Anne-Sophie Bailly
Mithra, une licorne qui s’est brûlé les ailes
Mithra est passé du statut de licorne à celui de penny-stock. Elle est aujourd’hui à court de cash. Pourtant l’histoire présentée était si belle.
Le narratif était bien ficelé. Il avait de quoi séduire. Il racontait les promesses d’une future pépite portée à bout de bras par deux fondateurs visionnaires et ambitieux. D’une spin-off qui rapprocherait la recherche fondamentale du monde entrepreneurial. D’une start-up qui allait poser les jalons d’un écosystème vertueux, symboliser le redressement de la Wallonie, concrétiser le plan Marshall, créer de l’emploi. Il esquissait la mue d’un distributeur de produits génériques vers un fleuron de la biotechnologie et de la santé féminine. Création d’un pôle de compétences, introduction en Bourse, développement interna- tional. Ce serait le nouveau GSK wallon, le Bayer liégeois. Il y aurait probablement des impasses et des échecs, mais surtout des rebonds et des succès.
Mithra, une licorne qui s’est brûlé les ailes.
Le narratif était bien ficelé. Il a séduit. Les pouvoirs publics, les marchés financiers, les investisseurs.
Mithra, une machine à brûler du cash gérée par des CEO en cascade
La réalité raconte une autre histoire. Celle d’une machine à brûler du cash, lourdement endettée, largement et longtemps financée par les pouvoirs publics wallons. Quelque 85 millions d’euros sous forme de prêts, de subsides, d’aides à l’investissement, de prises de participations, avait calculé Le Vif, en 2021. Celle d’un entre-soi provincial et de conflits d’intérêts qui, pourtant dénoncés par des investigations journalistiques fouillées, ont bénéficié au mieux d’un manque de bonne gouvernance et d’éthique, au pire d’une trop grande complaisance.
C’est aussi le feuilleton d’une guérilla permanente entre des CEO en cascade et un fondateur-actionnaire à l’entregent ostentatoire et aux ennuis judiciaires majeurs, dont une enquête pour délits d’initié, une tentative de participer au «casse du siècle» du démantèlement de Nethys, un passage par la case prison.
C’est la saga d’une bulle boursière soutenue par des actionnaires en quête de rendement et par une convergence d’intérêts freinant les reventes de parts mais que les promesses non tenues ont fini par faire éclater. C’est aussi la réalité de petits investisseurs oublieux des fondamentaux et aujourd’hui lésés, et celle de deux cents travailleurs à l’avenir incertain.
Cette histoire, c’est celle d’une licorne qui s’est brûlée les ailes. Cette histoire, c’est celle de Mithra.
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