Anne-Sophie Bailly

La fable de la grenouille, le comportement humain et le réchauffement climatique

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Malgré les incendies et les canicules, les inondations et les pluies torrentielles, la prise de conscience des conséquences du réchauffement climatique tarde à se muer en action. Et c’est là qu’on relit la fable de la grenouille…

Tout le monde a déjà entendu cette fable qui voudrait qu’une grenouille plongée dans de l’eau chaude s’échapperait d’un bond, alors qu’immergée dans une eau froide portée progressivement à ébullition, elle s’engourdirait ou s’habituerait à la température jusqu’à finir ébouillantée. Le parallèle fait entre la morale de cette fable et le comportement humain face au réchauffement climatique n’est pas moins connu: l’évolution graduelle mais permanente du dérèglement climatique entrave la nécessaire prise de conscience et annihile toute réaction adéquate face à l’impératif et à l’urgence.

François Massonnet, chercheur qualifié FNRS et professeur au Earth and Climate Research Center de l’UCLouvain, n’expliquait pas autre chose dans Le Vif du 13 juillet quand il exposait que des étés et des hivers chauds et secs à répétition modifiaient sensiblement la perception que nous avons des normales saisonnières et provoquaient, de fait, une distorsion entre notre vision du temps qu’il fait et l’évolution du climat. Avec, comme conséquence, une forme d’habituation collective et inconsciente au déclin du climat qui se double d’une évidence, celle que les aléas météorologiques ont toujours existé. Qu’il s’agisse d’événements avec lesquels il faut composer, comme un hiver tempéré, un mois de février particulièrement ensoleillé ou une longue et intense période pluvieuse en juillet, comme la Belgique le vit actuellement.

L’accélération de la détérioration du climat génère une multiplication anormale d’événements extrêmes.

Sauf qu’aujourd’hui, le stade des aléas météorologiques naturels est dépassé et qu’une accélération de la détérioration du climat génère une survenance anormale d’événements extrêmes appelés à se multiplier. Inondations mortelles, sécheresse prolongée, canicule insupportable, pluies torrentielles, incendies dévastateurs, que l’on déplore du Canada à la Chine en passant par le sud de l’Europe ou la Californie, tous conséquences d’une hausse de la température globale, contribuent à une prise de conscience de manière violente et évidente. Mais visiblement pas encore suffisante pour une action commune.

En effet, réunis en Inde le 28 juillet, les membres du G20 ne sont pas parvenus à s’accorder sur un plafonnement des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025. Tout comme, une semaine plus tôt, ils n’étaient pas parvenus à s’entendre sur un calendrier de réduction du recours aux énergies fossiles. La Chine, l’Arabie saoudite et la Russie, peu enclines à faire passer les impératifs collectifs avant leurs intérêts nationaux, ont été pointées du doigt dans la responsabilité de cet échec. Comme la difficile question de la répartition du financement de la transition énergétique.

Pourtant, et tel que l’a pointé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, alors que juillet a été le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète, «l’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale. Le changement climatique est là. Il est terrifiant. Et c’est juste le début. Cela ne doit pas entraîner le désespoir mais l’action.»

La fable de la grenouille n’a jamais été autant d’actualité.

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