Juliette Debruxelles
Le glory hole, cette pratique sexuelle toujours au goût du jour: « Si le coup foire, personne n’a à affronter de regard » (chronique)
Autrefois cantonné au milieu homosexuel réprimé, le glory hole ne se limite plus à sa vocation première de préservation de l’anonymat. Stimulation de l’imaginaire, relation sexuelle sans engagement, individualisme égocentré: la pratique répond désormais à des besoins propres à notre époque.
Toc, toc, toc! C’est qui? Le zizi d’un inconnu qui apparaît dans un trou découpé dans la cloison! Surprise, non? Pas pour les adeptes du glory hole. Des trous de plus ou moins grande taille percés dans les murs des toilettes, des clubs ou autres lieux interlopes. Des trous permettant de donner et recevoir une fellation ou toutes formes de pénétration.
Si le glory hole connut une flambée de popularité dans les milieux homosexuels réprimés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, c’est dans les années 1970 qu’il fleurit dans les endroits fréquentés par la communauté gay.
L’avantage premier de la pratique étant de préserver l’anonymat, il offrait tant aux personnes homosexuelles stigmatisées qu’aux hétéros vacillants le plaisir d’un contact viril sans risque pour leur réputation.
Pas que l’anonymat
C’était là la fonction première de cette pratique, avant qu’elle ne réponde à des besoins propres à notre époque.
Dans le glory hole d’aujourd’hui, la mécanique reste identique, mais les motivations, elles, subissent de nouveaux filtres sociaux. La recherche d’anonymat répond à d’autres us. Vivre derrière un écran est devenu le quotidien. Qu’il s’agisse de celui d’un ordinateur ou d’une pissotière, après tout, qu’importe.
Voyeurisme digital, contacts et sexe virtuels à travers les apps de rencontre et messageries instantanées, exigence d’un plaisir disponible H24… Le digital a contribué à réduire la sexualité de certains à un plaisir purement génital doublé d’une stimulation accrue de l’imaginaire. Reste que le contact avec une langue bien réelle et des boyaux chauds sont des sensations qu’il est difficile de reproduire en solo… Le glory hole prend alors tout son sens.
Pas de bonjour, de merci, d’au revoir. Comme sur les réseaux sociaux, en somme.
On ne tombe pas amoureux dans un glory hole
Derrière ce mur comme derrière l’écran, l’autre peut tour à tour devenir une sublime brute musclée, un personnage de World of Warcraft, une victime contrainte. Permission est également accordée à soi-même de se croire le coup du siècle.
Le scénario individuel n’est pas troublé par la réalité puisque aucun autre contact que ceux autorisés par la largeur du trou n’est échangé. Pas de briefing, pas de débriefing. Pas de bonjour, pas de merci, pas d’au revoir. Pas de précautions oratoires. Comme sur les réseaux sociaux, en somme.
Pas de risque non plus de se laisser gagner par une montée d’ocytocine et de confondre reconnaissance du ventre et amour naissant. On ne tombe pas amoureux dans les glory hole. On ne prend pas le risque d’être, de décevoir, de subir la pression de performance d’une relation – aussi fugace soit-elle – comme dans la «vraie vie».
Si le coup foire, personne n’a à affronter de regard. Pas de numéros échangés ni d’attente d’un message qui n’arrivera jamais. L’individualisme égocentré dans toute sa splendeur contemporaine et glacée.
Orgie sous l’aubette
Quid de ceux qui rêvent de pratiquer, mais qui craignent les échardes (inévitablement présentes sur les bords du trou percé à la va-vite et qui n’a pas été poncé)? Il leur reste les vidéos pornos populaires sur les sites spécialisés. La catégorie fait recette, les scénarios se répètent.
Gros plan sur un duo d’organes humides ou orgies organisées autour d’aubettes d’où dépassent des bouches béantes, des moitiés de corps, des mains et poignets vigoureux. Des hommes s’y agglutinent, y font la file, et contre quelques dizaines d’euros, pénètrent ce qu’ils veulent. Ogres modernes capricieux, jouisseurs frénétiques et autocentrés. Qui sont-ils? L’autre ne le saura jamais. «Un trou est un trou», disent encore les plus raffinés d’entre nous…
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