Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: qui n’intègre pas est bruxellois… (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Qu’il puisse être fait obstinément obstacle à un passage obligé vers une intégration réussie dépasse l’entendement de la Flandre.

Ô rage, ô désespoir. C’est pas Dieu possible, cette fois il le fait vraiment exprès. Un cinquième report du parcours obligatoire d’intégration civique en Région bruxelloise à mettre à l’actif, ou plutôt au passif, d’Alain Maron (Ecolo): c’est plus que la Flandre ne peut comprendre, admettre, supporter. Les oreilles du ministre bruxellois en charge du dossier auront donc sifflé à l’occasion d’un concert de lamentations et d’imprécations programmé dans l’hémicycle du parlement flamand.

Il faut dire que l’inburgering, en flamand dans le texte, est un dada de la Flandre, l’un de ses acquis les plus précieux engrangés depuis près de vingt ans. Ou comment accueillir, encadrer, forcer gentiment à s’immerger dans la société flamande celles et ceux qui y débarquent en provenance d’horizons parfois lointains, moyennant, de leur part, un minimum de devoirs à accomplir. C’est sans l’ombre d’un regret qu’au nord du pays a été choisie cette formule qui gagne.

Qu’il puisse être fait obstinément obstacle à ce passage obligé vers une intégration réussie, qui plus est dans le territoire même qui abrite sa capitale, dépasse l’entendement de la Flandre et de sa représentation politique. En apprenant qu’Alain Maron repoussait une énième fois, au 1er juin en principe, l’activation d’un dispositif légal pourtant adopté en Région bruxelloise en 2017, Bart Somers (Open VLD), ministre flamand du Vivre ensemble, a laissé éclater sa colère et son dépit, sous les applaudissements de la majorité N-VA – Open VLD – CD&V et porté par les expressions de soutien de l’opposition Vooruit, Groen, Vlaams Belang. « C’est totalement incompréhensible. Nous avons fait tout ce qu’il fallait pour aider la Région bruxelloise, nous nous sommes régulièrement concertés avec monsieur Maron et l’administration. Si vous me demandez si j’ai pris contact avec lui, je vous répondrai qu’après l’avoir fait tant de fois, j’en ai un peu marre d’avoir à recommencer. J’attends de lui qu’il prenne ses responsabilités politiques à Bruxelles. » Et que cesse le temps des (faux-)fuyants pour justifier chaque contretemps: hier le corona, aujourd’hui l’accueil des réfugiés ukrainiens qui mobilise toutes les énergies. « Nous commençons à nous demander si c’est ne pas pouvoir ou ne pas vouloir« , a grincé Hannelore Goeman, porte-voix de la fraction Vooruit au parlement flamand.

Qu’il puisse être fait obstinément obstacle à un passage obligé vers une intégration réussie dépasse l’entendement de la Flandre.

La petite phrase désormais cultissime du président de parti de cette élue socialisteConner Rousseau: « Quand je me promène à Molenbeek, je ne me sens pas en Belgique » – tombait à pic pour chauffer la salle, faire monter le son et le ton de la discussion. Annabel Tavernier (N-VA), pourfendeuse attitrée de tout ce qui chagrine, contrarie ou menace les intérêts flamands en terre bruxelloise, y est naturellement allée de sa contribution: « Nous avons aujourd’hui à Bruxelles une société parallèle, des gens ne vivent pas ensemble mais côte à côte. Notre capitale ne compte que des îlots sans ponts pour les relier. Dommage que monsieur Rousseau ne soit pas présent parmi nous. » Son expertise aurait été sans nul doute une plus-value à la réflexion désabusée et soupçonneuse sur une inertie bruxelloise.

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