Franklin Dehousse
L’Europe sait-elle passer des commandes communes?
Quand la guerre en Ukraine a commencé, on pouvait prédire un conflit long et requérant un programme d’armement massif. Ne l’ayant pas compris, les Européens ont découvert après treize mois leur déficit massif d’obus. Les commissaires Josep Borrell et Thierry Breton avaient présenté une réflexion informelle sur les armements en novembre 2022, négligée par leur propre présidente. L’idée a finalement été reprise pour les obus en février 2023 par la Première ministre estonienne, Kaja Kallas. Encore une fois, la Commission ne fait que récupérer les propositions des Etats, sans la moindre préparation sérieuse.
Depuis, les Etats membres, sous l’illustre guidance de Charles Michel, n’ont pas encore réussi à définir leur programme d’action, même pour de simples obus. A la Commission comme au Conseil, l’inefficacité règne. Maintenant, chaque jour, des soldats ukrainiens le paient de leur vie. Demain, quand l’Ukraine aura été démantibulée par Poutine, les contribuables européens le paieront de leurs impôts.
Le concept d’achats européens communs reste fondé. Encore faut-il disposer de responsables capables de le gérer de façon efficace. A l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. Or, dans la grande compétition pour les nominations européennes de 2024, cette capacité recueille une attention nulle. Chacun veut placer sa nationalité, son parti, ses amis. La compétence, qui s’en soucie? L’addition, de toute façon, sera payée par les autres.
Franklin Dehousse, professeur à l’ULiège, ancien représentant de la Belgique dans les négociations européennes, ancien juge à la Cour de justice de l’Union européenne.
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