Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Le mystère des petits mouchoirs: quand le sexisme se cache dans le moindre détail
Peut-être celles et ceux qui en utilisent ne l’ont jamais remarqué: les mouchoirs pour les femmes sont plus petits que ceux pour les hommes. Un détail qui en dit beaucoup.
Qu’un slip et une culotte n’aient pas les mêmes dimensions peut se comprendre. Idem pour des gants, des chaussettes ou des ceintures. Mais pourquoi diable les… mouchoirs masculins et féminins n’ont-ils guère la même taille?
Non, mais c’est vrai: une recherche rapide sur un site de vente en ligne bien connu le démontre. Bout de tissu carré pour ces messieurs: 40×40 centimètres. Modèle pour ces dames: 28×28. 30×30, au mieux. Un fabricant de ces objets que la version papier n’a, étrangement, jamais enterrés, confirme: femmes, 28,5×28,5 centimètres, et pour les hommes, du 33 au carré.
Evidemment, ces produits au format réduit coûtent peu ou prou la même chose, ce qui relève in fine d’une belle arnaque, étant donné l’économie de matériau. Mais les motifs à cœurs, à fleurs ou à papillons se révèlent peut-être plus onéreux que les austères carreaux… ou il s’agit alors d’une nouvelle manifestation de la fameuse taxe rose, qui fait régulièrement payer les déclinaisons féminines d’un produit (jouets, rasoirs, déodorants, bains douche et tutti quanti) plus cher sous prétexte qu’ils arborent un emballage girly.
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Bref, revenons-en à nos petits mouchoirs. Cette différence genrée de format pourrait parfaitement s’expliquer si ces morceaux de tissus servaient, pour eux, à évacuer le souvenir d’un onanisme consommé mais, aux dernières nouvelles, les essuie-tout occupent tout ce marché. Inversement, puisqu’elles sont régulièrement qualifiées de pleurnicheuses –ouin, ouin–, il aurait été logique que les utilisatrices bénéficient des plus grandes dimensions de coton. Mais non.
Les objets pour femmes sont souvent miniaturisés, tant pis s’ils sont moins pratiques, tant que c’est mimi.
Alors, quoi? Les hommes sécréteraient-ils davantage de morve? Apparemment pas, jusqu’à preuve scientifique du contraire. Tout cela s’expliquerait, notamment, par une autre différence de taille: celle des mains. Les mouchoirs seraient ainsi cousus pour s’adapter aux doigts de celles et ceux qui les emploient mais, bizarrement, nul ne s’est jamais appliqué à développer des torchons de vaisselle ou de nettoyage au format mini (probablement parce que ces messieurs se curent davantage le nez qu’ils ne récurrent les assiettes ou les sols).
Ce serait aussi de la faute des poches. Celles qui affublent les vêtements féminins –quand il y en a– seraient, en moyenne, 48% plus petites et 6,5% plus étroites qu’en version masculine. Ce qui signifie que leurs porteuses ne parviennent en général pas à y enfoncer plus que les phalanges, alors un carré de 40 sur 40… Mais n’est-ce point pour cet usage que Dieu a créé le sac à main?
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L’enquête continue, et sans doute faut-il à ce stade prendre un bain d’histoire. Les mouchoirs furent, à travers les âges, des accessoires surtout féminins, qui tombaient d’une fenêtre dans l’espoir d’être ramassés par l’être aimé ou qui étaient jetés à terre pour signifier, en des termes anachroniques, que la demoiselle voulait «choper». Tout ça pour dire que leurs détentrices avaient tendance à choisir des modèles plus coquets, brodés, petits, tandis que les utilisateurs privilégiaient le fonctionnel (explication qui vaut aussi pour les vélos: la barre horizontale, plus solide, pour eux; celle de biais pour elle, même si c’est moins solide, ça permettait de ne pas trop lever la jambe et la jupe).
Les objets destinés aux femmes ont de toute façon toujours tendance à être miniaturisés, des sacs aux parapluies en passant par les voitures, tant pis s’ils se révèlent moins pratiques, tant que c’est mimi! Le sexisme se cache décidément dans les moindres détails.
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