Grand Large pool in Mons | Piscine du Grand Large a Mons 05/02/2014 © BELGAIMAGE

2 millions de Wallons et Bruxellois sans piscine dans leur commune: doivent-ils payer plus cher pour se baigner ailleurs? (carte interactive)

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

En Wallonie et à Bruxelles, il reste moins de 100 bassins publics accessibles. 44% des citoyens n’ont pas de piscine sur leur sol communal, et paient souvent plus cher ailleurs.

Les chiffres invitent à se mouiller la nuque. Et pourtant, le constat ne date pas d’hier. En 2016, déjà, un plan consistant à rénover le parc des piscines publiques wallonnes est mis à flot. C’est le fameux «Plan Piscines», validé deux ans plus tard par l’octroi de 55 millions d’euros de subsides et de 55 autres millions de prêts à taux zéro. 33 dossiers sont sur la table de la Région wallonne, mais les abandons ne manquent pas en cours de route. A tel point que huit ans après les grandes déclarations, les infrastructures aquatiques du sud du pays sont au bord de la noyade. Les bassins fermés, provisoirement ou définitivement, ont été plus nombreux que les inaugurations. Sur les près de 150 bassins publics répartis entre Bruxelles et la Wallonie, seule un peu plus de la moitié est aujourd’hui opérationnelle, même en prenant en compte les piscines extérieures qui n’ouvrent que lors des périodes estivales.

En cumulant le sud du pays et la capitale, il n’y a aujourd’hui que 87 piscines ouvertes. Pour les près de cinq millions d’habitants qu’englobent ces territoires, le rapport est un naufrage: on compte en moyenne une piscine pour 56.803 habitants. Le dossier est forcément en bonne place sur la pile dont a hérité Jacqueline Galant (MR), nouvelle ministre des Sports et des Infrastructures sportives. Une double casquette inédite, l’une des compétences étant communautaire et l’autre régionale, qui doit aider à mettre un terme à ces fuites dans le réseau des bassins de natation.

Piscine et disparité provinciale

Une plongée détaillée dans les chiffres montre que ces 87 bassins sont répartis sur le territoire de 83 communes. Sur les 281 communes des régions wallonne et bruxelloise, 198 ne comptent donc pas de piscine publique sur leur sol, soit 70% d’entre elles. Si les plus peuplées sont généralement -mais c’est loin d’être systématique- les plus fournies, il reste plus de deux millions d’habitants qui ne comptent pas de piscine au sein de leur commune. Soit 43,9% de la population qui doit franchir les frontières communales pour enfiler le bonnet et les lunettes.

D’une province à l’autre, la situation n’est évidemment pas identique. Avec ses quinze piscines pour hydrater la population la plus basse des entités wallonnes, la Province du Luxembourg offre à ses citoyens une piscine pour 19.676 habitants. Un taux bien différent de ce qu’on constate en région bruxelloise, où le réseau de bassins de baignade publics accessibles se limite à une piscine pour 113.600 habitants (onze piscines). Cependant, dans la capitale, il n’y a «que » 32,5% de la population qui ne bénéficie pas d’un bassin de natation sur son territoire. A ce titre, les habitants bruxellois sont mieux fournis que les «Luxos».

Dans la province la plus au sud du pays, 30 des 44 communes ne comptent pas de piscine, laissant près de la moitié (47%) de la population provinciale sans piscine sur son sol communal. Seules les provinces de Namur (53% des habitants sans piscine communale) et du Brabant Wallon (61%) font «pire» en matière de service à leurs citoyens. Comme un symbole, le chef-lieu wavrien n’a ainsi pas de piscine à disposition de ses habitants, alors qu’il n’y en a plus qu’une qui peut accueillir les habitants de la capitale wallonne. Avec sept (dans le BW) et neuf (dans le Namurois) piscines publiques ouvertes, les deux provinces sont les mauvais élèves de la région, loin des 26 bassins encore offerts par la province de Liège.

Piscine et taxe communale

Certes, l’ivresse du plongeon se trouve parfois dans une commune voisine. Le problème, c’est qu’une nouvelle tendance s’est dessinée au fond des bassins bruxellois et wallons: souvent, un supplément est demandé aux baigneurs qui ne sont pas issus de la commune où est installée la piscine. C’est le cas dans 60% des bassins recensés lors de nos recherches, et c’est une réalité qui divise les décideurs politiques à l’aube des élections communales tout comme les autorités actuelles.

Souvent, cette taxe supplémentaire est justifiée par le fait que les citoyens d’une commune participent déjà, via l’impôt, à l’entretien et à l’alimentation énergétique des piscines. Les coûts sont importants, se répercutent sur la fiche d’imposition des habitants, et doivent donc leur offrir ce «privilège», aux yeux de certains partis et d’une bonne partie des bourgmestres et collèges communaux. Le problème, c’est que cela pénalise les citoyens qui n’ont pas la chance d’avoir un bassin de natation sur leur sol communal, et que les fermetures qui s’accélèrent rendent ce cas de figure de plus en plus fréquent, tandis que les effets du Plan Piscines sont bien moins spectaculaires que prévu.

Dans plusieurs communes, des alternatives s’organisent donc. Certaines piscines sont désormais gérées en intercommunale, permettant aux habitants de toutes les communes impliquées dans cette gestion de bénéficier du tarif préférentiel mais aussi aux administrations d’alléger les coûts importants générés par l’entretien du bassin. Ailleurs, les écoles ouvrent (souvent timidement) les portes des piscines installées au sein de leur établissement avec des horaires accessibles au grand public en-dehors du temps scolaire.

Tout ça ne suffit pas à remettre l’ensemble des régions wallonne et bruxelloise la tête dans l’eau, mais facilite légèrement l’accès aux grandes profondeurs pour les citoyens du sud du pays et de la capitale. En attendant les quelques (ré)ouvertures subsidiées par un Plan Piscines pour lequel tout ne sera tout de même pas tombé à l’eau.

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