Bientôt un numéro vert pour les victimes de harcèlement et de violence en politique ?
Le groupe Ecolo-Groen veut mettre en place une ligne de signalement et d’assistance téléphonique pour les victimes de comportements abusifs en politique. L’objectif est d’offrir un meilleur soutien aux mandataires ou à leurs collaborateurs, qui ne sont pas protégés par la loi sur le bien-être au travail.
Le temps est venu d’un #MeTooPolitique en Belgique ». Fin novembre, dans une carte blanche publiée dans Le Soir et De Standaard, un collectif de plus de 120 élues et collaboratrices dénonçaient les violences sexuelles, sexistes et psychologiques dans le monde politique belge, appelant à briser l’omerta et à y apporter une « réponse structurelle ».
Six mois plus tard, le groupe Ecolo-Groen veut voir cet appel se concrétiser. Les députées fédérales écologistes Séverine de Laveleye et Claire Hugon ont déposé une proposition de loi à la Chambre visant à mettre en place un numéro vert pour les mandataires politiques victimes de comportements abusifs. Concrètement, cette ligne de signalement et d’assistance téléphonique doit permettre de leur offrir un meilleur accompagnement et un éventuel aiguillage vers d’autres services compétents.
Combler un « vide juridique »
« D’expérience, on s’est rendu compte que les mandataires sont très isolés quand ils sont confrontés à ce type d’abus », détaille Séverine de Laveleye. En effet, contrairement aux employés et fonctionnaires, les titulaires de mandats politiques ne sont pas protégés par la loi relative au bien-être des travailleurs dans l’exercice de leurs fonctions (loi du 4 août 1996), qui punit les violences ainsi que le harcèlement moral et sexuel sur le lieu de travail. Les députées écologistes souhaitent combler ce « vide juridique » et mieux outiller les victimes de comportements abusifs, que ce soit dans leur vie active ou sur les réseaux sociaux. « Nous ne voulons pas d’un traitement spécial pour les politiques, loin s’en faut. Nous voulons simplement obtenir le même niveau d’information et de protection dont bénéficie tous les autres travailleurs », précise encore Sévérine de Laveleye.
« Il y a effectivement un déficit certain au niveau de la protection des mandataires politiques au sein de leur institution, concède Caroline Sägesser, chercheuse au Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP). Mais je m’interroge toutefois sur l’efficacité d’une seule et unique ligne de signalement pour l’ensemble du personnel politique en Belgique. Cette question devrait plutôt être traitée instance par instance. Désigner une personne ressource ou mettre sur pied des services compétents dans chaque parlement ou chaque conseil communal, par exemple, me semblerait plus efficace pour répondre concrètement au problème ».
Pour Séverine de Laveleye, cette ligne unique a justement son importance en termes d’accessibilité. « Un ministre ne dépend pas d’une assemblée et pourrait ne pas bénéficier de l’aide proposée, par exemple. Nous voulons centraliser au maximum les signalements, afin de développer une grande expertise dans nos réponses. L’objectif est également de préparer un rapport annuel indépendant sur le type de comportements abusifs qui ont été relayés. »
« Les mandataires ne sont pas au-dessus des lois »
Ce numéro vert serait également accessible à toute personne qui, dans le cadre de son travail, est confrontée à un comportement abusif de la part d’un mandataire politique. « On peut penser aux assistants ou collaborateurs parlementaires qui ne sont pas sous l’autorité du mandataire concerné, aux services d’appui, … Il n’existe pas de soutien clair pour eux aujourd’hui, et cela doit changer », insiste Séverine de Laveleye, qui voit en cette disposition un signal de responsabilisation envoyé aux politiques. « Les mandataires ne sont pas au-dessus des lois. Ils doivent être exemplaires et doivent pouvoir répondre de leur comportement ».
La proposition de loi devrait être débattue à la Chambre dans les prochaines semaines, au plus tard à la rentrée. Les députées écologistes se disent « optimistes » sur les chances de voir le texte aboutir sous cette législature. « Toutes les familles politiques sont conscientes de ce type de violences et du manque de réponses concrètes, observe Séverine de Laveleye. Je serais étonnée que nos partenaires ne saisissent pas l’opportunité d’avancer sur le sujet. »
« On n’en est qu’au stade de proposition de loi, donc on est encore loin d’obtenir un accord, nuance Caroline Sägesser. Mais quoi qu’il en soit, le texte a le mérite d’ouvrir un débat. Cela fait plusieurs décennies que les femmes sont arrivées dans la vie politique, mais on a l’impression que ce monde reste particulièrement marqué par des attitudes sexistes. Le sujet est important et s’inscrit dans une tendance générale de libération de la parole. »
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