Bertrand Candelon
Pourquoi un euro faible pourrait avoir des conséquences positives (chronique)
« Un euro faible constitue une nouvelle normalité à laquelle nous devons nous adapter », estime l’économiste Bertrand Candelon.
Depuis le 12 juillet, un euro vaut un dollar. Un tel taux de change n’avait plus été observé depuis vingt ans et correspond à une baisse de valeur de la devise européenne de presque 20% en moins d’un an.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette évolution. Tout d’abord, face à une inflation galopante qui prévaut depuis le début de l’année, la Réserve fédérale américaine a annoncé et mis en pratique un programme d’augmentations des taux d’intérêt. De son côté, la Banque centrale européenne a attendu la fin juillet pour les augmenter.
Cet écart de taux d’intérêt pèse naturellement sur l’euro qui, moins attractif, se déprécie. L’euro pâtit aussi de la guerre en Ukraine. En effet, les Etats-Unis, producteurs et exportateurs de matières premières énergétiques, sont protégés des conséquences des sanctions contre la Russie. Par contre, les pays européens importateurs d’énergie qui n’ont pas assez diversifié leur approvisionnement se retrouvent à la merci d’une coupure des livraisons russes. Avec l’arrivée de l’automne, cette dépendance inquiète les marchés et tire l’euro à la baisse.
Ensuite, l’euro souffre d’un endettement important qui excède les 100% du PIB dans plusieurs pays – France, Belgique, Italie – et qui risque d’encore se détériorer dans un futur proche, avec la hausse des taux d’intérêt. Les investisseurs estiment qu’une crise de la dette est aujourd’hui envisageable en Europe et intègrent le danger potentiel de fragmentation en demandant une prime de risque accrue pour la détention d’euros, qui perd ainsi de sa valeur. De plus, ce mécanisme est amplifié par les tensions politiques dans certains pays du «cœur européen», comme l’Italie ou la France.
La baisse de l’euro pourrait avoir des effets positifs sur nos économies à plus long terme.
La dépréciation de l’euro entraîne une hausse du prix des biens importés en Europe, réduisant à nouveau le pouvoir d’achat des ménages. Les touristes belges aux Etats-Unis ont déjà pu s’en rendre compte. A l’échelle macroéconomique, la hausse du prix des importations provoque une détérioration de la balance commerciale des pays de l’Union. Pour preuve, en mai dernier, l’Allemagne a enregistré un déficit d’un milliard d’euros, résultat qu’elle n’avait plus connu depuis vingt ans. Une crise de la dette extérieure pourrait alors se profiler, mue par l’accumulation de déficits extérieurs records dans des pays tels que la France ou l’Italie.
Néanmoins, la baisse de l’euro pourrait avoir des effets positifs sur nos économies à plus long terme, notamment pour la relocalisation industrielle: le prix des biens importés étant plus élevé, les produits européens seront plus compétitifs. Ils devraient donc gagner des parts sur les marchés mondiaux. Deux conditions sont, cependant, nécessaires pour que cet avantage opère à plein: l’inflation ne doit pas augmenter plus vite que la dépréciation de l’euro et les pays européens doivent être en mesure de remplacer les importations par des productions nationales. Faute de quoi, une spirale dépressionniste pourrait s’enclencher.
Même s’il est difficile de prévoir l’évolution des taux de change dans le futur à cause de la survenance de chocs exogènes et de la possible surréaction des marchés, il semble qu’un euro faible constitue une nouvelle normalité à laquelle nous devrons nous adapter.
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