Doit-on faire une croix sur l’huile de tournesol? Pas vraiment… © Getty Images

Pourquoi l’huile de tournesol a soudainement mauvaise réputation

Le Vif

Les huiles végétales raffinées sont clouées au pilori sur les forums web et les réseaux sociaux. A juste titre? Faut-il désormais éviter d’utiliser l’huile de tournesol dans notre mayonnaise maison?

Cette époque où les matières grasses étaient vues comme l’ennemi à combattre est heureusement révolue. Mais voici qu’une nouvelle vague d’absurdités refait surface autour des lipides. Sur les forums en ligne, les blogs et les réseaux sociaux, les huiles de tournesol, maïs, soja, colza et canola sont aujourd’hui accusées de tous les maux. Elles seraient «toxiques», «vous tueraient lentement», et favoriseraient les allergies, l’asthme, les maladies auto-immunes, la dépression, le comportement violent, le diabète, l’obésité et d’autres maladies chroniques.

Mais pourquoi les huiles végétales sont-elles perçues si négativement? Elles sont, avec l’huile de palme, des ingrédients bon marché et faciles à utiliser dans l’alimentation industrielle. Or, il est désormais établi que ces produits ultra-transformés ne sont pas idéaux pour la santé. Mais est-ce vraiment la faute aux huiles utilisées? Rien ne le prouve…

En effet, ces aliments contiennent aussi beaucoup de sucre, de sel et d’additifs, tout en étant pauvres en fibres et en nutriments essentiels. Le fait que les huiles végétales elles-mêmes subissent de lourds traitements industriels ne joue pas non plus en leur faveur. La plupart des huiles sont obtenues en pressant des graines. Si l’on n’intervient pas davantage, on obtient une huile pressée à froid – comme l’huile d’olive extra vierge – riche en composés végétaux bénéfiques. Mais aucun consommateur ne souhaite cuire ses pommes de terre dans un jus noirâtre extrait des graines de tournesol pressées à froid.

Un raffinage intensif et controversé

En étant décolorées, désodorisées et nettoyées industriellement avec des agents blanchissants, les huiles prennent une couleur jaune claire et un goût neutre. Pour rendre le processus de production plus efficace, les graines sont soit chauffées, soit traitées à l’hexane, un solvant permettant d’extraire un maximum d’huile.

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Les opposants à ces procédés de raffinage estiment qu’ils altèrent la composition chimique des huiles. Selon eux, cela entraîne: une réduction de la quantité d’antioxydants bénéfiques, tels que les vitamines E et K, et une dégradation des acides gras, qui seraient transformés en molécules toxiques pouvant endommager les cellules du corps. Mais l’argument principal des «vegetable oil-warriors» est que ces huiles contiennent beaucoup d’oméga-6 et peu d’oméga-3. Ces deux types d’acides gras polyinsaturés jouent un rôle essentiel, mais un excès d’oméga-6 par rapport aux oméga-3 favoriserait les inflammations dans l’organisme. Lorsqu’elles sont excessives, au mauvais endroit et au mauvais moment, ces inflammations pourraient être associées à plusieurs maladies, notamment: le diabète de type 2, l’obésité, les maladies cardiovasculaires et le cancer.

Notre régime alimentaire occidental est déjà très riche en oméga-6, mais pauvre en oméga-3. La proportion idéale entre oméga-6 et oméga-3 devrait être au maximum de cinq pour un. Or, aujourd’hui, elle se situe entre quinze et 20 pour un.

De nombreuses études scientifiques ont démontré que remplacer les graisses saturées par des acides gras insaturés issus de sources végétales réduit considérablement le risque de maladies cardiovasculaires.

Les huiles végétales sont-elles vraiment mauvaises pour la santé?

La campagne contre les huiles végétales, cet «or liquide» issu de graines et de noyaux, peut sembler excessive, car leurs bienfaits pour la santé sont indéniablement prouvés. De nombreuses études scientifiques ont démontré que remplacer les graisses saturées (comme le beurre et le saindoux) par des acides gras insaturés issus de sources végétales réduit considérablement le risque de maladies cardiovasculaires dans différentes populations. Les acides gras polyinsaturés présents dans ces huiles contribuent à réduire le «mauvais» cholestérol (LDL) ainsi que le cholestérol total.

L’idée selon laquelle les oméga-6 favorisent l’inflammation est bien trop simpliste. Si certains oméga-6 sont transformés par l’organisme en substances inflammatoires, d’autres sont convertis en composés anti-inflammatoires. Et bien que le mot «inflammation» ait une connotation négative, il s’agit en réalité d’un mécanisme essentiel du corps pour réagir aux blessures et aux infections. Sans inflammation, la santé de tout un chacun serait fortement compromise.

L’épidémiologiste britannique Tim Spector estime lui aussi que la mauvaise réputation des huiles végétales est infondée. «L’affirmation selon laquelle un régime riche en oméga-3 et pauvre en oméga-6 serait bénéfique repose sur des preuves raisonnables, mais en grande partie faibles et d’ordre observationnel», écrit-il dans son livre The Diet Myth.

«Lors d’expériences randomisées où l’on administre des suppléments pour modifier ces proportions, aucun effet positif clair n’est observé. Ce manque d’impact est confirmé par de vastes essais cliniques randomisés portant sur plus de 25.000 participants ainsi que par une méta-analyse rigoureuse des études observationnelles, qui ne montrent pas non plus d’effet convaincant ou bénéfique.»

Mieux encore, les recherches indiquent que les personnes qui consomment davantage d’oméga-6, en particulier de l’acide linoléique, présentent un risque plus faible de maladies cardiovasculaires, de troubles métaboliques et de diabète de type 2. Les personnes consommant le plus d’acide linoléique affichent même les niveaux d’inflammation les plus bas. «La mode des suppléments d’oméga-3 au détriment des oméga-6 appartient déjà au passé», estime Tim Spector.

Bien qu’il y ait effectivement une légère perte de substances bioactives, le raffinage industriel permet de rendre les huiles plus stables sur les étagères des supermarchés et lorsqu’elles sont chauffées à haute température en cuisine. Toutefois, les huiles végétales peuvent rancir si elles sont conservées pendant des mois à température ambiante. Pour éviter cela, il est recommandé de les stocker au réfrigérateur. La durée de conservation des huiles raffinées est généralement de six à douze mois.

Les recherches indiquent que les personnes qui consomment davantage d’oméga-6, en particulier de l’acide linoléique, présentent un risque plus faible de maladies cardiovasculaires, de troubles métaboliques et de diabète de type 2.

Les experts en nutrition mettent cependant en garde contre le réchauffage excessif et répété des huiles végétales, un phénomène fréquent dans les chaînes de restauration rapide et les friteuses industrielles. En effet, la dégradation des huiles lors de chauffages prolongés à haute température peut entraîner la formation de composés potentiellement nocifs. Cependant, pas d’inquiétude si vous faites cuire un œuf chez vous, les températures atteintes en cuisine domestique restent bien inférieures à celles des friteuses industrielles. Et la plupart des gens ne réutilisent pas l’huile plusieurs fois.

En conclusion

Dans le cadre d’une alimentation variée à base d’aliments complets, les huiles végétales s’intègrent parfaitement dans un mode de vie sain. La recherche montre qu’ils n’ont aucun effet sur l’inflammation. Tant que sont consommées des quantité raisonnable d’oméga-3, provenant par exemple du poisson, de l’avocat, des noix, de l’huile de lin, de l’huile de noix ou d’une huile enrichie, le rapport aux oméga-6 n’a pas d’importance. Evitez cependant de frire dans une huile riche en oméga-3: les acides gras oméga-3 ne sont pas très stables et se décomposent lors du processus de chauffage.

 

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