Changer son nom de famille sera-t-il bientôt plus facile en Belgique ? Une première étape franchie
La commission de la Justice de la Chambre a adopté mercredi une proposition de loi visant à créer un droit inconditionnel à changer de nom de famille, une fois dans sa vie. Le texte, porté par les députés Ecolo-Groen Claire Hugon et Stefaan Van Hecke, propose de modifier le Code civil pour simplifier la procédure existante et en alléger les coûts.
Un véritable parcours du combattant. C’est en ces termes que l’on pourrait résumer la procédure qui permet de modifier son nom de famille en Belgique. A l’heure actuelle, le changement de patronyme n’est pas acquis comme un droit, mais dépend du bon-vouloir du Roi – à savoir, le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt (Open VLD) – qui peut accorder une « faveur exceptionnelle » au citoyen invoquant des « motifs graves ». Durée de la procédure ? Entre 6 à 12 mois. Coût ? Au minimum 140 euros de droit d’enregistrement, sans compter les frais administratifs.
Pour la députée Claire Hugon (Ecolo), ces démarches complexes et coûteuses ne correspondent plus aux besoins sociétaux actuels. « Depuis deux ans, je suis interpellée par de nombreuses personnes désireuses de modifier leur nom de famille, mais pour qui la procédure actuelle est une vraie désillusion », expose l’écologiste. « Parmi les motifs invoqués, l’on retrouve souvent des faits graves de nature familiale, tels que des violences, des accidents par négligence, des abandons, voire des incestes de la part de la personne dont ces gens portent le nom », détaille la Bruxelloise, qui déplore que la majeure partie de ces cas se soldent par un refus. Car si la loi actuelle stipule que le changement de nom est autorisé pour « motifs graves », ces situations familiales – qui représentent près de 40% des demandes – ne sont pas reprises sur le site du SPF Justice, qui mentionne plutôt des raisons administratives ou de mises en conformité, telles que des naturalisations ou des binationalités.
Pas de place pour les dérives
Face à cette impasse juridique, Claire Hugon et son homologue flamand Stefaan Van Hecke ont déposé en mars une proposition de loi à la Chambre visant à accorder à tout citoyen un droit inconditionnel à changer de patronyme, une fois dans sa vie. « L’objectif est de simplifier la procédure, afin que chaque personne puisse disposer de ce droit et que cela ne soit plus considéré comme une faveur exceptionnelle », insiste la députée fédérale, qui précise que le citoyen aura le choix entre le nom de son père, de sa mère, ou d’une combinaison des deux. « Changer complètement de nom de famille hors de ces possibilités resterait soumis à la procédure actuelle : on n’ouvre pas tout le champ des possibles. »
« Parmi les motifs invoqués, l’on retrouve souvent des faits graves de nature familiale, tels que des violences, des accidents par négligence, des abandons, voire des incestes de la part de la personne dont ces gens portent le nom »
Concrètement, la demande ne serait plus adressée au ministre de la Justice, mais à la commune, à l’instar des changements de prénom. « Notre idée est de faire basculer cette compétence dans les mains de l’officier de l’Etat civil, tout en intégrant certains précautions, précise Claire Hugon. Nous devons nous assurer que le changement de nom n’entraîne pas des dangers en termes de sécurité : la demande ne peut pas émaner d’un individu qui veut échapper à la justice ou à une condamnation quelconque, par exemple. » Si la proposition de loi ne mentionne pas de coût défini, les démarches entreprises auprès de la commune seraient bien meilleures marché et auraient la quasi-certitude d’aboutir, assure encore la députée.
Un momentum?
Pour le groupe Ecolo-Groen, cette proposition se justifie au regard des évolutions sociétales, à l’heure où la tradition de transmission du nom du mari a presque disparu. « Le principe de fixité du nom de famille a pu avoir ses raisons pendant longtemps, mais il n’est plus aussi prégnant aujourd’hui dans la société, souligne Claire Hugon. Il est temps de moderniser la procédure ». Ce texte s’inscrit également dans la continuité de la loi mise en œuvre le 1er juillet 2014, qui permet aux parents d’octroyer à leur nouveau-né le nom du père, de la mère ou une combinaison des deux dans l’ordre de leur choix. « Cela nous parait cohérent qu’à partir du moment où les parents ont un large champ de possibilités pour déterminer le nom de famille, on octroie également ce choix aux enfants », poursuit la Bruxelloise.
Alors que deux propositions de loi similaires sont restées lettres mortes au fédéral en 2006 et 2008, la France, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni ont récemment franchi le cap. « Au vu des changements qui s’opèrent dans nos pays voisins, nous pensons que le moment est venu de remettre le sujet sur la table », insistait Claire Hugon en mai dernier.
Le texte, amendé à plusieurs reprises, a été adopté par les députés de la Commission de la Justice, mercredi. Il peut désormais être inscrit à l’ordre du jour de la plénière.
En 2022, pas moins de 1.120 personnes ont entamé les démarche pour changer de nom de famille. Un nombre qui a presque doublé depuis 2006.
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