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Si les Wallons ne sont pas encore tous «positifs» au glyphosate, ils sont en moyenne 90% à être contaminés par divers pesticides. © Getty Images

Pesticides et glyphosate : 90% des Belges sont contaminés

Une étude scientifique sur la contamination des Français aux pesticides fait craindre le pire pour la Wallonie. Près de 99,8% des Français testés aux pesticides sont positifs au glyphosate, un herbicide «probablement cancérogène».

Les résultats dévoilés en France début mars, où plus de 99% des participants présentaient des traces d’herbicides et pesticides au glyphosate dans leurs urines, jettent une ombre inquiétante sur la Wallonie. La substance est classée comme probablement cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer. Les dernières études wallonnes, réalisées en 2020 et 2025 par l’Institut scientifique de Service public (ISSeP) font état d’une contamination généralisée, bien que moins importante que chez nos voisins.

«Nos derniers résultats montrent qu’un tiers des enfants sont contaminés au glyphosate et que 90% d’entre eux le sont par d’autres pesticides. Ces produits n’ont rien à faire dans le corps humain», explique Ingrid Ruthy, chercheuse à l’ISSeP. Pour les adolescents (12-19 ans), le taux de contamination baisse à un quart puis à un cinquième pour les adultes (20-59 ans). Pour les autres pesticides, ils sont présents dans les urines de plus de 90% de l’ensemble des sujets testés.

Dans les échantillons wallons, les concentrations étaient particulièrement préoccupantes chez les adolescents et enfants, davantage exposés que les adultes. Ce constat avait fait bondir certains experts à l’époque, surtout face à la longue persistance de ces molécules dans l’environnement. Des pesticides anciens, pourtant interdits depuis plusieurs décennies, étaient toujours détectés chez un cinquième des participants.

«Nous savons que nous sommes tous porteurs de polluants, qu’ils soient anciens ou actuels», reconnaissait récemment Yves Coppieters (Les Engagés), ministre wallon de la Santé, à l’occasion de la publication des derniers résultats de biomonitoring sur les PFAS et pesticides.

Face à ces taux alarmants, le gouvernement wallon tente aujourd’hui d’affiner la photographie de la situation. Les prochains résultats du biomonitoring, attendus dans les mois à venir, seront particulièrement scrutés pour le glyphosate et autres pesticides. «Si les niveaux restent aussi élevés qu’en 2020, voire s’ils augmentent, cela posera clairement question sur l’efficacité des mesures d’interdiction prises jusqu’ici», confie un scientifique proche du dossier.

Cette fois, les chercheurs élargissent leur spectre. Plus de 80 substances chimiques sont traquées dans le sang et l’urine des participants, parmi lesquelles figurent à nouveau les pesticides, les métaux lourds ou encore les polluants éternels comme les PFAS. L’objectif est d’obtenir une cartographie complète de l’imprégnation chimique des Wallons, enfants et adultes confondus.

Des méthodes de détection des pesticides différentes

Mais pourquoi les chiffres français sont-ils si nettement supérieurs aux chiffres belges? La réponse se trouve en partie dans les méthodes utilisées. En France, les prélèvements réalisés entre 2018 et 2020 s’appuyaient sur une méthode d’analyse baptisée ELISA, réputée pour sa sensibilité accrue. Ce procédé, basé sur un dosage d’immunoabsorption par enzyme, permet de détecter le glyphosate à des concentrations très faibles, avec une limite de détection bien inférieure à celle de la chromatographie, technique employée dans plusieurs laboratoires européens.

C’est justement la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse qui avait été privilégiée en Wallonie par l’ISSeP lors du biomonitoring de 2020. Si cette technique offre une précision certaine, elle se montre moins sensible que l’ELISA dans la détection de traces infimes de pesticides. Résultat: des divergences importantes dans les pourcentages de contamination relevés.

Les experts soulignent également que le recrutement des participants diffère. En France, les échantillons provenaient en grande majorité de citoyens volontaires, souvent sensibilisés aux enjeux des pesticides, via l’association «Campagne Glyphosate». Un biais qui pourrait expliquer une certaine surreprésentation des personnes les plus exposées. En Wallonie, les campagnes de biomonitoring ciblent un échantillon plus représentatif, défini scientifiquement selon les tranches d’âge et les milieux socio-économiques.

Une contamination banalisée au glyphosate

L’usage privé du glyphosate est interdit en Belgique depuis 2017. Seuls les professionnels, sous conditions strictes, sont encore autorisés à utiliser cet herbicide. Pourtant, sa présence persistante dans l’environnement, notamment dans les sols et les eaux, continue de faire débat.

Certains observateurs pointent également l’importation d’aliments en provenance de pays où l’usage du glyphosate est toujours massif. Fruits, légumes, céréales: une partie de la contamination pourrait provenir de cette chaîne alimentaire mondialisée.

En attendant les nouvelles données wallonnes, l’étude française agit comme un signal d’alarme. Les auteurs insistent sur une contamination diffuse, y compris chez les profils a priori peu exposés. Boire de l’eau du robinet, consommer certains aliments, vivre à proximité de zones agricoles: autant de facteurs qui semblent jouer un rôle, comme le montrent les corrélations établies par les diverses enquêtes scientifiques en France et en Belgique.

Et après?

Les autorités wallonnes promettent d’intégrer les résultats du biomonitoring en cours dans les futures discussions sur la réduction des pesticides. L’Union européenne s’est engagée à diminuer de moitié l’usage des pesticides chimiques d’ici 2030, un objectif que la Belgique devra s’efforcer de respecter.

Mais certains experts estiment qu’il est urgent d’aller plus loin. «Ce n’est pas seulement la législation qu’il faut renforcer, c’est aussi la manière dont nous produisons nos aliments, dont nous gérons nos espaces verts, dont nous sensibilisons les consommateurs», martèle un membre du collectif Stop Glyphosate Belgique.

En France, les résultats accablants de l’étude ont d’ailleurs débouché sur plus de 5.800 plaintes en justice, regroupées au tribunal de Paris. En Belgique, la question juridique reste en suspens, mais l’inquiétude est bien là. Car si les Wallons ne sont pas encore tous «positifs» au glyphosate, ils sont en moyenne 90% à être contaminés par divers pesticides. Sans compter qu’un changement de méthode de détection pourrait faire grossir les chiffres en un clin d’œil.

 

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