Carte blanche
Les rails de la guerre: pourquoi l’Ukraine devrait développer son réseau ferroviaire (carte blanche)
Pour l’ancien eurodéputé Olivier Dupuis (parti Radical), l’Ukraine aurait tout intérêt à développer son réseau ferroviaire pour se défendre face à la Russie. Et l’Union européenne devrait l’y aider.
Les autorités ukrainiennes ont lancé il y a peu un appel à propositions en vue d’améliorer les capacités de défense du pays. En voici une qui, croyons-nous, pourrait contribuer à renforcer tant la défense immédiate du pays que celle à plus long terme. Et, au-delà, favoriser l’intégration de l’Ukraine dans l’espace économique européen.
L’idée naît de la constatation que la logistique de l’armée de la Fédération de Russie est organisée, comme l’était celle de l’armée soviétique, autour du transport ferroviaire. Afin de contribuer à entraver la possibilité pour l’armée russe d’utiliser le réseau ferroviaire ukrainien pour acheminer hommes, équipements et munitions, la proposition a donc logiquement pour objectif de créer des « points » de rupture de charge tout le long des frontières séparant l’Ukraine de la Russie et du Belarus[i].
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En d’autres termes, elle consisterait à passer de l’actuel écartement de type soviétique (1520 mm) à l’écartement européen (1435 mm) sur l’ensemble des segments (50 – 100 km) du réseau ferroviaire ukrainien reliant ces frontières aux différents centres régionaux. Cela donnerait naissance à un réseau ferroviaire régional qui permettrait aux habitants de ces régions frontalières de continuer à bénéficier de ce mode de transport tout en obligeant l’agresseur russe à ne pouvoir l’utiliser qu’au prix de coûteuses ruptures de charge.
Dans un premier temps, il s’agirait de transformer les lignes reliant la frontière du Belarus aux villes ukrainienne de Kove, Rivne, Korosten et Chernihiv et celles reliant la frontière de la Russie à Konotop, Kharkiv, etc. Dans l’attente que l’armée ukrainienne dispose de moyens suffisants de défense anti-aérienne et de contre-artillerie pour assurer une protection efficace du personnel travaillant dans ces zones frontalières, les travaux de transformation des derniers kilomètres, toujours à la portée de l’artillerie russe (30 km), pourraient se limiter au démontage de la ligne existante.
Dans un deuxième temps, d’autres tronçons situés actuellement dans des zones occupées par la Russie pourraient, après leur libération par les forces armées ukrainiennes, être modifiés : de la frontière russe à Izium, Luhansk, Kraznyiluch, Makijvka, de Mariupol à Donetsk, de Berdiansk à Dnipro, de Simferopol à Melitopol, de Kerch à Kherson, etc.
De façon quelque peu contre-intuitive, un tel projet permettrait également d’entamer l’indispensable modernisation du réseau ferroviaire ukrainien non pas en commençant par les lignes reliant les grandes villes d’Ukraine mais par celles reliant les régions périphériques du pays à un ensemble de centres régionaux. Selon des chiffres donnés par le Ministère des infrastructures en 2021, 90% du matériel roulant devrait être remplacé et 11.000 km (sur 27.000) de voies nécessiteraient des réparations urgentes
Le ministère ukrainien des Transports et la Société des Chemins de fer ukrainiens (Ukrzaliznytsia) pourraient proposer aux sociétés des Chemins de fer et aux sociétés de gestion des réseaux ferrés des pays de l’Union européenne de participer au projet sur l’un ou l’autre des tronçons à transformer en fournissant notamment les engins de travaux adaptés à l’écartement européen ainsi que le nouveau matériel roulant. Un tel projet pourrait s’inscrire dans le plan de reconstruction sur lequel travaillent déjà les autorités ukrainiennes et diverses organisations internationales. Il aurait l’avantage de pouvoir être mis en œuvre sans attendre la fin de la guerre. En outre, dans la mesure où il s’agirait d’un projet de reconstruction, il pourrait selon toute vraisemblance bénéficier de la participation de la Commission européenne à son financement.
Last but not least, à un moment où des centaines de milliers d’Ukrainiens ont perdu leur emploi en raison de la politique de destruction massive d’infrastructures publiques et d’entreprises privées mise en œuvre par la Russie, un tel projet pourrait être l’occasion de donner de nouvelles opportunités d’emploi à un nombre important d’Ukrainiens.
Olivier Dupuis, ancien député européen du parti Radical
Le titre est de la rédaction. Titre original: « Les rails de la guerre. Une initiative ferroviaire de l’Union pour la défense de l’Ukraine«
[i] L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont confrontées au même problème.
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