Fatigue, anxiété, burnout : pourquoi l’hormone du stress nous met dans tous nos états
Le stress chronique est responsable d’importants déséquilibres hormonaux. C’est le cortisol, hormone du stress par excellence, qui est impliqué. Le stress peut aggraver certaines pathologies physiques ou mentales, voire les induire.
Il mine, il use, il épuise. Parfois sans éveiller les soupçons. Le stress chronique est un ennemi insidieux. Ses conséquences pour la santé physique et mentale sont durables et les pathologies qui y sont associées pèsent lourdement sur les soins de santé ; il est responsable de problèmes digestifs ou cardiovasculaires, de maladies chroniques et de nombreux troubles mentaux. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les pathologies liées au stress deviendront, d’ici à 2030, les troubles de la santé les plus répandus. Un sentiment négatif qui peut trouver sa source dans des contextes pesants très variés: précarité, conflits familiaux, exposition au danger, tensions et insécurité professionnelles…
Le stress est aussi un allié qui déclenche des mécanismes de sauvegarde.
En Belgique, environ 15% des travailleurs affirment se sentir «émotionnellement vidés» par leurs responsabilités professionnelles, révélait, en 2023, le SPF Emploi. Les femmes sont celles qui souffrent le plus de cet épuisement mental. Une fatigue et une lassitude que Securex objective également dans un rapport publié la même année: les absences liées à des «problèmes de santé mentale», dont le burnout, ont augmenté de 18,5% au cours des trois dernières années. Un burnout professionnel mais aussi parental. Une autre enquête, menée en 2021 par deux chercheuses en psychologie de l’UCLouvain, évalue à 200 000 le nombre de parents atteints de cette forme d’épuisement. Le SPF Santé, lui, rappelle que le stress et l’anxiété participent aux troubles dépressifs qui touchent entre 15% et 20% de la population. C’est l’hécatombe.
Pourquoi l’organisme flanche-t-il lorsque la pression est longue et intense, alors qu’il est programmé pour pouvoir répondre de façon adéquate à une situation menaçante? Car le stress est aussi un allié. Il déclenche des mécanismes de sauvegarde – en mode «défense» ou «combat» – et permet de s’adapter aux changements environnementaux. Le danger passé, l’organisme reprend son fonctionnement habituel, récupère de ses émotions. C’est lorsque le danger reste présent qu’apparaissent les dysfonctionnements.
De nombreuses études ont en effet montré que l’exposition prolongée au stress et à l’anxiété pouvait être à l’origine de variations hormonales. Agissant comme des messagers chimiques entre les différentes parties du corps, les hormones jouent un rôle important dans la gestion de ces émotions négatives. Le stress chronique, celui subi en tant que travailleur ou personne évoluant dans un contexte social et relationnel complexe, n’est pas lié à cet instinct de survie mais à une exposition prolongée et répétée à des stimuli qui oblige l’organisme à rester dans un état d’alerte. Et qui, à la longue, épuise.
Qu’il s’agisse de stress aigu ou prolongé, le réflexe de sauvegarde passe par la mobilisation de différentes fonctions organiques. Plusieurs régions du cerveau sont sollicitées. Voie d’entrée de l’information, l’amygdale décode les stimuli et dicte la réaction à adopter. Elle joue, en outre, un rôle important dans la perception et la reconnaissance des émotions. Voisin de l’amygdale, et étroitement lié à elle, l’hippocampe participe à la régulation de l’humeur, favorise l’apprentissage et aide à s’adapter aux changements environnementaux. Le cortex préfrontal, enfin, est le siège des fonctions exécutives du cerveau. Celui qui dicte de garder son sang-froid.
Réaction en chaîne
Deux types de molécules chimiques sont également impliquées dans ces mécanismes: les neurotransmetteurs, d’une part, et les hormones, d’autre part. Libérés par les neurones, les neurotransmetteurs, par leur effet excitateur ou inhibiteur selon la nature des récepteurs sur lesquels ils se fixent, agissent sur le système d’alarme. Chacun d’eux remplit un rôle dans la gestion des émotions et la régulation du rythme circadien. La sérotonine, par exemple, est impliquée dans la régulation de l’humeur ou du sommeil ; la noradrénaline dans l’apprentissage, les émotions et le rêve ; l’acétylcholine dans l’éveil, l’attention et l’agressivité ; la dopamine dans le contrôle des mouvements et la régulation de l’humeur. Le glutamate, enfin, est associé à la mémoire.
Les hormones, elles, sont principalement responsables des manifestations physiques du stress et de l’anxiété. Elles sont au nombre de cinq: le cortisol, l’adrénaline, l’adrénocorticotrophine (ACTH), l’ocytocine et la vasopressine. C’est principalement le cortisol et l’adrénaline qui interviennent dans la mobilisation des réserves énergétiques de l’organisme.
Hormone du stress par excellence, le cortisol est élaboré à partir du cholestérol et sécrété par les glandes corticosurrénales, situées en périphérie des glandes surrénales et qui produisent également l’aldostérone (impliquée dans la régulation de la pression artérielle) ainsi que les hormones sexuelles. En cas d’exposition à un stress chronique, une réaction en chaîne à laquelle participent plusieurs hormones se déclenche. L’hypothalamus sécrétera une hormone appelée corticolibérine, laquelle favorisera la libération d’ACTH par l’hypophyse. Libérée dans le sang, cette dernière provoquera une augmentation de la production de cortisol par les glandes surrénales.
Le seul point positif avec les dérèglements hormonaux liés au stress, c’est qu’ils sont souvent réversibles.
L’adrénaline et son précurseur, la noradrénaline, forment, quant à elles, la seconde ligne hormonale impliquée dans la gestion du stress. Libérée dans le sang par les glandes surrénales, la noradrénaline favorise la contraction des vaisseaux sanguins. Elle a donc pour effet d’augmenter la pression artérielle et la fréquence cardiaque. C’est ce qu’on ressent quand on se retrouve face à un animal féroce ou qu’un bus manque de nous renverser.
L’insuline, variable d’ajustement
La sécrétion de cortisol peut également avoir une incidence sur la production d’autres types d’hormones, principalement les hormones sexuelles, thyroïdiennes et l’insuline. Cette dernière joue un rôle capital dans la régulation de la glycémie dans le sang. On sait depuis longtemps que les personnes atteintes de diabète de type 1 sécrètent peu ou pas d’insuline. Ce qui intéresse davantage les chercheurs aujourd’hui, c’est le rôle que joue le stress dans ce déséquilibre.
«On observe que la glycémie augmente fortement chez les patients diabétiques les plus stressés. On sait déjà que c’est un facteur perturbateur. Ce dont on parle le plus aujourd’hui, c’est de l’implication du stress dans le déclenchement même du diabète», expose le Dr Laura Iconaru, responsable de la clinique d’endocrinologie du CHU Brugmann. En 2021, près de 7% des Belges ont été diagnostiqués diabétiques. Toutefois, plus d’une personne diabétique sur trois ne sait pas qu’elle est atteinte de la maladie, ce qui porte à 10% la prévalence réelle estimée du diabète, estime le SPF Santé.
L’exposition prolongée à un mauvais stress peut donc non seulement aggraver mais aussi provoquer des maladies endocriniennes. C’est le cas pour le diabète. Ça l’est aussi pour l’hyperthyroïdie. Les études montrent que les patients souffrant d’hyperthyroïdie présentent un niveau d’anxiété plus élevé que d’autres, à tout le moins dans l’année précédant le déclenchement de la maladie, ajoute le Dr Iconaru.
Trop de cortisol… ou trop peu. Une quantité insuffisante d’hormones surrénales peut affecter l’équilibre en eau, en sodium et en potassium dans l’organisme. Plusieurs troubles peuvent être à l’origine de cette hypoactivité, dont un cancer ou une maladie auto-immune. En manque de cortisol, le corps est moins apte à contrôler la tension artérielle et moins armé pour combattre le stress. Une importante fatigue, des nausées, des vomissements et des vertiges sont les symptômes les plus courants de ce déficit en cortisol qui peut être fatal chez le patient en proie à une crise aiguë, s’il ne reçoit pas rapidement le traitement adéquat. Un taux de cortisol et d’adrénaline en berne peuvent, en outre, accentuer l’anxiété ou un état dépressif.
D’autres travaux, menés par une équipe de chercheurs américains et publiés dans Nature fin 2023, ont mis en évidence des différences immunitaires et hormonales entre des personnes atteintes de Covid long et d’autres qui ne l’étaient pas. Les patients atteints de Covid long présentaient des taux de cortisol beaucoup plus faibles que les autres. Ils en ont conclu que le taux de cortisol était le facteur prédictif le plus fort. Ce qui laisse entrevoir la possibilité de développer des tests spécifiques pour diagnostiquer cette maladie que la science peine toujours à expliquer et personnaliser les traitements.
A l’inverse, des taux de cortisol particulièrement élevés ont été détectés chez plusieurs patients souffrant de stress post-traumatique. Il s’agissait de victimes des attentats de Bruxelles et qui présentaient des troubles du sommeil, de la thyroïde ou de la fonction ovarienne, et qui ont été suivis par le service d’endocrinologie du CHU Brugmann. Des tests ont été réalisés afin de déterminer si une pathologie surrénale n’était pas à l’origine de ces troubles mais ils se sont avérés négatifs. Ils pourraient donc être liés à ces excès de cortisol.
Le seul point positif avec les dérèglements hormonaux liés au stress, c’est qu’ils sont souvent réversibles. Dans la plupart des cas, diminuer l’exposition aux situations angoissantes ou apprendre à mieux les appréhender permet déjà de réguler le taux de cortisol. Et de retrouver une meilleure qualité de vie.
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