Franklin Dehousse

Quel impact de Trump II sur l’Europe?

Franklin Dehousse Professeur à l'ULiège

L’Europe a développé une triple dépendance aux Etats-Unis: militaire, économique et technologique. Des dépendances qui risquent de se payer cher dans les prochaines semaines.

Donald Trump est si instable que toute prévision pour son second mandat présente un caractère extrêmement aléatoire. Sa position étant bien meilleure qu’en 2017, il faut cependant s’attendre à davantage d’abus, de délire égotique, et à des mensonges encore plus énormes. Aujourd’hui, le président réélu contrôle le Parti républicain, bénéficie du soutien des deux chambres du Congrès ainsi que de la Cour suprême, a une coalition d’oligarques derrière lui, avec lesquels il a préparé sa nouvelle présidence. Son second mandat s’annonce donc comme celui d’un Trump sous stéroïdes. Il présente des dangers bien plus grands que le premier.

Ces dangers valent spécialement pour l’Europe. Celle-ci est une création de l’Etat de droit, de la démocratie, et de la coopération internationale, toutes choses que Trump déteste. De plus, elle a développé une triple dépendance aux Etats-Unis: militaire, économique et technologique. Cela explique l’hostilité constante de Trump pendant son premier mandat, et depuis lors. A cela s’ajoute le sentiment que les dirigeants européens l’ont parfois snobé ou ridiculisé.

Les trois dépendances de l’Europe vont maintenant se payer cher. Le chantage de Trump sur les tarifs douaniers frappe particulièrement son «modèle» (proto-allemand) économique, fondé sur la promotion des exportations et l’écrasement de la demande interne. Les exigences sur la montée des budgets militaires peuvent aisément provoquer de nouveaux affrontements dans l’Otan. La dépendance numérique, vite exploitée par Musk et Zuckerberg, devient déjà une nouvelle source de frictions. On notera, sur les trois points, la réaction largement tétanisée jusqu’ici des dirigeants européens.

Les motifs de conflit ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Les objectifs divergent fortement à d’autres égards. Le climat par exemple, où Trump veut relancer l’exploitation d’énergies fossiles. La finance, où il entend revenir sur les règles de Bâle pour déréguler. Le bitcoin, dans lequel il veut investir. L’OMS, dont le retrait américain risque d’hypothéquer la lutte contre les prochaines pandémies. La Chine, dont il désire que l’Europe s’éloigne davantage. Et Israël, dont Trump soutient avec allégresse toutes les violations du droit international. Ajoutons enfin que si une crise financière se déclare, la mise en œuvre d’une réponse commune s’avèrera très hypothétique.

L’impact de ces divergences devrait être d’autant plus brutal que, entre 2017 et 2025, le contexte européen a lui aussi changé. Beaucoup de gouvernements sont affaiblis (à commencer par l’Allemagne et la France). L’Etat de droit se trouve davantage attaqué. Surtout, l’extrême droite, plus ou moins prorusse, gonfle dans plusieurs Etats membres. En 2017, l’Amérique était divisée, et l’Europe relativement unie. En 2025, c’est plutôt l’inverse.

Un point reste jusqu’ici peu souligné, à tort. Trump sera de loin le plus vieux président américain en fonction. De plus, sa santé mentale paraît déjà hypothéquée à certains égards. On reparlera vite du XXVe amendement de la Constitution (sur l’incapacité du président). Cela offre des perspectives inédites à J.D. Vance, son vice-président. Mieux (et pire) que Game of Thrones.

 

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