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Mobilité: à Bruxelles, la voiture est devenue indésirable dans le centre-ville. © Belga

1983-2023 : de la « circulation » à la « mobilité », une autre façon de se déplacer en Belgique

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Il y a quarante ans, le mot «mobilité», mis aujourd’hui à toutes les sauces pour regrouper les différentes façons de se déplacer, n’avait pas encore remplacé le terme «circulation», employé surtout pour évoquer les routes et l’automobile. L’expression «mobilité douce», qui s’est invitée dans nos villes, n’est entrée dans le vocabulaire qu’au milieu des années 2000.

Mobilité: une autre façon de se déplacer

Depuis, les pouvoirs publics encouragent plus fermement les moyens de locomotion non motorisés – marche à pied, vélo, trottinettes… – et les transports en commun. Figure de proue de la néomobilité familiale, le vélo-cargo est devenu le segment le plus dynamique de la filière vélo. Le marché atteint des sommets depuis 2020. Le vélo électrique rapide a également le vent en poupe (surtout en Flandre), poussé notamment par le durcissement de la taxation des voitures de société. Plus largement, les bicyclettes électriques, pliables ou non, ont envahi nos rues, tout comme les scooters électriques partagés et les trottinettes électriques en libre-service.

Il y a quatre décennies, il n’existait pas de systèmes d’«autopartage» (car sharing), qui permettent de réserver un véhicule et de payer son utilisation selon la distance et la durée du trajet. Les plateformes communautaires de covoiturage, apparues ces dernières années, rendent les déplacements moins chers, plus verts et conviviaux. Autre nouveauté: les calculateurs d’itinéraire multimodal, qui intègrent les différentes solutions – marche, bus, tram, métro… – pour se rendre d’un point A à un point B. En 1983, l’automobile n’avait pas encore adopté le GPS. Le premier outil embarqué d’aide à la navigation voit le jour au Japon en 1981, mais on est encore loin d’un équipement. Il faudra attendre la fin des années 2000 pour que commence à se généraliser le GPS intégré au tableau de bord de véhicules neufs. De même, les applis mobiles gratuites d’assistance à la navigation, réseaux sociaux qui signalent les bouchons, accidents, radars, policiers etc. ont bouleversé les habitudes de conduite. En revanche, la généralisation du 50 km/h en ville, les zones 30, les aménagements cyclables, les plans de mobilité, les zones basses émissions et la piétonisation des centres urbains inversent la logique des années 1958 à 2008, qui voulait adapter la ville à la voiture.

Le vélo-cargo, fer de lance de la néomobilité. © photonews

Mobilité: vers la saturation automobile?

En 1983, la Belgique comptait 3 262 700 voitures particulières, pour une population de 9 853 000 habitants. Vingt ans plus tard, ce parc grimpait à 4 820 868 unités.

Aujourd’hui, il atteint presque les six millions d’unités, soit près du double d’il y a quarante ans. Les dernières statistiques de Statbel (août 2022) comptabilisent 5 947 479 voitures particulières, dont trois millions à essence (+ 2,3% par rapport à 2021), 2,4 millions diesel (-7,6%), en recul depuis 2012, 375 000 hybrides (+ 45%), 72 000 à l’électricité (+ 75%)… La progression du parc automobile belge a été fulgurante de 1950 (273 599 voitures particulières à cette époque) à 2010 (5 276 283 unités). Puis, la marche en avant de l’automobile a été beaucoup plus lente. Le nombre de voitures particulières a augmenté en moyenne de 0,8% ces dix dernières années.

Cette progression régulière a connu un coup d’arrêt en 2020 (recul de 0,01%), une grande première depuis la Seconde Guerre mondiale, due en partie à la crise sanitaire. Entre août 2021 et août 2022, la hausse a repris, très légère (0,3%). Le ralentissement actuel n’est pas seulement dû aux incertitudes des clients sur le timing du basculement vers l’électromobilité.

Avec près de deux habitants (1,95) par voiture, la Belgique arrive tout doucement à saturation. Les projections prévoient un plafonnement de la mobilité belge ces prochaines années du fait du télétravail, du vieillissement de la population et de l’augmentation du coût moyen des transports. Actuellement, une voiture particulière parcourt, en moyenne, un peu plus de 15 000 kilomètres par an. Cette distance devrait augmenter légèrement jusqu’en 2030, pour ensuite diminuer.

Le succès des vols low cost

Formule importée des Etats-Unis, les vols à bas coûts se sont répandus en Europe à partir de 1997, avec la dérégulation des transports aériens décrétée par la Commission européenne. Grèves du personnel navigant, flambée des prix de l’énergie, enjeu climatique: le low cost a été sérieusement remis en question, mais il connaît un rebond depuis quelques mois.

« Le vélo n’est pas seulement bon pour notre santé et pour le climat, il l’est aussi pour notre portefeuille et l’économie de notre pays. »

Georges Gilkinet (Ecolo), ministre fédéral de la Mobilité, lors de la publication d’une étude de l’institut Vias (septembre 2022) selon laquelle le vélo permet d’éviter près de 1 300 décès prématurés chaque année et d’économiser 138 000 tonnes de CO2.

Bouchons, travaux, retards…: tout n’a pas changé!

La révolution a ses limites. Aujourd’hui comme il y a quarante ans, les automobilistes pestent contre les embouteillages et les travaux routiers, tandis que les usagers des transports en commun fulminent contre les retards et annulations de trains ou grèves de bus. Au début des années 1980, les premières voix s’élèvent pour dénoncer le «tout à la voiture», expression qui fait à l’époque son apparition dans les travaux des chercheurs en mobilité urbaine. Quatre décennies plus tard, malgré les mesures d’encouragement aux alternatives à la voiture individuelle, les limites de vitesse contraignantes et la suppression de places de parking, le Belge a toujours un pneu dans le ventre. La voiture représente 82,7% des déplacements et elle ne perdra pas de sitôt cette position ultradominante: le Bureau du plan estime que 82,3% des trajets en 2040 se feront encore en automobile, en dépit d’une légère diminution du transport individuel à partir de 2030. Autre déconvenue: le train suburbain du réseau express régional (RER), dont l’idée remonte aux années 1980 mais dont la mise en service a sans cesse été retardée.

Mobilité: 35 millions de kilomètres évités

Après deux années de pandémie, le «travail hybride», qui allie télétravail et travail en présentiel, est devenu la norme dans de nombreuses entreprises. Qui dit plus de jours de télétravail dit moins de déplacements domicile-travail. L’an dernier, 35 millions de kilomètres ont ainsi été évités quotidiennement (dont quatorze millions en voiture).

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