Bientôt des camions électriques ? Pourquoi la route est encore longue
L’Union européenne veut verdir le secteur des poids lourds mais tout est encore à faire. Deux fois plus chers, l’autonomie des camions électriques ne permet pas de remplacer ceux qui tournent au diesel. Les investissements dans des stations de recharge sont très attendus.
Le succès des voitures électriques n’est plus à prouver. En 2022, les ventes ont atteint un nouveau record : 12,9% des voitures neuves achetées dans l’Union européenne étaient électriques. Cette technologie verte convainc pour l’usage privé mais est-elle exploitable pour de plus gros gabarits? Selon les chiffres de l’UE, les poids lourds (camions, bus, cars) génèrent plus de 6% des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union européenne, et un quart des émissions du secteur routier. Après les voitures, il est donc logique que la Commission se penche sur le cas des poids lourds pour rentrer dans les objectifs de son Green New Deal, qui vise la neutralité carbone de l’Union européenne pour 2050. Pour ce faire, la Commission a mis en place des objectifs par paliers afin de réduire les émissions des poids lourds de 90% en 2040. Cette proposition, qui nécéssite encore une évalutation du Parlement, repose surtout sur l’expansion des camions électriques.
Des batteries encore décevantes
Le premier réflexe quand on parle de véhicules électriques, c’est de comparer les prix. Les camions électriques ne font pas exception à la règle : ils coûtent deux fois plus qu’un véhicule à moteur thermique. Les camions à hydrogène : cinq fois plus. Il n’y a aucune aide financière à Bruxelles et en Wallonie pour leur achat. En Flandre, les acquéreurs bénéficient de la prime écologie +, qui est considérée par beaucoup comme insuffisante.
Pour un patron d’une société de transport liégeoise, ce n’est pas tant le coût des camions électriques qui pose problème, il y voit d’ailleurs beaucoup d’avantages. « Ils sont hyper coupleux, les camions électriques tirent super bien, ils sont très silencieux, n’émettent pas de gaz. Au niveau des coûts de carburant, c’est bien moins cher (en tout cas pour l’instant), ils demandent moins d’entretien : pas de vidanges, pas de filtres à remplacer, moins de pièces mécaniques qui peuvent casser… J’aimerais bien rouler à l’électrique mais, actuellement, il n’y a aucun véhicule qui répond à mon cahier de charge » déplore le chef d’entreprise. « Si je pouvais diminuer mes coûts au niveau carburant, je le ferais… Mes camions roulent entre 400 et 700 km par jours, des distances impossible à couvrir avec de l’électrique. » Les batteries électriques ne concurrencent pas du tout avec l’autonomie des moteurs à combustion.
D’après Isabelle De Maegt, responsable du service information de Febetra, la Fédération de transporteurs belges, « le rayon d’action des camions électriques est encore limité, avec des batteries pouvant rouler 200 à 300 kilomètre. Aussi, comme le prix est encore beaucoup plus haut qu’un camion diesel, il faut que le client soit disposé à payer plus cher pour ses livraisons. »
Ces camions se rendent surtout utiles pour les livraisons urbaines, sur de plus petites distances avec de nombreux arrêts, le transport de passagers dans les villes, ainsi que pour la collecte de déchets. Coca-Cola a d’ailleurs récemment acheté 30 camions 100% électriques pour ses livraisons dans des villes belges.
Le transporteur liégeois indique que certains camions possèdent des batteries avec plus d’autonomie, mais elles ne se révèlent toujours pas suffisantes pour de longues distances. « Certains projets promettent 600 kilomètres d’autonomie, ce qui pourrait convenir pour remplacer mes camions qui font les navettes pour Jupiler. Leurs prix restent abordables vis-à-vis des économies en carburant qu’ils permettent : mes camions consomment 900 litres de gas-oil par semaine… Le souci, c’est que 600 kilomètres, cela ne laisse pas assez de marge. Il suffit qu’une autoroute soit fermée, qu’ils doivent faire une déviation sur une autre autoroute pour que l’autonomie soit atteinte. »
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Pas de quoi recharger
Isabelle de Maegt (Febetra) pointe du doigt un autre problème : celui de la recharge. « Contrairement aux voitures électriques, il faut souvent une cabine haute tension pour charger les camions. Et c’est si on recharge les camions électriques quand ils sont de retour à la société… Si on veut les charger en cours de route, il n’y a pas encore d’infrastructure. ». Le transporteur liégeois confirme : « On ne peut pas ramener son groupe électrogène et charger son camion pendant quinze heures sur la bande d’arrêt d’urgence. »
Un des principaux problèmes des camions électriques, outre leur autonomie décevante, c’est que leur recharge est trop lente. D’après le patron liégeois, c’est la raison pour laquelle l’électriques est incompatible avec les poids lourds : « Nous avons des horaires obligatoires à respecter avec nos camions, on ne peut pas rouler autant que l’on veut. Un chauffeur ne peut pas être dans son camion plus de dix heures par jour, ces recharges lentes risquent de poser des problèmes à ce niveau-là, pour les horaires de livraison. »
Quelles sont les autres alternatives au diesel ?
Outre l’électrique, la Commission européenne envisage l’hydrogène et les carburants de synthèses. Des solutions qui permettent de pouvoir ravitailler rapidement les camions. Le gaz naturel liquéfié (GNL) était envisagé comme option mais une étude de l’ONG européenne Transport & Environment (T & E) démontre que le GNL émet autant de CO2 que le diesel. Il rejette même plus de gaz toxiques.
A priori, d’après Febetra, les constructeurs pensent à multiplier les sources d’énergie, de sorte à créer un mix entre électrique, hydrogène et carburants de synthèses.
L’ennui, c’est qu’ils posent encore question en termes environnementaux. Leurs sources de production ne sont pas encore renouvelables.
Des tests de camions électriques prometteurs
D’après Isabelle de Maegt, les entreprises qui comptent des camions électriques dans leur flotte sont pour l’instant en phase de test. Des expériences prometteuses ont déjà été réalisées. Le camion électrique de la firme Volvo Trucks a récemment battu le record de distance parcourrue : 3000 kilomètres en une semaine avec le FH Electric. Un trajet qui prend quatre jours avec un camion diesel. Le conducteur a dû définir son itinéraire en fonction des bornes de recharge disponibles, un investissement et une multiplication des infrastructures diminueraient inévitablement le temps de trajet. Tous les yeux sont donc tournés vers les politiques pour ces aménagements nécessaires.
Zoé Leclercq
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