Bruno Colmant : ‘J’essaie de mélanger le langage et le chiffre’
Rares sont les économistes qui prennent suffisamment de recul sur la vie pour entrevoir les mathématiques comme de la poésie. Avant tout penseur, Bruno Colmant fait partie de ceux là.
Comment peut-on être penseur et économiste ?
Si je devais me définir, ce serait en tant qu’économiste littéraire, et non en tant qu’économètre. J’essaie, dès que possible, de mélanger le langage et le chiffre. J’ai fait de longues études de mathématique. A force de maîtrise, j’ai décidé de transformer les formules, parfois absconses, en paroles et en écrits. Quand on commence à voir les chiffres comme des notes de musique, des couleurs, ou des fondus enchainés, et quand les chiffres deviennent un jeu, on peut les entrevoir comme des dessins. La musicalité et la calligraphie mathématiques conduisent alors naturellement à la littérature. Comme François Mauriac dont la plume est délicate et intuitive, ce sont des grands auteurs qui m’ont appris à écrire et donc à transformer une pensée en phrase. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, cette approche m’a récemment permis de publier un recueil de poésies !
Comment faire le lien entre mathématiques et ouverture sur les autres ?
Au delà d’une complexe analyse factuelle, j’entrevois mon métier d’économiste comme un vecteur de transfert de connaissances. Bien qu’ayant pour base des données brutes, la pensée économique ne se formule qu’à partir d’intuition, de prospective, de lectures ou de connaissances historiques. Mon rôle de pédagogue n’est pas d’imposer une doctrine à mes lecteurs ou à mes auditeurs, mais de les ouvrir à la réflexion. En leur faisant partager mes analyses, mon envie, et mon espoir, est qu’ils deviennent des observateurs différents de ce qu’ils pourraient lire ou comprendre par ailleurs.
Auriez vous pu choisir un autre métier ?
J’ai vraiment hésité… L’histoire me fascine et j’aurais aimé être géologue ou archéologue. Le passé a cela de fascinant qu’il permet d’analyser le futur et de se projeter dans l’intuition.
Plus on a d’objets pour nous faciliter la tâche, moins on a de temps pour nous-mêmes.
Vu la vitesse à laquelle tout va aujourd’hui, a t-on encore le temps de se retourner sur notre passé ?
Tout va plus vite parce que l’on s’agite inutilement. Plus on a d’objets pour nous faciliter la tache, moins on a de temps pour nous-mêmes. Allez comprendre ! Je crains que cette façon de remplir frénétiquement le temps corresponde à une peur du vide.
Que faites vous de votre temps libre ?
Je le consacre à la préparation de mes cours et de mes ouvrages. Je me promène beaucoup dans la nature, souvent seul, pour réfléchir. Et je lis beaucoup. La vie que j’ai choisie est un peu particulière. Elle demande de se retirer parfois des hommes. Il faut savoir prendre du recul face à la société pour être capable de restituer ce que j’ai cru y percevoir. Certains pourraient penser que c’est une vie un peu monacale. Je l’assume car ce cheminement fait partie de mon équilibre et il m’apporte beaucoup de placidité et de sérénité.
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