Carte blanche
Rudi Vervoort, le « super shérif » toujours aux abonnés absents
Pour Bianca Debaets et Maud Vanwalleghem (CD&V), le ministre-président PS Rudi Vervoort brille par son absence en matière de sécurité.
Les émeutes qui ont éclaté en divers endroits de Bruxelles dimanche après-midi après le match de football entre la Belgique et le Maroc ne sont malheureusement pas des incidents isolés. La Région bruxelloise se trouve régulièrement sous tension : fusillades à répétition, attaques au couteau en pleine rue, trafics de drogue en expansion et espaces publics peu sûrs pour de nombreuses femmes ou personnes LGBTQIA+… Et la situation ne s’est hélas pas améliorée avec les politiques qui ont été mises en place ces dernières années tant par la Région que par certaines communes bruxelloises. Un triste pic a été atteint récemment avec le décès d’un jeune policier victime d’une attaque au couteau. Dans ce dossier, des ministres fédéraux ont été critiqués, alors que le Ministre-Président bruxellois, lui, était à nouveau aux abonnés absents, comme ce fut d’ailleurs encore le cas dimanche dernier. Son cache-cache permanent est le fruit d’un embrouillamini politico-institutionnel, un nœud qu’il est urgent de dénouer.
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Au lendemain du meurtre de l’agent de police Thomas M., l’attention s’est surtout focalisée sur le niveau fédéral, en particulier le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) et la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V). Mais celle-ci a aussi ajouté, à juste titre, en réponse à un déluge de questions à la Chambre, que « le Ministre-Président a aussi un rôle à jouer dans les questions sécuritaires ».
Pour rappel, depuis la 6e Réforme de l’Etat en 2014, le Gouvernement bruxellois dispose de pouvoirs renforcés en matière de Prévention et de Sécurité, un dispositif unique qui ne s’applique qu’en Région de Bruxelles-Capitale. Concrètement, c’est le Ministre-Président bruxellois qui, seul, assume ces nouveaux pouvoirs. A l’heure actuelle, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden travaille sur un projet de loi qui devrait poursuivre la mise en œuvre de la 6e Réforme de l’État et donner à Bruxelles le plein contrôle de la politique de sécurité.
Ça, c’est la théorie. Mais en réalité, cela saute aux yeux que le Ministre-Président bruxellois ne se sent pas du tout à l’aise dans son costume de ‘super shérif’. Ainsi, il ne rate jamais une occasion de briller par son absence lorsqu’un problème de sécurité surgit sur la table. Soit un problème est ‘trop petit’ et les zones de police sont priées de le régler, soit un problème est ‘trop important’ et c’est alors au fédéral à traiter le problème en question. La patate chaude ne se retrouve jamais dans l’assiette de Rudi Vervoort, car elle est invariablement transmise à quelqu’un d’autre. Une illustration classique du vieux mal bruxellois ‘tout le monde est compétent, personne n’est responsable’.
Rudi Vervoort veut-il d’une police régionale?
Mais comment sortir de cette impasse ? La fusion des zones de police bruxelloises est proposée depuis des années comme une possible solution structurelle, mais elle suscite trop peu d’enthousiasme dans de nombreux camps. Toutefois, plusieurs experts de premier plan s’accordent à dire qu’une telle fusion présente de multiples avantages en termes d’économies d’échelle et d’efficacité sur le terrain. Les expériences d’‘unité de commandement’, où toutes les zones de police bruxelloises travaillent ensemble sous une direction centralisée (par exemple lors d’événements de grande envergure ou la Nuit de la Saint-Sylvestre), ont déjà donné des résultats positifs. Et pourtant, de nombreux opposants continuent de voir une telle fusion comme une lâche attaque flamande contre l’autonomie de Bruxelles, de sorte que certains problèmes de sécurité continuent à s’envenimer parce qu’ils ne sont pas abordés correctement ou d’une manière suffisamment ferme.
Peut-être devrait-on alors tout mettre en œuvre pour ériger une police régionale, où le Ministre-Président pourra s’appuyer sur des forces locales afin de s’attaquer avec fermeté aux problèmes intercommunaux (drogue, prostitution, émeutes). Et ce sans ajouter une nouvelle couche à la lasagne institutionnelle bruxelloise, mais simplement en la mélangeant intelligemment et en veillant à ce que ce vide sécuritaire ne puisse plus exister en raison d’excuses boiteuses et de renvois vers les autres niveaux de pouvoir. De la sorte, les problèmes majeurs resteraient donc principalement du côté de la police fédérale, tandis que les zones de police pourraient continuer à remplir correctement leur rôle de police locale. Et cette police régionale pourrait alors se concentrer pleinement sur les dossiers intermédiaires : trop importants pour être traités par les zones de police, trop petits pour que la police fédérale puisse s’en charger avec efficacité.
La situation schizophrène du Ministre-Président Vervoort doit être réglée de toute urgence
La question de savoir si une telle police régionale serait une solution idéale pourrait certainement faire l’objet de très nombreux débats politiques. Mais ce qui est déjà certain, c’est que la situation schizophrène du Ministre-Président Vervoort doit être réglée de toute urgence. Après tout, le chef du gouvernement bruxellois est lui-même un bourgmestre en titre, à Evere, et il reste plutôt favorable à une forte autonomie communale. Tout comme d’ailleurs Bernard Clerfayt, ministre bruxellois des Pouvoirs Locaux (Défi). De plus, la ‘Prévention et la Sécurité’ est noyée entre toutes ses autres compétences, puisque Rudi Vervoort gère également les portefeuilles du Transport rémunéré de personnes (taxis), du Développement territorial, de la Rénovation urbaine, du Tourisme, de la Promotion de l’Image de Bruxelles et du Biculturel d’Intérêt régional, sans oublier ses compétences au sein de la Commission communautaire française. Bref, un menu très, voire trop copieux.
Le cocktail proposé aujourd’hui fait en sorte que les Bruxellois doivent se contenter de copier-coller et d’improvisation en matière de politique de sécurité. Les problèmes qui font chuter drastiquement la qualité de vie dans certains quartiers sont glissés trop facilement sous le tapis, et depuis de trop nombreuses années. La solution d’une police régionale peut déjà constituer un pas dans la bonne direction, mais à condition que cela se produise sous l’impulsion d’un Ministre-Président qui ne se contente pas de danser entre les niveaux de pouvoir et ose assumer ses responsabilités dans le domaine de la Prévention et Sécurité. En agissant de la sorte, nous pourrons réellement avancer vers un Bruxelles meilleur et plus sûr.
Bianca Debaets, cheffe de groupe CD&V au parlement bruxellois et conseillère de police au sein de la zone Bruxelles CAPITALE Ixelles
Maud Vanwalleghem, sénatrice CD&V
Le titre est de la rédaction. Titre original: « Le Ministre-Président bruxellois a aussi un rôle à jouer contre les problèmes de sécurité »
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