Le système BE-Alert, lancé par le Centre de crise national, est opérationnel en Belgique depuis 2017.

A quoi sert réellement le système BE-Alert ? « Il faudra être plus efficace à l’avenir »

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les Bruxellois n’ont pas reçu de message BE-Alert lors de l’attentat perpétré lundi soir. Un choix assumé par le Centre de crise, qui a privilégié la communication via les canaux traditionnels. Mais alors, dans quelles circonstances utiliser ce système d’alerte ? Les bourgmestres bruxellois exigent de la clarté.

Après l’impuissance et la sidération, vient l’heure de la réflexion. L’attentat perpétré lundi soir à Bruxelles, qui a causé la mort de deux supporters de football suédois, soulève son lot d’interrogations. Outre les failles potentielles dans le chef des services de renseignement, la communication du Centre de Crise national (NCCN) est également pointée du doigt. Avec une question sur toutes les lèvres : pourquoi le système BE-Alert n’a pas été activé pour informer les Bruxellois ?

Opérationnel depuis 2017, BE-Alert est le système utilisé par les autorités pour avertir la population belge en cas d’urgence. Concrètement, un bourgmestre, un gouverneur de province ou le ministère de l’Intérieur peuvent envoyer un message aux citoyens via SMS, e-mail ou appel vocal, pour les informer sur la situation d’urgence et leur indiquer les mesures à suivre pour garantir leur sécurité. Deux cas de figure : soit la communication est adressée uniquement aux citoyens qui sont inscrits à BE-Alert, soit, en cas d’urgence majeure, à tous les citoyens présents physiquement sur les lieux d’un incident donné, qu’ils soient inscrits ou non au service. Le système a par exemple été utilisé dans le cadre de la crise du coronavirus ou des inondations de juillet 2021. Rien qu’en 2023, plus de 580 alertes ont été envoyées sur le territoire belge, dont 31 à Bruxelles, indique le NCCN.

Une mécompréhension de l’outil ?

Alors que le niveau de la menace terroriste a été relevé à 4 dans la capitale et que l’assaillant était toujours en fuite, pourquoi ne pas avoir lancé BE-Alert lundi soir ? « Dès le début de l’activation de la phase fédérale de gestion de crise, on s’est préparés à envoyer un message BE-Alert, débute Antoine Iseux, porte-parole du NCCN. Mais, après discussion avec tous les acteurs rassemblés – politiques, renseignements, police – il a été décidé de privilégier une communication de masse, via les médias traditionnels et nos canaux habituels de diffusion. »

Le NCCN a d’abord voulu éviter un « effet contre-productif » du système. L’envoi d’1,2 million de SMS d’alerte aurait pu susciter de l’inquiétude dans le chef de la population, et, in fine, complexifier la gestion de la crise. « Cela aurait pu entraîner une surcharge d’appels vers le 112, une saturation du réseau téléphonique global et l’émergence de rumeurs ou de mouvements de panique », détaille Antoine Iseux.

Le NCCN a également estimé qu’il n’y avait pas de consignes urgentes à adresser à la population, si ce n’est d’être « vigilant ». « BE-Alert n’envoie pas de message automatique dès qu’il y a une crise. Le système n’a pas pour but premier d’informer qu’il se passe quelque chose, mais bien de transmettre des directives pour assurer la sécurité des personnes concernées par un incident, rappelle Antoine Iseux. Dans le cas présent, il n’y avait pas d’ordres précis à donner, tel qu’un appel à évacuer, par exemple. Comme l’incident s’est déroulé en soirée, une grande majorité des Bruxellois étaient déjà chez eux, ce qui limitait aussi les risques. »

Vers l’élaboration de protocoles?

Des explications qui peinent à convaincre les pouvoirs locaux. « Le Premier ministre a quand même appelé les Bruxellois à limiter leurs déplacements, objecte le bourgmestre de Woluwe-Saint Pierre, Benoît Cerexhe (Les Engagés). Alors pourquoi ne pas l’avoir fait via Be Alert ? Je sais que la gestion de crise n’est pas simple, mais on avait à notre disposition un outil efficace, qui aurait permis aux citoyens qui n’étaient pas chez eux d’avoir directement accès à l’information via un SMS. » Et d’insister : « Le fédéral essaie de faire la promotion de BE-Alert, et je fais de même sur mon territoire en invitant les habitants de Woluwe-Saint-Pierre à s’y inscrire… Mais encore faut-il qu’il soit utilisé. »

Un avis partagé par le bourgmestre d’Etterbeek, Vincent De Wolf (MR), qui mis le point à l’agenda de la conférence des bourgmestres bruxellois, mercredi. « Je ne suis pas dans la critique – ce qui est fait est fait – mais mon but est simplement d’être préventif, indique le libéral. Il faudra être plus efficace à l’avenir. » Vincent De Wolf appelle à l’élaboration d’un protocole entre les différentes autorités compétentes, qui permette de décréter quand BE-Alert doit être activé ou non. « Force est de constater qu’il y a une hésitation quant à son emploi, donc mieux vaut l’objectiver en listant par exemple toute une série de cas de figures applicables. »

La Haute-Fonctionnaire de l’Agglomération bruxelloise Sophie Lavaux, membre du NCCN, devrait être entendue par la Conférence des bourgmestres début novembre. « D’ici là, elle aura le temps de prendre des contacts pour venir avec des explications et des pistes de solution, estime Vincent De Wolf. Avec un seul objectif : améliorer le fonctionnement de BE-Alert pour le futur. »  

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