Anne Lagerwall
L’important avis de la Cour internationale de justice au sujet du territoire palestinien occupé (chronique)
La CIJ a rappelé que le territoire palestinien occupé comprend la bande de Gaza, qu’Israël opère une forme d’apartheid en Cisjordanie, et que les Etats doivent refuser de reconnaître l’occupation.
Au milieu de l’été, la Cour internationale de justice a rendu un avis consultatif très attendu au sujet des politiques et des pratiques adoptées par Israël dans le territoire palestinien occupé. Dans cet avis demandé fin 2022 par l’Assemblée générale, bien avant les attaques d’octobre 2023 par le Hamas et la riposte militaire qu’elles ont suscitée, la Cour a choisi de ne pas aborder ces événements, qui se trouvent par ailleurs au cœur de deux autres affaires dont elle est saisie. Il n’en reste pas moins qu’à travers son avis, elle apporte des éclairages utiles à l’analyse de la situation actuelle. Elle y rappelle et précise les obligations qui incombent à Israël ainsi qu’aux autres Etats à l’égard de l’occupation et de l’annexion dont le territoire palestinien fait l’objet, d’une façon qui mérite qu’on s’y attarde à trois égards.
Premièrement, la Cour identifie le territoire palestinien occupé comme étant constitué de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza, écartant ainsi l’analyse parfois émise selon laquelle la bande de Gaza ne pouvait être considérée comme un territoire occupé depuis le retrait des forces israéliennes en 2005 et le démantèlement des colonies qui y étaient implantées. Israël y est bien une puissance occupante, même après 2005, et doit par conséquent y garantir l’intérêt de la population en vertu du droit international humanitaire.
Deuxièmement, la Cour souligne que les politiques et les pratiques appliquées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est –notamment la soumission des seuls Palestiniens à l’obtention d’un permis de résidence ou à l’utilisation de réseaux routiers distincts– opèrent une séparation entre la population palestinienne et les colons qui y sont transférés. Cette ségrégation physique et juridique viole l’interdiction de la ségrégation raciale et de l’apartheid, au sens de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à laquelle Israël est partie.
Troisièmement, la Cour rappelle les conséquences juridiques qui découlent pour tous les autres Etats de ces violations du droit international. Les Etats doivent refuser de reconnaître comme licite l’occupation par Israël du territoire palestinien et ne prêter aucune aide ou assistance à la poursuite de cette occupation. Ils doivent coopérer pour mettre fin à la présence illicite d’Israël dans le territoire palestinien occupé. Ils doivent distinguer, dans leurs échanges avec Israël, entre le territoire propre de cet Etat et le territoire palestinien occupé, de sorte à ne pas entretenir de relations avec Israël dans tous les cas où il s’agit du territoire palestinien. Ils doivent enfin prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux et les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le territoire palestinien occupé.
Formellement, cet avis ne revêt pas de caractère obligatoire. Mais en pratique, les avis de la Cour sont compris comme des interprétations particulièrement autorisées des principes conventionnels ou coutumiers du droit international qui sont, eux, obligatoires. Reste à voir la manière dont les acteurs internationaux s’acquitteront de leurs obligations rappelées dans cet avis important.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici