Changer de nom de famille en Belgique, comment et pour quoi faire?
Le 1er juillet 2024, les procédures pour changer de nom de famille ont été considérablement simplifiées en Belgique. Nombreux sont ceux qui en ont profité pour réaliser un projet qui leur tenait à cœur.
La nouvelle législation, adoptée en décembre dernier et entrée en vigueur le 1er juillet suite à une proposition de loi déposée par des députés Ecolo-Groen, a redistribué les cartes: changer de nom de famille est désormais un droit inconditionnel pour tous les citoyens belges de plus de 18 ans. Fini les procédures laborieuses et les délais interminables, qui rendaient pour beaucoup la démarche décourageante.
La loi «One Shot»: de parcours du combattant à simple formalité
Clara avait 15 ans lorsqu’elle a introduit sa demande pour modifier son nom de famille. N’entretenant plus de liens avec son père depuis l’âge de 3 ans, elle souhaitait porter et revendiquer le nom de sa mère. Avec l’autorisation de cette dernière, elle a pu introduire une demande au tribunal de Charleroi en 2022: «Une année s’est écoulée entre le dépôt du dossier et la décision qui, heureusement, a été positive.»
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2024, c’était effectivement le SPF Justice qui traitait les demandes et les transmettait au ministre, lequel accordait ou non le changement et, le cas échéant, l’actait par arrêté royal avant publication au Moniteur. Une procédure intimidante qui exigeait de motiver le souhait de changement de nom et qui coûtait 140 euros, que la décision soit positive ou négative.
En 2023, sur 1.400 dossiers introduits, 1.152 Belges ont pu modifier leur nom de famille.
Grâce à la loi dite «One Shot», chaque citoyen belge a désormais le droit inconditionnel, une fois dans sa vie, d’introduire une demande pour changer son nom de famille au service d’état civil de sa commune. Bien que la démarche puisse être gratuite, le coût varie selon la commune: à titre d’exemple, la prise en charge du dossier est gratuite à Charleroi, coûte 50 euros à Saint-Gilles et 140 euros à Namur. En revanche, plus aucune justification n’est nécessaire, il n’y a plus de risque de voir la demande refusée, et le délai de traitement ne dépasse pas les 30 jours.
Pour Abigail, étudiante de 23 ans qui porte en elle depuis longtemps l’envie de changer de nom de famille, cette réforme a été décisive: «Quand j’ai pris connaissance des nouvelles règles simplifiées, ça m’a motivée à entreprendre les démarches au plus vite.»
L’importance symbolique du nom de famille
Dans les seules communes de Charleroi et de Namur, ce sont plus de 300 demandes qui ont été enregistrées depuis le mois de juillet, et des centaines d’autres rendez-vous prévus dans les prochains mois. A titre de comparaison, en 2023 dans toute la Belgique francophone, le SPF Justice avait reçu 547 demandes. Preuve que la nouvelle loi répond efficacement à une demande de la population, refrénée dans ses envies par la complexité de l’ancienne procédure. «Pour être honnête, je n’aurais pas envisagé d’entreprendre les démarches avant le changement de réglementation», avoue Axelle, étudiante de 23 ans. Pour elle, qui souhaite ajouter le nom de famille de sa mère à son patronyme actuel, il était important de «pouvoir porter le nom de la famille qui m’a entourée toute ma vie».
De son côté, Abigail a toujours trouvé «bizarre de ne pas porter le nom de [sa] mère, de ne pas partager de nom avec [ses] cousins». Elle aussi, c’est l’annonce de la nouvelle loi qui l’a motivée. Binationale, l’ajout du nom de sa mère à celui qu’elle porte actuellement lui permet aussi de représenter «les deux facettes de cette identité».
Mais si pour de nombreuses personnes, cette démarche permet de revendiquer une appartenance multiple, pour d’autres, elle permet de s’émanciper d’un passé parfois douloureux. Selon la Ligue des Familles, environ 40% des personnes qui introduisent une demande ont été victimes d’abandon ou de faute grave par le parent dont elles portent le nom. «C’est vraiment symbolique, pour moi, de ne plus porter le nom d’une personne que je ne connais pas, confie Clara, qui a substitué le nom de famille de son père pour celui de sa mère. Je me sens bien mieux aujourd’hui avec le nom de famille de ma mère.»
En outre, cette loi s’inscrit dans la continuité des évolutions de 2014 sur la transmission du nom de famille. Tandis que l’enfant, jusqu’en 2014, héritait automatiquement du nom de son père, il reçoit désormais, par défaut, les noms de ses deux parents. Les parents ont ainsi le choix du nom de famille à transmettre, et la loi One Shot apporte aux enfants devenus majeurs la possibilité de revoir ce choix.
«Cette nouvelle loi aide aussi à créer des liens civils qui manquent dans certaines fratries, entre des demi-frères et des demi-sœurs, par exemple, ou dans des fratries recomposées», ajoute Jennifer Sevrin, chargée d’études à la Ligue des Familles. Pour elle, «ces avancées reflètent une évolution de la société, et représentent un pas en direction d’une véritable égalité entre le père et la mère».
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