Carte blanche

« Le sort que le MR et les Engagés réservent à l’école publique ressemble à un saccage organisé » (carte blanche)

Maud de Ridder, échevine de l’Enseignement à Forest (Ecolo), s’inquiète de la vision du MR et des Engagés pour l’enseignement officiel.

Parmi mes lectures estivales, il y a eu celle de l’accord du nouveau gouvernement de la FWB – chapitre enseignement obligatoire (alors on respire un bon coup et on y va). Je m’attendais au pire et tristement je n’ai pas été déçue. Merci Messieurs et Mesdames du MR et des Engagés (Faut-il mettre le e médian, je ne sais plus).

J’ai avalé de travers, frotté mes yeux (est-ce que je lis bien ?) et fermé mon ordinateur avec colère. Ce truc est dingue. Je suis cependant retournée à mes dalles chaudes et mes rivières, après tout je n’allais pas troubler la quiétude de mes collègues enseignant.e.s par un post encoléré au mitan de l’été.

La rentrée est là à présent et je veux vous dire quelques mots du sort que le tandem MR-Engagés réserve à notre enseignement officiel.

Le système éducatif belge est un des plus inégalitaires et sélectifs d’Europe, il se partage entre les écoles élitistes et les «autres». Pendant 20 ans, j’ai enseigné dans une de ces «autres». Avec fierté et de mon mieux. J’aimais mon école, j’aimais les élèves. Eux avaient une conscience aiguë de leur relégation. Oh madame, on sait bien qu’ici c’est une école poubelle, disaient-ils sur un ton tout à la fois bravache et amer. Messieurs et Mesdames du MR et des Engagés, avez-vous entendu les recommandations des professionnel.le.s du secteur? Pour relever le niveau comme on dit, il faut mettre fin au marché scolaire, financer bien plus les écoles fréquentées par les élèves des milieux populaires, investir massivement dans l’école maternelle. Que proposez-vous? Rien de cela, mais un retour en arrière avec le rétablissement de la réorientation précoce (donc dès la 3e secondaire) et l’obligation pour les élèves sortant du qualifiant de se limiter à des études supérieures en lien avec leur domaine de qualification. Inouï. Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley n’est pas loin (vous vous souvenez, la classification des êtres humains et l’impossibilité d’en sortir, tu es né delta, tu ne deviendras jamais alpha, etc.). Vous permettez, j’avale une fois encore de travers.

Face à la pénurie galopante d’enseignant.e.s, qu’avez-vous imaginé ? Valoriser les enseignant.e.s, leur faire confiance, écouter leurs besoins et prendre en compte leur expertise? Leur proposer des formations passionnantes et utiles? Faciliter éventuellement la mise en place de projets porteurs de sens? Réduire enfin le nombre d’élèves par classe? Bien sûr que non. Vous prévoyez de supprimer les nominations et les détachements, de faire travailler davantage les enseignant.e.s qui ont eu le courage de faire un master complémentaire (By the way, les instituteur.ice.s qui obtiennent un master en sciences de l’éducation ne pourront plus le valoriser). Détériorer les conditions de travail, toucher au statut quand le secteur est au plus mal me semblent une bien curieuse façon de valoriser les enseignant.e.s en place et rendre le métier attractif.

En Belgique, il y a 2 réseaux, l’officiel qui regroupe notamment les écoles de l’enseignement communal et de WBE et l’enseignement libre qui regroupe les écoles confessionnelles et non confessionnelles (Decroly par exemple). C’est une aberration qui alimente et attise la concurrence entre les écoles, entre les Pouvoirs Organisateurs (PO). Vous le savez, nous le savons depuis des décennies. Ah, vous avez décidé de mettre les mains dans le cambouis, mais à demi seulement, faudrait quand même pas aller au bout des choses ni être de bon compte. Vous fusionnez uniquement les PO de l’officiel et préserver le fonctionnement du réseau libre! Le risque de déstabiliser les écoles publiques et de précariser les jeunes enseignant.e.s est énorme. En outre, cela va creuser encore les inégalités scolaires. Ce sont les plus vulnérables qui vont payer le prix fort car les élèves favorisés s’en sortiront toujours. 

Trente ans que les réformes se succèdent et s’additionnent dans l’enseignement. Pourquoi bouleverser une nouvelle fois son organisation? Pourquoi changer une énième fois d’aiguillage? C’est un manque de respect, une ultime provocation vis-à-vis d’une catégorie  – essentielle vous vous souvenez – en souffrance et dont vous devriez au contraire prendre soin!

Élève, puis enseignante et maintenant échevine dans un PO communal, j’ai peur pour notre école publique. Que restera-t-il d’elle au terme de cette législature? Le sort que le MR et les Engagés lui réservent ressemble à un saccage organisé. A qui profitera le crime?

L’école officielle, c’est l’école de et pour tous et toutes. Depuis 6 ans maintenant, c’est ce qui me mobilise au quotidien et jamais je ne baisserai les bras: je continuerai à œuvrer pour le bien-être des élèves aux côtés des équipes pédagogiques, pour la qualité des apprentissages, pour un enseignement inclusif et juste.

PS: excusez pour l’écriture inclusive, je suis une femme et n’en déplaise à certains, je refuse d’être invisibilisée par une forme masculine prétendument neutre.

Maud de Ridder, échevine de l’Enseignement à Forest

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