Jules Gheude
Pourquoi le bilan du PS en Wallonie est peu glorieux (carte blanche)
Selon l’essayiste politique Jules Gheude, les réalisations du Parti Socialiste pour la Wallonie sont insuffisantes, alors qu’il a été la principale formation à la tête du gouvernement wallon ces vingt dernières années.
Nombre de plans de relance ont été échafaudés pour la Wallonie depuis 2005. Au cours de ces vingt dernières années, à l’exception du libéral Willy Borsus (un peu plus de deux ans), le poste de ministre-président a été confié au PS.
Bien qu’il s’agisse toujours de gouvernements de coalition, il faudrait toutefois être de mauvaise foi pour prétendre que la gestion des affaires wallonnes n’a pas été marquée du sceau de la gauche. Et, manifestement, cette gestion ne s’est pas avérée concluante. La Région est, en effet, confrontée aujourd’hui à une dette de 37,5 milliards d’euros, un montant qui représente deux fois ses recettes annuelles. L’écart avec la Flandre est ici considérable.
S’il reconnaît que la situation est loin d’être rose (doux euphémisme…), Elio Di Rupo, l’actuel ministre-président, se veut néanmoins rassurant et rejette tout catastrophisme. Il trouve toujours la pièce à mettre au trou : ne perdons pas de vue que nous avons eu l’épidémie Covid, les inondations et aujourd’hui le conflit en Ukraine et au Proche-Orient. Les excuses sont certes faites pour s’en servir, mais qui peut encore être dupe ? Le coût exorbitant des gares de Liège et de Mons, la luxueuse Maison des Parlementaires à Namur sont autant d’éléments qui viennent corroborer le constat de feu l’économiste Robert Deschamps (Facultés universitaires de Namur) : « La Wallonie vit au-dessus de ses moyens et en dessous de ses capacités. »
« La Wallonie ne crée pas assez d’entreprises »
Lors d’une interview récente au Soir, Elio Di Rupo a déploré que « la Wallonie ne crée pas assez d’entreprises ». C’est un point qui mérite qu’on s’y attarde.
Si la Flandre est prospère, elle le doit à un réseau dense de PME innovantes et dynamiques, qui lui permet de réaliser à elle seule plus de 80% des exportations belges (les statistiques de la Banque Nationale sont calculées au départ de chaque entreprise et ne prennent donc pas en considération l’aéroport national ou le port d’Anvers). Les dirigeants flamands ont le sens de l’entrepreneuriat et s’efforcent d’alléger au maximum le quotidien de celles et ceux qui font le choix d’entreprendre (moins de taxes et de contraintes bureaucratiques). Le mal wallon, c’est avant tout une gauche doctrinaire qui se méfie de l’entreprise privée.
Si la Flandre se taille la part du lion en matière d’exportations, il est à noter que son agence FIT (Flanders Investment & Trade) comptait en 2020 323 agents, soit 108 de moins que l’AWEX (Agence) wallonne à l’Exportation).
Car le mal wallon se caractérise aussi par une hypertrophie administrative, fruit d’un clientélisme effréné.
En Flandre, le socialisme présente un visage sensiblement différent de celui de la gauche wallonne
Le PS en Wallonie et Vooruit en Flandre: deux visions du socialisme
En Flandre, le socialisme présente un visage sensiblement différent de celui de la gauche wallonne. On se souvient de la sortie en 2017 du livre « Nouvelles conquêtes », dans lequel Elio Di Rupo, talonné par le PTB, se prononçait pour une radicalisation de stratégie au PS. Une radicalisation qui n’était pas du goût de John Crombez, le président des socialistes flamands : « Les recettes proposées par Elio Di Rupo s’éloignent fortement des nôtres. La société que je désire est très différente de la sienne. » Pour les observateurs, la « rupture idéologique » était consommée.
Sept ans plus tard, Thierry Bodson, le patron de la FGTB, appelle à un front de gauche PS-Ecolo-PTB après les élections du 9 juin 2024. De quoi inciter les investisseurs étrangers à venir s’implanter en Wallonie et encourager celles et ceux qui souhaitent lancer leur propre entreprise ! Selon une étude du CRISP, les Wallons ont totalisé 110 jours de grève en 2017 contre 39 pour les Flamands. C’est cela aussi, la Wallonie…
« Ce ne sont pas les services publics qui créent la richesse, mais les entreprises »
Pour la Flandre, en tout cas, il n’est plus question de se montrer financièrement solidaire d’une Wallonie qui, en 43 ans de régionalisation, n’est pas parvenue à opérer son redressement. Et ce n’est certes pas la perspective d’une Wallonie socialo-communiste qui la fera changer d’avis…
Ce ne sont pas les services publics qui créent la richesse, mais les entreprises. Encore faut-il que certains cessent de considérer les entrepreneurs comme de vils profiteurs !
Oui, la Wallonie manque d’entreprises. Mais l’on ne s’oriente vraiment pas vers un changement de mentalité politique qui permettrait d’ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer l’air vital.
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