Benjamin Hermann
Le lieu commun de Benjamin Hermann | Les négociations fédérales ne sont pas qu’un combat de coqs
Un combat de coqs? Les cinq partis de l’Arizona ne sont toujours pas parvenus à s’entendre pour former une coalition. On a parfois tendance à réduire les difficultés à une lutte d’egos entre présidents. Mais cette explication est un peu courte…
Les négociations fédérales patinent, depuis sept mois et une floppée de visites chez le roi. Cette réalité politique n’est presque plus un sujet d’inquiétude des Belges.
Cela a souvent été dit: les échéances fixées successivement, depuis la fin de l’été jusqu’à l’Epiphanie, ont toutes été grillées par les cinq partis de l’Arizona. Chacun peut y aller de son interprétation, quant aux raisons qui expliquent cette stagnation. Mais il y en a une qui est régulièrement évoquée, plus ou moins explicitement: le combat de coqs. S’ils n’y parviennent pas, c’est à cause de l’ego hypertrophié d’un ou plusieurs présidents de parti.
Certes, le tempérament des interlocuteurs autour de la table et la nature de leurs relations interpersonnelles importent. C’est une évidence. Mais peut-être a-t-on parfois tendance à réduire à des questions de personnes des frictions qui, tout de même, soulèvent des questions politiques un peu plus fondamentales.
Ce serait oublier un peu vite que des marasmes politiques, la Belgique en a connu d’autres. Pour s’en convaincre, par exemple, on se replongera dans la décennie 1980 et sa succession de gouvernements Martens. A l’époque, on retournait plus facilement aux urnes, mais on prenait moins de risques dans l’aventure. L’électorat était bien moins volatil.
Cela reviendrait aussi à nier le fait que l’attelage politique de l’Arizona n’est pas aussi homogène que ce qu’on a pu croire un instant. Entre libéraux, socialistes, centristes et nationalistes, tantôt francophones, tantôt néerlandophones, l’équilibre n’est manifestement pas si facile à trouver. C’est d’autant plus vrai lorsque chacun se sent parfaitement légitime et indispensable. Et ça l’est encore davantage lorsqu’on entreprend un effort budgétaire de l’ordre de 23 milliards d’euros, dont quelque 18 milliards d’économies.
Le conflit d’egos est tangible, mais il n’explique pas seul les profondes divergences de vue.
Le conflit d’ego est tangible, peut-être, mais il n’explique pas seul les profondes divergences de vue qui apparaissent logiquement lorsque les libéraux se montrent intransigeants sur l’allègement de la pression fiscale, ou lorsque les socialistes posent des conditions sur le financement de la sécurité sociale.
Un projet de réforme des retraites provoque son lot d’inquiétudes dans la fonction publique, singulièrement parmi les enseignants. Il soulève aussi l’épineuse question de la viabilité à long terme du système.
Les récentes bisbilles fiscales entre MR et CD&V concernent des pans entiers de l’activité économique. Les questions communautaires sont omniprésentes, elles appellent à la vigilance des partis du nord et du sud. Le contexte géopolitique conduira à un refinancement de la Défense, sans doute plus important que prévu, ce qui imposera nécessairement des contreparties ailleurs. La politique migratoire, elle aussi, fait partie de ces sujets politiques sensibles.
Après tout, on y parle de fiscalité, d’emploi, de sécurité sociale, de pensions ou encore de santé, autour de cette table. A trop se concentrer sur la lutte des ego, on risquerait presque d’en oublier les combats d’idées qui se jouent, entre des conceptions politiques décidément plus éloignées les unes des autres que ce qu’on aurait voulu croire au lendemain des élections fédérales.
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