L’homme préhistorique passait probablement plus de temps éveillé que l’homme moderne. © GETTY

Ce que l’homme préhistorique peut nous apprendre sur le sommeil: «Huit heures, c’est un mythe!»

Le paléorégime est bien connu, mais qu’en est-il du paléosommeil? L’homme préhistorique peut-il être une source d’inspiration pour le repos nocturne? «L’insomnie est en soi un phénomène tout à fait naturel. C’est seulement la manière dont nous l’expérimentons qui pose problème.»

Dans les sociétés industrialisées, une vision artificielle du sommeil s’est imposée, estime le chercheur néerlandais Merijn van de Laar. «La preuve en est la ruée massive sur les somnifères ces dernières années. Et ceux-ci nous ont probablement éloignés encore davantage du sommeil naturel

Le sommeil est une notion changeante, influencée par l’époque. Ainsi, au Moyen Age, on dormait encore en deux phases: après le coucher du soleil, on allait au lit pour quelques heures, puis vers une heure du matin, on se réveillait pour raviver le feu avant de se rendormir jusqu’à l’aube. Ce n’est qu’avec l’invention de l’éclairage artificiel qu’est née la dictature des huit heures de sommeil ininterrompues. Dans son livre Dormir comme un Sapiens, Merijn van de Laar revient aux fondements d’un sommeil réparateur et propose des enseignements tirés du passé pour améliorer la qualité du repos.

1. Il est faux de croire qu’on doit dormir d’une traite

«Les hommes préhistoriques étaient probablement plus souvent éveillés que nous», rassure l’auteur. Pour se protéger des prédateurs nocturnes ou des attaques de tribus ennemies, ils devaient rester éveillés plus longtemps et plus fréquemment. En dormant à tour de rôle, ils pouvaient assurer leur sécurité.

«Ce n’est pas le fait d’être éveillé qui pose problème, mais la manière dont nous vivons ces éveils nocturnes.»

Merijn van de Laar

chercheur en sciences du sommeil.

Aujourd’hui, le mythe du sommeil continu exerce pourtant une pression mentale considérable, avance Merijn van de Laar: «Beaucoup de mes patients l’envisagent comme une performance personnelle. Or, ce n’est pas le fait d’être éveillé qui pose problème, mais la manière dont nous vivons ces éveils nocturnes.»

2. Rester éveillé la nuit n’empêchait pas l’homme préhistorique d’être paisible

Les chasseurs-cueilleurs, comme les Hadza, en Tanzanie, dont le mode de vie n’a quasiment pas évolué, ne semblent pas préoccupés par les réveils nocturnes. Pour eux, il est naturel d’être dérangé par les mouvements des proches, puisque toute la famille dort dans le même lit. Quand ils se réveillent au cours de la nuit, ils pratiquent une «veille paisible», relaxante.

La grande différence avec l’homme moderne, c’est qu’il a tendance à s’inquiéter lorsqu’il s’éveille la nuit – et surtout à redouter un éventuel manque de sommeil. Un bref réveil nocturne peut dès lors se transformer en une angoisse d’être incapable de se rendormir avant des heures. Appréhender cette réalité comme un mécanisme de sécurité évolutif destiné à vérifier la présence de prédateurs permettrait de couper court à cette anxiété. «Si l’on a du mal à passer des nuits sereines parce que les périodes d’éveil sont trop agitées, poursuit le spécialiste, il faut réduire leur durée en écourtant le temps total passé au lit.» Il suffit simplement de se coucher plus tard: «L’objectif n’est pas nécessairement de mieux dormir, mais de réduire les périodes d’éveil anxieux. Ce qui brisera le cercle vicieux de l’insomnie.»

3. Huit heures de sommeil, un mythe

Une autre idée rassurante est que la recommandation de huit heures de sommeil n’a aucun lien avec la façon dont nos ancêtres dormaient. Cro-Magnon n’avait pas une routine aussi rigide.

Cette recommandation est un héritage de la révolution industrielle. Avec l’apparition des lampes à gaz, les journées se sont allongées, et les ouvriers travaillaient entre dix et seize heures par jour, six jours par semaine.

Robert Owen, industriel et théoricien socialiste britannique, s’est opposé à ces journées interminables en défendant le «huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de repos». Mais d’un point de vue thérapeutique, ce concept peut en réalité créer des attentes trop élevées autour du sommeil –donc provoquer davantage de troubles du sommeil. «La plupart des gens sont incapables d’atteindre cette quantité de sommeil ininterrompu, même dans des conditions optimales, explique Merijn van de Laar. Dormir six heures peut être tout à fait normal, tout comme huit heures. La plupart d’entre nous se situent quelque part entre les deux.»

4. Les hommes préhistoriques n’avaient pas de bouton «snooze»

Concernant le snooze, cette habitude de rester allongé après la première sonnerie du réveil, les scientifiques ne sont pas unanimes. Certains estiment que se rendormir après l’alarme perturbe le cycle, réduisant ainsi la quantité de sommeil profond et réparateur. D’autres recherches, plus récentes, suggèrent au contraire que ceux qui recourent régulièrement au snooze ont de meilleures performances cognitives en journée.

Des attentes trop élevées autour du sommeil peuvent provoquer davantage d’insomnies. © GETTY

Reste que les hommes préhistoriques avaient probablement le luxe de suivre leur propre horloge biologique, sans être brutalement tirés du sommeil –ce qui n’est pas le cas pour la plupart d’entre nous, en raison des contraintes liées au travail. Mais la solution ne consiste pas à régler son réveil encore plus tôt sous prétexte «d’avoir le temps de se réveiller».

«Environ une heure et demie avant d’aller dormir, il faut essayer de trouver cette sérénité en pratiquant des exercices de respiration, de pleine conscience ou de méditation.»

Merijn van de Laar

chercheur en sciences du sommeil.

5. Nos ancêtres terminaient leur journée en douceur

Ceux qui dorment mal sont souvent tendus au moment d’aller au lit. Environ une heure et demie avant, on essayera de trouver une certaine sérénité en pratiquant des exercices de respiration, de pleine conscience ou de méditation. Par ailleurs, on s’exposera à la lumière naturelle en journée, tout en réduisant l’éclairage artificiel le soir et, surtout, on s’assurera que la température ambiante diminue à l’approche du coucher. Certains chasseurs-cueilleurs d’aujourd’hui passent leurs soirées autour du feu à raconter des histoires, tandis que la température baisse et que la nuit tombe. Leurs préoccupations quotidiennes disparaissent au fil des discussions avec les membres de leur tribu… sans être parasités par les notifications tardives d’un GSM.

6. Une qualité du sommeil qui s’amoindrit avec l’âge est un avantage évolutif

Les seniors se réveillent plus souvent et dorment moins longtemps. Plus précisément, la durée totale du sommeil diminue de huit minutes tous les dix ans chez les hommes et de dix minutes chez les femmes. Les troubles du sommeil sont également très fréquents pendant la ménopause. Il est possible que le sommeil fragmenté des adultes âgés ait contribué à la survie de l’espèce humaine.

Selon l’hypothèse du guet, l’humain ne pouvait dormir en toute sécurité que si certains membres du groupe restaient vigilants. Les membres plus âgés de la tribu étaient probablement plus prompts à se réveiller en cas de danger pendant la nuit. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter si le sommeil est plus haché et si on se réveille plus tôt en vieillissant.

 

 

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