Anne-Sophie Bailly

Pourquoi le «s» d’Evras a sa place à l’école

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Parmi les arguments avancés par les anti-Evras, celui de la neutralité de l’école qui l’excluerait de facto d’un quelconque rôle lié à l’éducation sexuelle. Argument erroné…

L’opposition à l’introduction de quatre heures d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles reste particulièrement visible. Après les dégradations et les incendies de plusieurs écoles, des manifestants anti-Evras se sont une nouvelle fois réunis le dimanche 17 septembre. Et les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux continuent d’alimenter la défiance à coup de fake news, avec comme angles d’attaque privilégiés l’apprentissage de la masturbation, l’incitation à la transition de genre ou la banalisation du sexe tarifé, qui seraient prodigués à l’école et mettraient «l’innocence des enfants en danger», le tout sous la menace d’un grand complot pédophile.

Bien que défendues par la classe politique à une quasi-unanimité, ces animations sont donc vilipendées par une minorité virulente issue de mouvances diverses: catholiques réactionnaires chauffés par l’extrême droite, musulmans conservateurs, complotistes.

Certains détracteurs tentent vaille que vaille d’élever le débat un peu plus haut qu’une opposition farouche au «décret de l’enfer», en appellent à la neutralité de l’école, argumentant que l’éducation sexuelle ne devrait pas faire l’objet d’animations durant les classes. Qu’il s’agirait d’un domaine privé et que l’intime devrait rester au sein des familles. Uniquement.

Dans l’éducation sexuelle, l’école a un rôle fondamental au côté des cellules familiales.

Rien n’est plus faux.

Parmi les rôles dévolus à l’école, il y a évidemment l’enseignement des savoirs. Au même titre que l’apprentissage de la tolérance et de la vie en société. Et l’éducation au respect des droits fondamentaux et des libertés. Enlever la dimension d’actrice de l’éducation sexuelle à l’école – car c’est bien le «s» d’Evras qui suscite la levée de boucliers – reviendrait à partir de postulats erronés et à considérer que toutes les familles ont un dialogue ouvert sur les questions de sexualité ou d’éducation affective. Que tous les parents disposent des outils, des mots, des clés pour répondre de manière adéquate aux interrogations de leurs enfants. Que tous les enfants osent aborder ces questions avec leurs proches ou leurs parents.

Or, l’école est un lieu de vie où la parole peut être entendue et questionnée. Car quel adolescent oserait raconter à ses parents que sa classe pratique «l’amitié approfondie», à savoir des relations sexuelles avec chacun pour «créer des liens forts»? Dans cet exemple réel, l’école a pu servir de lieu d’écoute et de débat autour des questions d’intimité, de consentement et de ressenti affectif. Un lieu où la parole peut être utilement récoltée, hors du cercle familial, quand on sait qu’ aujourd’hui, c’est au sein de celui-ci qu’ont lieu plus de 80% des abus sur mineur.

C’est en cela que l’école a un rôle fondamental au côté des cellules familiales. En jouant la carte de la prévention, comme le prévoit le décret. Et non celle de l’incitation, comme les anti-Evras tentent de le faire croire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire