Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Ces hommes qui vont repartir avec plein de cadeaux à Noël sans avoir rien foutu en amont
Il y en a un dans toutes les familles: un homme qui n’a participé à aucun préparatif et qui quitte le réveillon de Noël les bras couverts de cadeaux. Merci qui? Merci la charge mentale!
L’heure est venue d’évoquer Pierre. Car au moment où les (fidèles) lecteurs se délecteront de ces quelques lignes, Pierre sera pour sa part sur le point de se repaître de ses présents de Noël. Nombreux, ces présents: plus il y a de cadeaux sous le sapin, plus la famille a l’impression d’avoir célébré un bon réveillon.
Pierre arrive avec rien et repart avec tout.
Pierre est un beau-frère, mais il pourrait tout aussi bien se révéler père ou conjoint, qu’importe. Pierre est toutefois toujours de sexe masculin. Pierre est surtout LE grand gagnant des célébrations du 24 décembre. Car Pierre arrive avec rien et repart avec tout. Attention, Pierre n’est pas méchant, il est même plutôt brave et pas vraiment opportuniste. Pierre profite seulement de son privilège de genre en exploitant –consciemment ou pas, le doute subsiste– le principe de la charge mentale.
Pierre bénéficie d’abord de la règle familiale qui veut qu’un de ses membres reçoit un cadeau non pas d’un autre individu, mais de la part d’un couple ou d’un noyau (parents + enfants); règle qui lèse évidemment les éléments célibataires de ladite famille (comme plein d’autres choses au sein de la société). Donc l’individu A devra prévoir trois cadeaux pour le noyau B, tandis que le noyau B n’en offrira qu’un à A.
Pierre fait donc partie du noyau B. Il rompt ainsi avec la théorie du don et contre-don (savoir recevoir mais également rendre ce qui fut reçu, coucou Marcel Mauss). A double titre. Car, naturellement, Pierre n’aura pas dépensé un euro, ni même passé une seconde dans n’importe quelle file d’un quelconque magasin. Pierre n’aura ainsi nullement contribué au présent que recevra l’individu A; ni financièrement, ni économiquement, ni stylistiquement car bien sûr, Pierre ne manie ni l’art de l’emballage, ni celui de la ficelle. Pierre n’aura même pas été celui qui apporte l’idée, car Pierre n’a, cela s’entend, absolument aucune opinion quant aux goûts de l’individu A.
Ni même quant à ceux de sa conjointe (qu’il doit bien entendu gâter). Pierre choisit seul, mais choisit toujours mal; ce qui ne manque pas de créer un psychodrame au cours du réveillon (c’en est presque devenu une tradition). Concernant le cadeau que Pierre tendra à sa fille, c’est infailliblement sa femme qui s’en sera occupée. De même qu’il aura délégué à cette même compagne la tâche de dénicher ce qui fera plaisir à sa propre mère et qu’il offrira sans rougir lors des festivités qui se dérouleront cette fois dans sa propre famille, le 25 décembre.
Assurément sa compagne pourrait l’envoyer paître, d’autant qu’elle n’ignore plus le caractère décevant du paquet que Pierre lui réserve (ça fait quand même 20 ans qu’elle n’est jamais contente; mais 20 ans que la famille s’enthousiasme de l’allure de la seule boîte emballée par Pierre, qui manie décidément fort mal l’art de la ficelle, mais pour une fois qu’il fait quelque chose, l’extase semble de mise).
Mais comme de juste sa compagne continue à s’acquitter seule de toutes ces pénitences, pour une raison qui n’a rien désormais plus rien d’obscur, à savoir le patriarcat. Toutefois, un sondage récent, réalisé en France par Yougov et Wecasa auprès d’un millier de parents dévoile que 28% des pères déclarent souffrir d’une importante charge mentale pendant les fêtes, soit treize points de plus que les mères. Raison principale? Parce qu’«ils ne la subissent pas comme les femmes tout au long de l’année», soit à 76% pour elles, contre 44% pour eux.
Pierre, indubitablement, ne fait partie ni des 28, ni des 44%.
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