Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier: le football est-il devenu chiant?
La colère grimpe chez les spectateurs, de plus en plus souvent endormis par le football d’aujourd’hui. Il paraît que le foot a changé. Ou peut-être que ça vient plutôt d’eux.
Le football il a changé. C’est Kylian Mbappé qui le disait, à l’heure d’expliquer les étonnants paramètres de la prolongation de son contrat au PSG en 2022. La phrase a tellement frappé les esprits que le buteur français en a fait une marque déposée.
Le football a changé, c’est indéniable. Et ça ne plaît visiblement pas à tout le monde. Porte-parole d’un certain public d’amateurs de ballon rond grâce à un ton vendu comme volontairement décalé, le magazine français SoFoot s’est fait le mégaphone d’une génération désenchantée par l’intermédiaire d’un sondage qui fait beaucoup parler de lui sur le réseau social X. 33.000 votants et une écrasante majorité de «oui» pour répondre à la question: «Êtes-vous en train de vous désintéresser du football? » La question est posée le 16 octobre, au sortir d’une trêve internationale consacrée aux éliminatoires de la Ligue des Nations. Sans doute les phénomènes les plus visibles de l’overdose de football que commencent à subir certains. Dépréciées par l’époque, parce qu’elles n’attirent pas les meilleurs entraîneurs et sont laissées de côté par des joueurs de premier rang, les équipes nationales n’ont plus la cote dans un football où le supportérisme tourne souvent à l’obsession pour «son» club. L’instant est donc particulièrement propice à la lassitude. Aux discours rappelant que le football, c’était quand même mieux avant.
Si le football est plus omniprésent que jamais, renforçant parfois le sentiment de trop plein de ceux qui commenceraient déjà à en avoir marre, le jeu s’est indéniablement amélioré.
Les souvenirs ont de commode qu’ils permettent d’enfouir dans un recoin de mémoire dédié à l’oubli tous les mauvais matchs auxquels on a pu assister par le passé, pour ne conserver que le meilleur. Des highlights dans la cervelle avant l’heure de YouTube, pour se souvenir des actions de génie et, parfois, se survendre à soi-même des joueurs géniaux par instant mais trop irréguliers pour être des géants. Ceux-là sont désormais mesurés par les défenseurs du football d’avant à des gros calibres du jeu actuel, pour faite systématiquement pencher la balance en faveur du passé. Pourtant, si le football est plus omniprésent que jamais, renforçant parfois le sentiment de trop plein de ceux qui commenceraient déjà à en avoir marre, le jeu s’est indéniablement amélioré. Beaucoup pointent du doigt Pep Guardiola et ses ersatz, jugés coupables d’avoir chloroformé les initiatives individuelles des joueurs, mais ceux-là oublient de revisionner les matchs de référence de leur mémoire, là où les défenseurs et le gardien ne faisaient souvent qu’envoyer le ballon le plus loin possible pendant que le milieu défensif était parfois plus proche du paracommando que du footballeur. S’il est absurde de comparer les joueurs de différentes époques en raison de trop importantes évolutions physiques et scientifiques, la comparaison entre la qualité des footballs doit toujours se faire en faveur du jeu d’aujourd’hui.
Alors, pourquoi ce sentiment gagne-t-il les cœurs de suiveurs de plus en plus nombreux?
Et si c’était simplement le temps qui passe? Celui qui fait que voir un match de football devient secondaire au rang des priorités, et qu’on se lamente plus facilement de la qualité du spectacle quand on se dit qu’on aurait pu passer une heure et demie à faire autre chose. On perd alors la faculté de fascination pour les précieux détails que sont un contrôle réussi, une passe mielleuse ou un dribble soyeux. Comme quelqu’un qu’on aurait trop vu, au point de ne plus en voir que les défauts.
Le football il a changé, c’est sûr. Est-il devenu pire pour autant? Les équipes sont en tout cas plus solides que jamais, la préparation est chirurgicale et les matchs au sommet se préparent jusque dans les moindres détails. L’effet de surprise devient plus rare, doit se chercher plus loin. Le génie se cache parfois dans un détail aussi minuscule qu’un hors-jeu joué à la perfection. Lors du Clasico contre le Barça, Kylian Mbappé a été pris au piège huit fois. On a beaucoup parlé de son placement, moins des chorégraphies défensives des Catalans. Parce que le football changé, mais le spectateur aussi.
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