Juliette Debruxelles

Breath play: « Se priver de respirer pour jouir n’est pas la meilleure des idées » (chronique)

Etranglements, bouche entravée, port de masque à gaz… Des pratiques «à la limite» qui excitent les adeptes du sexe étouffant.

On ne parle pas ici du partenaire qui se la joue badass en serrant délicatement la gorge de la personne qui partage son orgasme, mais bien d’une pratique BDSM répandue.

Le breath play (ou choking, rien à voir avec l’expression scandalisée ni avec son orthographe, mais tout de même…), dit «asphyxie érotique», consiste à priver d’oxygène la personne consentante par tous les moyens à disposition. Sac plastique, strangulation, compressions, rouleaux de scotch, papier bulle, solvants volatils, masques en latex, liens… l’imagination est inépuisable lorsqu’il s’agit d’inventer de quoi frôler la suffocation. Bourdonnement, battements désespérés des artères, visions, vertiges, syncopes… L’objectif, bien entendu, est d’en tirer un plaisir sexuel accru dû à l’hypoxie cérébrale provoquée.

Se priver de respirer pour jouir n’est pas la meilleure des idées.

A l’origine de la romantisation de ce fétichisme, une fake news: les personnes décédées par pendaison développeraient une incroyable érection qui perdurerait même bien après l’éjaculation. Une imagerie glauque et sordide qui pourtant perdure.

Ce n’était jusqu’ici pas tellement marrant, mais ça l’est encore moins quand interviennent de tragiques accidents. La pratique réclame une surveillance accrue, un cadre sécurisant et sécurisé, des adeptes conscients, responsables et capables de bons réflexes en cas d’accident. Si chez nous la chose est passée sous silence, aux Etats-Unis, elle nécessite un comptage des décès accidentels (de cinq cents à mille chaque année, selon les sources).

Le suprême chic: l’asphyxie auto-érotique. Même si ses adeptes rivalisent d’imagination pour se libérer des systèmes complexes qu’ils ont eux-mêmes inventés (suspension, chaînes d’étranglement avec dispositifs de sécurité…), le danger est réel. C’est ainsi que la littérature répertorie des découvertes de scènes qui ajoutent au traumatisme des proches. Retrouver papy mort dans son lit n’est déjà pas plaisant. Mais s’il est en plus affublé d’une perruque de strip-teaseuse, la bouche remplie de balles de ping-pong retenues fermement par un bas nylon, une pince à linge sur le nez et l’anus obstrué par un bibelot… ça peut traumatiser la famille sur quelques générations.

Et quand Internet s’en mêle-t-il pour faire de cette pratique confidentielle une tendance suivie par de plus en plus de gens? Maintenant!

Sur les sites de diffusion de contenus porno, les mots clés cités plus haut deviennent récurrents: #choking #breathplay. Visionner des personnes en train de s’étouffer lors de scènes de sexe prétendument banales ne fait qu’augmenter le curseur de la prise de risque. Au même titre que les préliminaires, le baiser profond, la fellation ou le cunnilingus, l’étranglement pourrait rejoindre la check-list des indispensables. Sauf que l’inconnu hyperchaud rencontré sur Tinder n’aura peut-être pas la délicatesse d’une dentellière lorsqu’il entortillera le drap autour d’une gorge offerte. Et difficile, en cas de drame, de prouver qu’il s’agit d’un accident et d’une pratique consentie – voir réclamée – par la victime. «Un jeu sexuel qui aurait mal tourné» titrera alors la presse.

Respirer est la première fonction vitale. S’en priver pour jouir n’est donc peut-être pas la meilleure des idées. CQFD.

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

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