fait-il usage de titres non reconnus? Y dénigre-t-on certains services publics? Les témoignages évoquent-ils des effets extraordinaires impossibles à vérifier et des guérisons systématiques?

• Sur le programme de formation: tous les problèmes sont-ils résolus au moyen d’une méthode présentée comme novatrice et révolutionnaire? Un langage pseudoscientifique est-il utilisé («quantique», «énergétique», «vibratoire», etc.)? Les exigences financières sont-elles disproportionnées? Que valent les diplômes présentés?

• Sur les formateurs: le coach est-il le professionnel adapté à votre problème? Quelle est sa qualification?

• Sur l’attitude du coach: vous qualifie-t-il de spécial ou d’exceptionnel? Critique-t-il votre famille, vos amis ou des services de l’Etat? Etes-vous poussé à suivre une formation, un stage, un séminaire, etc.?

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