Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Faciales, fessées, crachats: pourquoi cette obsession du «sexe punitif»
Si la sexualité évolue, elle reste très souvent avilissante pour les femmes. Merci qui? Merci le porno! Mais pourquoi cette volonté punitive?
Alors, y a-t-il eu du cul sous le sapin? Pas un Womanizer ni un quelconque autre sextoy de forme non phallique, non; la tendance 2024 en matière de coquinerie portait apparemment sur l’offrande d’«expériences» érotiques. Abonnements à des plateformes pornographiques féministes, à des audios caliente, à des applis pimentées, à des cours en ligne pour apprendre à (mieux) se masturber…
Peu avant le 24 décembre, Le Monde compilait ces canailles présents dans un article mentionnant, entre autres, le site développé par Erika Lust, papesse et pionnière du porno féministe. La Suédoise y raconte avoir lancé sa plateforme par volonté de contraste avec le regard masculin dominant le monde du X. Car «ceux qui font du porno viennent du même groupe: des hommes blancs, cisgenres, hétéros, d’âge moyen, énumère-t-elle. On ne voit que l’expression de leur sexualité, à savoir des gros seins, des grosses fesses, des femmes objets, du sexe punitif.»
«Sexe punitif.» Bam [bruit d’un franc qui tombe]. Mais oui! C’est tellement, exactement, précisément ça! Ces fessées claquées à tout va, ces cheveux tirés comme la laisse d’une chienne indisciplinée, ces verges enfoncées dans des gosiers jusqu’à les faire gerber, ces faciales pleuvant sur des visages de préférence en contreplongée et sortant la langue, ces «pute» et «salope» susurrés de façon salace, ces crachats allègrement dispersés… Sans même évoquer les violences, les abus (selon une étude d’Amnesty International datant de 2020, 20% des femmes ont déjà été violées et 23% ont subi une relation sexuelle forcée imposée par leur partenaire, juste pour rappel), elle est souvent comme ça, la sexualité dominante: punitive. Sur les sites de fesses, hardcore est d’ailleurs l’un des mots clés les plus recherchés, et pas besoin d’un dessin pour comprendre quels corps y sont les plus «hardemment» brutalisés.
Ce sont elles qui devraient frapper, hurler, cracher. De haine, que leurs corps soient si souvent exploités et meurtris.
Plus mystérieux, en revanche: les raisons qui justifieraient (ou du moins expliqueraient) que les femmes soient ainsi punies. Parce que l’une d’elles aurait un jour tendu la pomme? A cause de cet hypocrite double standard selon lequel les dames à la libido développée devraient avoir honte tandis que les hommes copulant tels des léporidés seront socialement valorisés? Parce qu’elles n’ont longtemps été considérées que comme des réceptacles du plaisir de l’autre?
Mais au fond, ce sont elles, alors, qui devraient frapper, hurler, cracher. De haine, que leurs corps soient si souvent exploités et meurtris. Ou de rage, que leur plaisir ait été si longtemps nié et reste encore parfois optionnel. Car d’autres rappels s’imposent:
1. La (re)découverte scientifique du clitoris ne débute qu’en 1998, avec les travaux de la chercheuse Helen E. O’Connell.
2. Le fossé orgasmique reste une réalité: selon une étude publiée dans la revue Archives of Sexual Behavior, 95% des hommes hétéros terminent leur rapport façon happy end, contre 65% des femmes. Le sondage réalisé en 2022 par Le Vif sur la sexualité des Belges livre d’autres chiffres (76,8% vs. 48,3%), mais l’idée reste la même: ces messieurs jouissent plus que ces dames.
3. Selon ce même sondage, en plus de cette jouissance exacerbée, les hommes proclament également des rapports sexuels plus fréquents et plus nombreux. Ils s’astiquent par ailleurs plus régulièrement le manche. Pourtant, ils se déclarent moins épanouis au lit que leurs congénères féminines. Que leur faudrait-il de plus? Du sexe encore un peu plus punitif, peut-être?
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