Nicolas De Decker
La certaine idée de Nicolas De Decker | Pourquoi la gauche a presque arrêté de parler de Palestine depuis les élections
Depuis le 9 juin, les partis de gauche, en Belgique francophone, ont mis la Palestine en veilleuse. C’est une erreur tactique.
Jusqu’au 9 juin dernier, la Palestine était un sujet, en Belgique, et spécialement en Belgique francophone. Un grand sujet. Presque LE sujet.
Don’t stop talking about Palestine, qu’ils disaient. La surenchère à gauche, traditionnellement propalestinienne, sur le thème, les manifs et les tracts, les votes au Parlement, les débats en gouvernement, les publications sponsorisées, les interviews indignées, ont poussé le PS, Ecolo et le PTB à faire campagne pour la Palestine, partout et tout le temps jusqu’à la saturation, et ils ont perdu les élections, surtout là où on se fiche de la Palestine et là où on ne la défend pas du tout. Corrélation n’est pas causalité, bien sûr.
Mais le double jeu à droite, traditionnellement pro-israélienne, sur la question, les accusations pas toujours fausses mais toujours surmédiatisées d’antisémitisme, les refus au gouvernement et les stories envoyées à différents silos ont porté le MR à faire campagne contre et pour la Palestine en même temps, selon le quartier auquel il s’adressait, et il a gagné les élections partout, et surtout là où on se fiche de la Palestine ou là où on ne la défend pas du tout. Causalité n’est pas corrélation, évidemment.
Mais beaucoup de ceux qui ont perdu les élections se disent qu’ils les ont peut-être perdues parce qu’ils se sont livrés à une surenchère sur un sujet considéré, à tort ou à raison, comme secondaire par beaucoup d’électeurs, et peut-être même comme un motif d’énervement par d’autres. Et ceux qui ont gagné les élections se disent qu’ils les ont gagnées grâce à ce double jeu, et savent qu’ils n’ont pas tort de traiter leurs adversaires d’antisémites, parce que l’argument est toujours légitime et parfois fondé, et qu’il n’est pas considéré comme secondaire par beaucoup d’électeurs, à raison.
Alors ils ne font presque plus campagne pour la Palestine depuis qu’ils ont perdu les élections, ceux qui croyaient pouvoir gagner les élections sur la Palestine. Ils criaient Don’t stop talking about Palestine, ils ont arrêté de parler de la Palestine, et c’est une erreur.
C’est une erreur, mais pas d’un point de vue moral, parce qu’on perd toujours, en politique, quand la morale guide vraiment ses choix. Pas d’un point de vue géopolitique, parce que les Palestiniens qui souffrent n’ont rien gagné dans cette campagne belge, et qu’aujourd’hui encore, moins que jamais, la Belgique prendra les maigres mesures qu’elle peut prendre pour atténuer leurs souffrances.
Mais c’est une erreur d’un point de vue pratique, parce que ceux qui défendent vraiment la Palestine ici constatent qu’il n’y a plus, depuis le 9 juin, tant de politiques dans les manifestations qu’ils animent, sur les réseaux sociaux qu’ils parcourent, dans les interviews qu’ils lisent, ou dans les débats parlementaires qu’ils suivent, et qu’ils trouvent ça dégueulasse.
Et c’est ainsi qu’après avoir perdu ceux que la Palestine indiffère, et après s’être éternellement fait haïr par les vrais ennemis de la Palestine, les trois partis francophones perdants, en éteignant mal une surenchère ratée, finiront même par perdre les authentiques amis de la Palestine.
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