Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | Délictueux ou non, un propos peut être raciste

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Existe-t-il une seule personne sensée qui se déclare ouvertement raciste ? On pourra toujours formuler des banalités, comme celle selon laquelle nous aurions tous un fond de racisme en nous, il n’est guère évident de trouver un individu qui l’affiche fièrement. Personne ne se dit raciste, comme personne n’affirmera qu’il est un con. On est pourtant toujours le con de quelqu’un. Et chacun admettra que les cons existent, au même titre que les racistes. Mais ce n’est jamais soi. Et si d’aventure on s’était fait surprendre à proférer des propos douteux, c’est parce qu’on ose dire tout haut ce que d’aucuns pensent tout bas. Ou parce que nos paroles ont dépassé nos pensées. Ou qu’on avait bu, trop, et qu’on le regrette amèrement.

L’excès d’alcool, voilà précisément l’explication que le président des socialistes flamands, Conner Rousseau, a fournie au moment de présenter ses plus plates excuses. Affirmer qu’il pense en son for intérieur ce qu’il a dit au terme d’une nuit arrosée, début septembre, serait sans doute un procès d’intention. Mais il a dit ce qu’il a dit, il l’a lui-même reconnu. Et, d’après les informations parues dans la presse néerlandophone, il s’agissait bien de quelques invectives adressées à des policiers. Il était question de matraque et, de façon à peine voilée, de la communauté rom.

« Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. » La phrase de Guy Bedos est régulièrement citée, avec les meilleures intentions du monde. Le racisme n’est pas une opinion légitime, tant et si bien que des expressions ou des comportements qui en découlent sont condamnables sur le plan juridique. Les propos de Conner Rousseau peuvent potentiellement tomber sous le coup de la loi Moureaux contre le racisme et la xénophobie, a rappelé Unia, qui s’est saisie du dossier. « Si les propos sont confirmés, ces déclarations pourraient constituer une incitation à la discrimination, voire à la violence. »

L’avenir dira si ces propos sont condamnables par la loi. Le passé permet déjà de déterminer qu’ils le sont sur le plan de la morale. Parce qu’en réalité, même s’ils devaient ne pas être délictueux, ils expriment une opinion, nauséabonde. On peut exprimer des propos aux relents racistes, même s’ils ne sont pas juridiquement condamnables, au même titre que l’on peut rouler dangereusement, même sous la limite de vitesse autorisée. Il a beau les regretter et ne pas y souscrire, le président de Vooruit les a exprimés.

Hormis les jeunes socialistes gantois et quelques personnalités, en ordre dispersé et à fleurets mouchetés, il ne se trouvait pas grand monde ces derniers jours dans les rangs de Vooruit pour s’indigner avec vigueur. Conner Rousseau est apparu ces derniers mois comme l’homme providentiel, celui par qui Vooruit pourra reconquérir l’électeur, pas forcément insensible à ce « parler-vrai » du jeune président de parti, fût-il nauséabond sous l’effet de l’alcool. Il est celui par qui passera éventuellement une grande alliance avec la N-VA de Bart De Wever. Il est peut-être celui qu’on ne fera pas tomber de son piédestal, parce que ces espoirs l’ont rendu intouchable. L’injure raciste endurée par la communauté rom n’y changera rien, si cette issue cousue de fil blanc se confirme.

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