Anne Lagerwall

Plainte pour génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice, premier acte (chronique)

Anne Lagerwall Professeure de droit international à l'ULB

La Cour internationale de justice examine une plainte pour crime de génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël. Un acte que l’Afrique du Sud a posé en tant qu’Etat signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

En décembre dernier, la Cour internationale de justice était saisie, dans le contexte des hostilités menées dans la bande de Gaza à la suite des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre, d’une action contre l’Etat d’Israël pour d’éventuels manquements à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

L’action était introduite par l’Afrique du Sud dont l’intérêt à porter devant la Cour une situation si éloignée de Pretoria n’est pas si évident a priori. On le conçoit mieux lorsqu’on sait que cette Convention oblige les Etats à éviter ou punir l’un des crimes internationaux les plus graves qu’il soit et qu’il est dès lors admis que tous les Etats parties à la Convention, y compris l’Afrique du Sud, ont un intérêt à s’assurer de sa bonne mise en œuvre.

L’obligation de prévenir le génocide

L’Afrique du Sud estime que l’Etat d’Israël – ses soldats, ses dirigeants ou des groupes qu’il contrôle ou sur lesquels il exerce une influence – violent la Convention. Elle allègue qu’Israël a failli à son obligation de prévenir un génocide, de ne pas participer à sa perpétration, de ne pas l’encourager et de garantir sa répression.

Il faudra des années à la Cour pour établir les faits, interpréter le droit et décider de l’éventuelle responsabilité d’Israël à cet égard. En attendant, l’Afrique du Sud a demandé que la Cour prenne des mesures urgentes afin de protéger les Palestiniens de Gaza. La Cour a pris ses mesures le 26 janvier. Mais que signifient-elles précisément?

La Cour a décidé qu’Israël «doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte de génocide» et «doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes de génocide» définis par l’article II de la Convention.

La Cour a ajouté qu’Israël «doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide» et «doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza».

La requête de l’Afrique du Sud prise au sérieux

Cela ne signifie pas que la Cour soit convaincue, à ce stade, qu’un génocide se commet ou pourrait se commettre, et qu’Israël en porte la responsabilité. Mais cela veut dire que les analyses de l’Afrique du Sud lui semblent plausibles et qu’il lui paraît nécessaire d’adopter des mesures urgentes.

La requête est ainsi prise au sérieux par la Cour, contrairement à plusieurs Etats occidentaux selon lesquels cette action est «mal fondée et provocatrice» (Royaume-Uni) ou que «accuser l’Etat juif de génocide, c’est franchir un seuil moral» (France).

La Cour n’a, par contre, pas ordonné qu’Israël suspende ses opérations militaires. Peut-être cette mesure ne présentait-elle pas, à ses yeux, un lien suffisamment étroit avec le respect de la Convention.

Ce silence ne saurait s’interpréter comme une reconnaissance de ce que les opérations militaires israéliennes se justifient au regard de la Charte des Nations unies et du droit à la légitime défense que la Charte reconnaît, autant de questions sur lesquelles la Cour n’était pas invitée à se prononcer.

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