Gérald Papy
« L’influence de l’extrême droite s’exprime aussi, violente, dans la rue. Ce n’est pas le moins inquiétant »
A quatre jours d’intervalle, les électeurs de deux grandes nations, l’Argentine et les Pays-Bas, ont porté en tête des suffrages des candidats de l’extrême droite. Le 19 novembre, Javier Milei a été élu président de la deuxième puissance économique d’Amérique du Sud. Le 22, à l’issue des élections législatives, Geert Wilders a été désigné comme le plus à même de former un gouvernement à La Haye.
Aux parcours différents, les deux hommes partagent aujourd’hui le même défi. En vertu des 29,99% récoltés lors du premier tour de la présidentielle argentine et des 23,6% qui ont consacré la victoire du Parti pour la liberté à l’issue des élections générales néerlandaises, Javier Milei et Geert Wilders sont certes aux portes du pouvoir. Mais leur assise électorale, limitée, les oblige à forger des alliances avec d’autres composantes du spectre politique national pour l’exercer effectivement.
L’extrême droite obligée à forger des alliances
Faute de cordon sanitaire politique, le pari pourrait être relevé, en Argentine avec une droite traditionnelle, trop heureuse de reléguer les héritiers du péronisme dans l’opposition, aux Pays-Bas avec des formations de création récente, le Nouveau contrat social et le Mouvement agriculteur- citoyen, dont les dirigeants se verraient bien capitaliser sur leur surprenant succès. La conséquence sera automatique: les ententes de gouvernement nécessiteront des compromis. Et les feuilles de route des coalitions passeront au bleu les points les plus controversés des programmes des extrémistes.
C’est un principe de l’exercice du pouvoir que la realpolitik rattrape toujours les gouvernants, coalition ou pas d’ailleurs. Et que les promesses électorales les plus radicales en font souvent les frais. Dans le registre de la gouvernance d’extrême droite, la Première ministre italienne Giorgia Meloni en a fait la notable expérience sur l’immigration et sur la politique européenne depuis son entrée en fonction voici un peu plus d’un an.
Leurs idées, même atténuées, pèsent sur le débat politique
Ce polissage forcé des aspérités idéologiques des partis d’extrême droite accédant au pouvoir ne doit pourtant pas endormir la vigilance des démocrates. Même atténuées, leurs idées – racistes, discriminatoires ou attentatoires à l’Etat de droit – infusent dans les milieux politiques et dans la société. Or, le combat pour la démocratie ne peut pas se concevoir sans une lutte contre les idées qui nient ses valeurs.
L’Union européenne apparaît particulièrement exposée à cette influence. Elle s’exprime dans les urnes aux Pays-Bas, en Slovaquie, en Hongrie, en Allemagne, où l’AfD a encore progressé aux élections en Bavière et en Hesse le 8 octobre, en France ou en Belgique. Elle s’exprime aussi de façon violente dans la rue. Ce n’est pas le moins inquiétant. Le meurtre d’un jeune homme dans un village de la Drôme en France et l’attaque de deux adultes et de trois enfants par un individu porteur d’une arme blanche à Dublin – deux faits divers impliquant des personnes d’origine étrangère – ont donné lieu à des manifestations de membres de groupuscules d’extrême droite qui ont débouché sur des violences. Auraient-ils agi avec une telle détermination désinhibée il y a quelques années? Le combat contre l’extrême droite, une priorité de plus en plus d’actualité.
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