© Getty Images

La certaine idée de Nicolas De Decker | Ceux qui s’opposent au point médian, ces médiocres qui se croient grands

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La ministre de l’Enseignement Valérie Glatigny (MR) vient d’interdire l’utilisation de l’écriture inclusive via le point médian. Et beaucoup ont applaudi… en se réfugiant derrière de fallacieux principes.

Après avoir reçu des applaudissements pour avoir interdit partout un comportement qui n’était autorisé nulle part, soit le smartphone à l’école, puisque les établissements en avaient tous déjà régenté l’usage, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles interdit à tout le monde un signe de ponctuation qui n’était utilisé par personne, à savoir le point médian. Et il récolte, une fois encore, les félicitations unanimes des médias dominants et des réseaux sociaux, toujours unis dans la défense opiniâtre du conservatisme le plus politiquement correct.

Pourtant, les lecteurs du Vif savent que le point médian n’est pas spécialement moins lisible que les parenthèses qu’il remplace. Au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, quelqu’un s’est peut-être honteusement souvenu que Les Engagé.e.s d’ailleurs ne s’appelaient pas Les Engagé(e)s ni Les Engagés au moment de valider l’interdiction, on ne sait pas.

Mais il a si mauvaise presse qu’un éditorialiste très influent y a vu, de même que dans toute «l’écriture inclusive», un «barbarisme» uniquement voué à satisfaire «l’ego démesuré» de «catégories de la population» qui l’auraient inventé mais qu’il ne citera pas, ce qui marque une nouvelle étape dans l’histoire de la dénonciation de l’égoïsme, les égoïstes démesuré(e)s étant resté(e)s anonymes.

La ministre de l’Enseignement, elle, a justifié sa brave interdiction à tout le monde de ce point médian qui n’était utilisé par personne par l’impossibilité de l’enseigner aux plus faibles usagers de notre système scolaire à qui, donc, personne ne l’a encore appris. «Si on devait l’apprendre aux élèves en difficulté, on ne s’en sortirait pas», a-t-elle dit, et les mêmes médias dominants et réseaux sociaux unanimes ont encore applaudi, subitement préoccupés par les difficultés d’apprentissage traversées par les plus faibles usagers de notre système scolaire.

Ceux-là, pourtant, s’insurgent toujours lorsque les enseignements sont adaptés pour être rendus plus accessibles aux élèves en difficulté. Vous savez, c’est le fameux «nivellement par le bas» dont ils s’offusquent lorsqu’il est question d’escamoter une déclinaison latine, un participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir lorsque le complément d’objet direct se trouve antéposé, ou un classique dépassé, une dérivée oubliable, ou des asymptotes amphigouriques. Il serait heureux de voir ces pleurnicheurs de l’excellence tout à coup se tracasser des difficultés des plus faibles et de l’inaccessibilité des savoirs, si seulement ces rageux applaudissements s’étaient arrêtés lorsque le même gouvernement a annoncé, au même moment, lancer des économies dans ces écoles que fréquentent exclusivement les plus faibles, celles de l’enseignement qualifiant. Mais ils ont continué à applaudir. Parce que la censure d’un certain féminisme est plus importante pour eux que l’apprentissage des élèves en difficulté. Et parce qu’ils préfèrent lutter contre le point médian, mais qu’ils se désintéressent des moyens qu’on ne donne point, ils sont médiocres alors qu’ils se croient grands.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire